Chapitre 8

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Sans savoir comment, je me suis retrouvée dans un champs de blé, illuminé par les rayons du soleil. Je tourne la tête de tous les côtés : le champs n'a aucune limite ; il semble qu'il s'étale sur plusieurs kilomètres. J'essaie de me remémorer une quelconque consommation de produit illicite qui pourrait justifier cette hallucination, lorsque mes efforts intellectuels s'interromptent brusquement : je ne suis pas la seule ici. Effectivement, j'aperçois au loin une silhouette que la luminosité m'empêche de voir correctement. En plissant les yeux, je parviens à la voir s'avancer vers moi. D'habitude, j'aurais tellement eu peur que ce soit un fantôme ou un poltergeist que j'aurais opté pour "la fuite avec supplément de cri efféminé". Mais pas cette fois : je me sens confiante. Sans aucune peur, je me mets à avancer moi-même vers cette personne. Plus je m'approche d'elle, plus je la reconnais et plus mon coeur se met à battre rapidement. Au final, je me suis carrément mise à courir. Une fois rapprochées l'une de l'autre, il n'y a plus aucun doute : c'est Rachel qui se tient devant moi. Elle porte une robe blanche, d'une simplicité à toute épreuve, et pourtant tellement magnifique. Ses cheveux bruns flottent doucement le long de son dos. Aussi proche d'elle, je me rends compte qu'elle est plus petite que moi, d'à peine quelques centimètres. Les secondes passent, puis les minutes, sans que l'une d'entre nous ne dise mot. Nos yeux sont plongés dans ceux de l'autre et nous préservons ce silence, qui ne nécessite aucune explication. Les battements de mon coeur ne parviennent pas à se calmer, malgré la sérénité apparente de la situation. Je ne vais pas tenir longtemps : elle est tellement belle que je risque de devenir aveugle d'ici quelques minutes. Sans réfléchir aux conséquences, je m'approche un peu plus d'elle et la prends dans mes bras. Je n'arrive même pas à croire que j'ai eu le courage de faire ça : je m'apprête à m'écarter d'elle, lorsque je sens deux bras enlacer mon dos. Rachel pose doucement son front contre mon épaule tandis que je retiens des larmes de joie : en quoi un câlin peut-il me rendre si sentimentale ? La serrer dans mes bras me procure un bien fou ; j'en ai la tête qui tourne. Je prie pour pouvoir rester ainsi indéfiniment.. Seulement, Rachel s'accroche de plus en plus à moi. J'aurais pu m'en réjouir si je ne la sentis pas s'effondrer lentement dans mes bras et ma sensation de joie avec. Je la retiens afin d'éviter sa chute, avant de l'allonger au sol.

"Ra.. Rachel ?"

En guise de réponse, elle se contente de sourire et de murmurer :

"Merci.."

Puis ses yeux se ferment.

Le soleil a disparu, le champs de blé est devenu une terre aride et hostile, et la chaleur de son corps s'est évanouie. Je me mets à trembler, tout en essayant de comprendre : pourquoi ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Elle va bien, n'est-ce pas ?

"Hé.. Rachel ? Aller, réveille-toi. -mes mots peinent à sortir. Je n'arrive pas à croire ce qu'il vient d'arriver. Je ne veux pas y croire. Ce n'est qu'une illusion : ma soeur ne s'est jamais évanouie et demain, tout ira bien. Pourtant, je n'arrive pas à me persuader et mon coeur semble saigner un peu plus à chaque battement- Dépêche toi.. Isabelle nous attend pour déjeuner.. -je sens des larmes déborder de mes yeux, mais je ne les essuie pas. Actuellement, seul le corps inerte de Rachel mérite mon attention- Aller..."

J'ai l'impression que le temps s'est arrêté : j'ignore combien d'heures ou de jours j'ai passé à essayer de la réanimer.. A moins que ce ne soit que des secondes. Soudain, la cécité me prend : je ne vois absolument plus rien et je sens le corps de ma soeur disparaître de mes bras, tandis que quelque chose me traîne loin d'elle. J'ai beau hurler mon désaccord, je ne peux me défaire de cet écran noir qui m'empêche de savoir où elle est, où je vais et ce qui nous arrive. La force devient de plus en plus forte : je me sens tourner plusieurs fois sur moi-même, comme emportée par un courant marin trop violent. Des images se succèdent et la noyade me guette : une odeur déplaisante, des sirènes, des larmes, un éclair ardent, des personnes habillées de blanc, une salle d'hôpital, un sentiment de panique générale et finalement, plus rien.

Avec une énorme inspiration, je me redresse brutalement dans mon lit. A ma gauche, le réveil de mon téléphone sonne : il est sept heures et quart. J'applatis ma main dessus pour le désactiver, avant de reprendre mes esprits. Je me passe la main sur le visage : celle-ci tremble encore. Je respire calmement tout en me raisonnant :

"Ceci n'était qu'un rêve, Alice.."

Mais quel rêve, sérieusement ! On a pas idée de faire des songes aussi loufoques. Je me recroqueville sur moi-même, posant mon front sur mes genoux repliés : pourquoi Rachel était là ? Pourquoi étais-je si heureuse de sa présence ? Et pourquoi s'était-elle évanouie dans mes bras ? Je relève la tête, fixant à présent le mur blanc en face de mon lit : ces images.. Je m'en rappelle, hélas. J'aurais voulu devenir amnésique pour pouvoir les oublier. Finalement, je sors de la couverture, me mettant debout avec difficulté. Je m'apprête à m'habiller et c'est en passant devant le miroir que je remarque les joues humides de mon reflet : on dirait que mes pleurs ne se sont pas limités au rêve. Je me mets à sourire, seule, en songeant au fait que quelques nuits plus tôt, c'était Rachel qui pleurait dans son sommeil. Tout compte fait, nous ne sommes pas si différentes l'une de l'autre. A l'exception de la raison de nos larmes.


How on earth can I love her ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant