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C'est dur... Bordel que c'est dur.

Je passe des heures qui me semblent des jours, à tenter de ne pas fermer les yeux, car aussitôt un frisson me parcourt.

Je me bats contre moi-même pour que chaque main que je serre, chaque personne qui me frôle arrête de me faire trembler.

Le souvenir de sa peau est une torture.

La sensation de son souffle contre ma chair est un vice.

L'enfer n'est pas fait de douleur et de sang. Il est rempli de frustration et d'envie... Et j'en arpente chaque recoin, accompagnée de culpabilité, comme si la torture de l'inaccessible ne suffisait pas.

Je sais que ce soir, une nouvelle étape s'annonce. Je sais que nous jouons gros, que nous prenons tous les risques.

Et pourtant, la seule pensée qui m'obsède est le désir que j'appréhende de ressentir en entendant sa voix dans ce fichu micro.

J'ai passé des heures à maltraiter le stylo entre mes doigts, alors qu'il ne demandait qu'à écrire sur les dizaines de papiers que j'ai à remplir devant moi. Et même le contact du plastique froid sur ma peau me parait presque sensuel tant je suis à fleur de peau.

Je secoue la tête et ouvre grands les yeux, prenant conscience de la bulle charnelle dans laquelle je me suis enfermée.

Une sonnerie me tire de mes pensées et je l'accueille presqu'avec soulagement.

-Oui Elena ?

-J'ai un appel de Bérénice Stuart... Je... Je pense que c'est à vous que je dois la passer...

-Faites...

Je ne sais pourquoi, mais un mauvais pressentiment me tiraille. Bérénice ne prend contact avec nous généralement que par mail, pour nous envoyer ses scripts, et part s'enfermer avec un correcteur pendant des semaines sans qu'on ne la croise jamais.

-Bérénice ? Comment vas-tu ?, tentais-je de l'accueillir d'une voix ravie.

-Bonjour Tessa... Ca peut aller, je...

Je la sens hésitante, presque souffrant des mots qu'elle s'apprête à dire.

-Dis-moi..., décidais-je de couper court en comprenant peu à peu où elle veut en venir.

-Disons que j'aurai préféré t'en parler en face, mais tu sais que j'aime rester dans ma campagne...

Je baisse les yeux, fermant les yeux. Elle n'a pas besoin d'en dire plus, je sais bien ce que me réserve la suite de notre conversation.

-...Tu nous quittes, c'est ça ?, soupirais-je sans surprise.

-Comprends-moi, Tessa... Si je vis ainsi recluse, ce n'est pas pour que les détails de ma vie soient étalés dans un journal à scandale...

-Si tu n'as rien à te reprocher, elle ne trouvera rien sur toi Bérénice...

-Oui, bien sûr, et je n'ai rien fait de transcendant... C'est juste que... Tu vois...

-Je vois surtout qu'on t'a projeté là où tu es à présent, qu'on s'est battu pour toi, et qu'aujourd'hui c'est nous qui traversons une mauvaise passe, mais que tu nous abandonnes..., dis-je sans colère.

-Ne m'en veux pas, Tessa... Tout le monde n'est pas prêt à affronter les rumeurs comme tu l'es...

Je lève les yeux au ciel. Et voilà. Voilà la première d'une longue série. Voilà les effets pervers du plan de Louane qui se dessinent enfin.

GRAIN DE SELOù les histoires vivent. Découvrez maintenant