GRAIN DE SEL

20.

20.

Gris.

Totalement gris.

Avec de légers reflets bleus peut-être, mais d'un bleu froid, et sombre, métallique...

Je cherche en vain à définir la couleur de ces murs, de cette table, de ces chaises... Tout ici est froid, tout ici est presque déjà un peu mort.

Comme moi sans doute...

Je suis sûre que si nous n'avions pas le passé qu'est le nôtre, j'aurai refusé d'y croire. J'aurai levé les yeux au ciel, j'aurais souri, tant l'hypothèse qu'Ethan ait pu livrer à Louane toutes les informations sur mes auteurs semblait farfelues.

Mais voilà, nous avons notre passé. Nous avons notre histoire, faites de trahisons, de mensonges...

La porte de la salle d'interrogatoire s'ouvre, encore.

Mais cette fois-ci, ce n'est pas un énième agent qui me fait répéter une énième version de tout ça.

C'est Aaron.

Et presque contrairement aux autres que j'ai pu croiser en une seule et longue nuit, lui ne semble pas sur le point de m'agresser, de me torturer l'esprit à essayer de me le retourner.

Non. Il semble juste triste pour moi, le seul à vraiment comprendre ce qu'il s'est passé et surtout ce qu'il s'est dit...

-Hey, comment ça va..., dit-il avec douceur en posant devant moi un verre de jus de fruit et un mini-sandwich.

-Ca ira...

Lentement, comme avec compassion et prudence, il vient s'assoir avec moi, hésitant.

Et ce n'est que le silence, lourd, pesant, épuisant. Parce qu'il n'y a sans doute rien à dire. Parce que lui comme moi avons été des pigeons et qu'aucun mot n'est assez fort pour exprimer tout ça.

Il laisse jouer son stylo entre ses doigts, cherchant par où commencer.

-Tu sais que je suis censée te passer une soufflante pour ne pas avoir dit le mot d'alerte alors qu'elle avait un flingue ?...

Je tourne la tête, regardant avec dépit le miroir sans tain juste à côté.

-Nous sommes seuls. On peut... parler librement, dit-il en devinant mes craintes.

Mais pourtant, je ne dis rien de plus. Je suis vidée, je suis blasée... En fait je m'en fou.

-Tessa, tu es consciente du fait qu'elle aurait pu te tuer ?, dit-il toujours avec autant de délicatesse.

Je continue à fixer mes doigts s'entrelaçant, sur cette table de métal gris. Gris, gris, gris... Alors que tout me semble noir.

-Ce que tu penses être un acte de courage aurait bien pu me coûter ma place, puisqu'apparemment ton propre sort t'importe peu...

-On a des aveux, non ?

-Oui, mais ça aurait pu...

-Et tu as toujours ta place ?

-Tessa..., soupire-t-il.

Je m'en veux aussitôt de l'agresser presque, alors qu'il ne cherche qu'à m'aider...

-Que va-t-il se passer pour Louane maintenant ?, préférais-je changer de sujet.

-Et bien... On va perquisitionner chez elle, on y trouvera sans doute les mêmes choses qu'Ethan..., soupire-t-il.