Chapitre 25

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Ses bras entourent mon cou et ma main glisse pour se positionner entre ses deux omoplates. Nos regards sont rivés l'une sur l'autre, tandis que nous ne percevons plus que le silence. Nos visages se rapprochent peu à peu, sans aucune explication apparente : elle n'en serait d'aucune utilité. Nous ne savons ni pourquoi, ni comment, mais ce dont nous sommes sûres, c'est que cela va arriver et que nous sommes prêtes.

Une brusque sonnerie retentit à côté de mon oreille gauche : je sursaute brusquement, éjectée de mon rêve si agréable. Je m'empare de l'objet qui a causé mon réveil, à savoir mon téléphone, avant de me rendre compte que c'est Sarah qui m'appelle. Je décroche aussitôt :

"..Oui..?"

"En voilà une qui vient juste de se réveiller !"

"Et la faute à qui, à ton avis ?"

Je l'entends rire à travers le téléphone. Cette fille n'a décidément plus de respect pour personne.

"Désolée, désolée ! C'était juste pour être sure que tu n'oublies pas notre rendez-vous de tout à l'heure. Sur ce, il faut que je te laisse : j'ai presque plus de crédit ! Et t'inquiète pas, je t'achèterai un café pour me faire pardonner."

A peine a-t-elle fini sa phrase qu'elle me raccroche au nez. Je repose mon téléphone à côté de mon oreiller, avant de me murmurer, dans une illumination matinale :

"Mais.. Je n'aime pas le café..?"

Quelques dizaines de minutes plus tard, j'ai enfilé un jean bleu foncé et un sweat gris, trop grand pour moi mais que je conserve tout de même. Que l'on ne me demande pas pourquoi, j'ai toujours eu des tics inexplicables. Je tente de coiffer rapidement mes cheveux, lâchant des "aïe" à chaque mouvement de brosse. Une fois prête, je descends en bas et découvre, comme toujours, Isabelle dans la cuisine. A force, je commence à croire qu'elle ne vit que dans cette pièce. A la table de la salle à manger, Rachel déguste calmement un chocolat chaud. En abaissant sa tasse, elle me remarque, rougit, me salue dans un murmure que je n'ai même pas perçu, puis se reconcentre sur sa boisson. Je ne peux m'empêcher de rougir également, en repensant aux événements d'hier et de mon précédent rêve. Je finis par répondre un "bonjour" embarassé à ma soeur, avant d'aller saluer ma belle-mère. Je m'installe ensuite pour déjeuner avec Rachel, dans un silence complet et uniquement troublé par les gestes minutieux d'Isabelle. Même si nous n'échangeons aucune parole, je suis persuadée que nous pensons à la même chose : le baiser manqué d'hier après-midi. N'y tenant plus, je décide de briser l'atmopshère gênante en faisant appel à ma belle-mère :

"Ah, au fait ! Sarah m'a donné rendez-vous tout à l'heure, vers onze heures. D'après ce qu'elle m'a dit, on ira se promener et déjeuner ensemble, donc je ne mangerai pas ici ce midi."

Isabelle acquiese mais me rappelle de ne pas rentrer trop tard : il vaudrait mieux éviter vu que ce soir, va se clore l'année. Autrement dit, c'est la veille du Nouvel An ! J'ose tout de même jeter un coup d'oeil à Rachel, pour vérifier si sa jalousie ne l'aurait pas soudainement reprise : elle se contente de me sourire, comme pour m'encourager à faire ce qu'il me plaît. Un éclair de gratitude doit actuellement illuminer mon regard : ma soeur a donc bel et bien confiance en moi. Pour le lui faire entendre, indirectement certes, je débarasse ses couverts en même temps que les miens. Alors qu'elle me frôle, en direction de l'escalier, elle me murmure un bref "merci" au creux de l'oreille avant de déposer rapidement ses lèvres sur ma joue. Je manque de lâcher sa tasse et de m'étrangler par la même occasion : je tourne la tête, afin de la surprendre en pleine fuite mais elle a déjà disparu à l'étage. Sans doute doit-elle être un ninja : je ne vois pas d'autre explication à sa rapidité et sa discrétion.

Environ une heure plus tard, je suis enfin prête et pars rejoindre Sarah en ville, après avoir annoncé mon départ à Isabelle. Evidemment, mon amie a eu beau me réveiller afin que je ne sois pas en retard, c'est finalement elle qui l'est. Au bout d'un quart d'heure d'attente, je soupire d'exaspération, avant que quelqu'un ne vienne applatir ses paumes sur mes yeux, me demandant :

"Qui c'est ?"

Je tâte les mains qui me couvrent la vue, bien que je sache parfaitement qui est leur propriétaire.

"Mmh.. Pas de vernis ? Des doigts longs sans être fins ? Mais c'est un garçon !"

Je retire ce qui m'empêche de voir, me retourne et me retrouve nez à nez avec une Sarah vexée au plus haut point.

"Tu sais que je n'aime pas comment sont formés mes doigts !"

"Tu n'as qu'à pas me les mettre sur le visage, alors."

Après m'avoir tiré la langue, réaction enfantine dont je me suis moquée intérieurement, elle m'annonce le programme de la journée : aller voir un film d'action au cinéma, puis déjeuner au restaurant le plus proche, avant de passer le reste de l'après-midi à faire du lèche-vitrine. Sarah a beau ne pas être organisée dans ses cours, il faut avouer qu'elle sait comment s'y prendre pour passer de bons moments.

Le soleil commençant à disparaître à l'horizon et mes jambes rendues molles par la marche, m'informent qu'il est l'heure de rentrer. Je remercie Sarah et la salue de loin, après qu'elle m'ait fait la fameuse blague "A l'année prochaine !", à laquelle je n'ai même pas osé réagir.

Longeant les trottoirs éclairés par les lampadaires, je songe à ce qui m'attend lorsque je serai à la maison : le repas d'Isabelle, la perspective d'une belle soirée avec ma famille, la convivialité et la festivité du Nouvel An.. Mes pensées s'épanouissent peu à peu, vagabondant d'un sujet à l'autre. Quand je pousserai la porte, ma belle-mère me demandera comment s'est passée ma journée et après lui avoir répondu, j'irai trouver Rachel, peut-être déjà prête et habillée. Mon coeur s'extasie au souvenir de son élégance lors de la veille de Noël et je me surprends à prier pour qu'elle porte la même tenue. Aussitôt, l'envie de la voir s'empare de moi et je dois me faire violence pour ne pas courir jusqu'à la maison. Une journée sans elle, et me voilà totalement en manque : je confirme, l'amour est effectivement une drogue. Dieu merci, celle-ci est légale.

A peine arrivée dans le jardin, je remarque un scooter garé contre la palissade qui nous sert de clôture : je ne me rappelle pas Isabelle avoir dit que l'on avait un invité. Peut-être est-ce l'un de ses amis ? Je ne m'en inquiète pas et me dépêche de monter les quelques marches de la terrasse, pour aller ouvrir la porte. Lorsque je l'ouvre, mes espoirs d'une soirée tranquille, mon rêve d'un Nouvel An intime et paisible avec ma famille, ainsi que mon bonheur d'être avec Rachel, s'effondrent sans prévenir.

Devant moi se déroule une scène que je ne saurais décrire avec des mots : ma soeur serre de toutes ses forces une personne inconnue, aux cheveux châtain foncé et légèrement recourbés aux pointes. Isabelle, quant à elle, caresse la tête de cette dernière, les larmes aux yeux et un sourire épanoui gravé sur le visage. J'observe Rachel tenir dans ses bras cette femme que je ne connais pas et qui semble l'enlacer aussi. Ma soeur pleure toutes les larmes de son corps, mais je reconnais ces dernières : ce sont des larmes de joie. Identiques à celles qui brillent au bord des paupières de ma belle-mère. La compréhension se fait lentement, de même que mon coeur semble se briser devant cette vision. Rachel, sans s'être rendue compte de ma présence, achève la conclusion de mes neurones, me donnant brusquement l'envie de pleurer à mon tour :

"Nina.. Tu m'as tellement manqué !"





How on earth can I love her ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant