GRAIN DE SEL

9.

9.

Je fixe le vide par la fenêtre du taxi qui avance dans la nuit. Bizarrement, je n'ai pas mal, je ne souffre pas. Je suis vide...

Tout ça a été bien trop en une seule soirée et c'est comme si mon cerveau avait saturé d'informations et c'était mis en veille. Je ne sais pas bien ce qui m'a le plus perturbé. Si c'est d'avoir accepté le fait qu'Ethan sera toujours dans mon cœur, ou d'avoir presqu'apprécié le baiser de Liam. J'ai tellement de mal à gérer déjà mes déboires avec un seul homme, que l'idée qu'un autre arrive dans l'équation est simplement trop de choses à traiter à la fois.

Et je mets en pause...

Les rues de Manhattan sont presqu'aussi calme, alors que je rentre chez moi, après avoir déposé Liam chez lui dans un silence pensant. Lui aussi a ressenti que quelque chose avait changé, que ce baiser n'était pas juste une façon de rendre Ethan jaloux... J'espère simplement que ce dernier l'a interprété comme faisant parti de ce rôle qu'il m'a attribué...

Je ne sais si j'espère ou si je crains un message ou un appel de sa part, mais l'écran de mon téléphone reste noir.

Je ne sais si j'espère ou si je crains qu'il ne soit là lorsque je pousse la porte de mon appartement, mais il n'y a que le vide pour m'accueillir.

Et c'est ainsi tout le reste de la soirée, de la nuit, de la matinée...

Je sais que dans quelques heures, un nouveau couperet va tomber avec le dernier numéro du magazine de Louane qui sera dans les kiosques. Mais alors que le plan machiavélique que nous préparons me semble bien plus tortueux, je suis à peine touchée en découvrant une nouvelle rumeur dans ses lignes.

Et aussitôt, la machine se met en branle, comme si nous avions pris simplement l'habitude, organisés, de contrer chacune de ses attaques. Et nous passons la journée à retourner la terre et le ciel pour tenter d'amener tout cela à notre avantage...

Et lorsque je rentre enfin vers dix heures du soir, une silhouette assise devant chez moi m'annonce que la soirée n'est pas terminée.

Pourtant, dans cet air frais mais presqu'agréable, j'avance sans peur vers Liam. Comme si je savais que quoique nous disions, aucun de ses mots ne sera là pour me blesser...

-Tu attends depuis longtemps ?..., dis-je en faisant un dernier pas lent vers lui, les mains dans mes poches.

-J'avais besoin d'un peu d'air frais, dit-il, recroquevillé sur lui-même.

-Tu veux entrer ?...

-Ta tête me dit que tu aurais bien besoin d'un peu d'air frais aussi, s'amuse-t-il en levant les yeux vers moi.

Je souris, habitée de légèreté et de nostalgie à la fois, alors qu'il tapote sur la marche à ses côtés pour faire signe de le rejoindre.

Je m'exécute et pendant quelques secondes, nous fixons simplement la vie devant nous défiler.

-Plus rien ne sera comme avant, n'est-ce pas ?..., dit-il timidement en brisant à peine le silence.

C'est un fait, les choses sont différentes aujourd'hui. Mais peut-être pas parce qu'il a été trop loin avec ce baiser... Peut-être pas parce que je devrai m'éloigner de lui car n'ayant pas les mêmes attentes...

Peut-être plutôt parce que là, ce soir, après avoir traversé une journée de folie, une semaine de dingue et me retrouvant à ses côtés, une seule pensée me traverse l'esprit.