Chapitre 16

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Je me lève rapidement de ma chaise, essayant de dire quelque chose : mais je ne peux me justifier. Rachel nous a prises sur le fait. Sans même nous reprocher quoi que ce soit, elle repart à l'étage, hors d'elle. Je n'attends aucun signe de la part d'Isabelle, qui reste de marbre devant ce qu'il vient de se passer, et me précipite à la suite de Rachel. Le temps d'arriver en haut, elle est déjà partie dans sa chambre et s'apprête à refermer la porte. Sans réfléchir, car ce n'est pas dans mes habitudes, je place mon bras dans l'entrebaillement de celle-ci, pour la garder ouverte. Très mauvaise idée : la porte se referme brutalement sur mon bras en m'arrachant un cri de douleur. Je viens peut-être de me briser le cubitus mais je n'y prête pas attention : je pousse de toutes mes forces contre la porte, tandis que Rachel fait de même, mais de l'autre côté. Finalement, elle ne tient pas plus de dix secondes et relâche la pression, ce qui provoque ma chute vers l'intérieur de la chambre. Bien sûr, j'atteris sur mon avant-bras douloureux, réprimant de justesse une vulgarité dont je me serais moi-même offusquée. Je me relève malgré la douleur lancinante de mon membre et m'approche de Rachel : elle s'est assise dans un coin de la pièce, des larmes coulant le long de son visage et me fixe avec crainte. La voir pleurer, bien que ce ne soit pas la première fois, me fait un tout autre effet : désormais, je connais ses raisons. Je sais pourquoi Rachel pleurait dans son sommeil et pourquoi elle semblait sangloter lorsque je suis revenue la voir dans sa chambre. Je m'asseois à côté d'elle, bien qu'elle me tourne le dos et sans réfléchir, je la prends dans mes bras. Malheureusement, ce geste est rendu difficile par mon membre défectueux, mais je tente de la serrer le plus possible contre moi, afin de lui transmettre un minimum de réconfort. Après plusieurs minutes passées ainsi, Rachel se retourne vers moi, plongeant son regard, noyé par les larmes, dans le mien. Elle semble vouloir parler, me dire quelque chose, peut-être m'expliquer elle-même ce qu'elle a vécu. Mais je lui fais comprendre, en un simple sourire, qu'elle n'en a pas besoin, avant de la serrer un peu plus dans mes bras. Je la sens alors s'appuyer contre moi, enlaçant mon dos de ses bras encore tremblants. Ses mains sont déséspérément aggripées à mon haut et ses pleurs n'ont pas cessé, mais pourtant, je la sens plus en sécurité que jamais. De longues secondes passent et le silence est à peine troublé par les sanglots de ma demie-soeur : j'espère que cet instant puisse durer pour toujours. La douleur de mon bras s'est évaporée depuis que je tiens Rachel contre moi, tout comme mes sentiments négatifs de ces derniers jours. Cela ne fait plus aucun doute : Rachel est tout pour moi. Je regrette soudainement d'avoir pensé à l'abandonner, pour mon propre bien, sans songer au fait qu'elle aurait eu l'impression de revivre le départ définitif de sa soeur. Rachel parvient enfin à arrêter ses larmes et, comme si elle lisait dans mes pensées, me murmure :

"Ne m'abandonne pas.. S'il-te-plaît..."

Ces mots achèvent de me convaincre de rester auprès d'elle : tant pis si je deviens la remplaçante de Nina, tant pis si je ne reste que sa demie-soeur, tant pis si elle ne prend jamais en compte mes sentiments à son égard. Désormais, ma seule envie, c'est que Rachel puisse être heureuse.

Quelques instants plus tard, Isabelle vient jeter un oeil dans la chambre, afin de savoir comment cela s'est terminé. En nous découvrant dans les bras l'une de l'autre, j'aperçois une larme se former au coin de ses yeux, qu'elle se dépêcher d'essuyer. Elle me sourit, d'un sourire que je n'avais vu auparavant : celui qui témoigne d'un grand bonheur, d'un rêve réalisé ; un vrai sourire, beau et radieux. Je ne peux m'empêcher de sourire à mon tour et de m'imaginer que, si Isabelle a décidé de m'adopter, c'était dans un but comme celui-ci.

Elle me lance un autre regard, interrogatif. Je sais ce qu'elle me demande. Mais je sais aussi qu'elle connaît déjà ce que j'en pense. Alors, sans prendre la peine de répondre avec des mots, je tourne la tête vers Rachel qui me supplie silencieusement, puis en guise de réponse, je souris une nouvelle fois à celle qui, j'en suis convaincue, restera ma belle-mère, pour encore plusieurs mois.

How on earth can I love her ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant