One shot - La femme du voisin

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- Cela fait trois jours que je n'ai pas vu la femme de Monsieur Blanc, dit pensivement Philippe en refermant le rideau du salon.

- Et cela fait aussi trois jours que tu guettes par cette fenêtre à peu près toutes les dix minutes. Ne peux-tu pas t'occuper autrement ? Prends un bon bouquin, ou bien mets un film, il y en a je ne sais combien ici que ton fils t'avait téléchargés exprès et que tu n'as même pas regardés, lui dit Marie, son épouse.

Philippe était en retraite depuis moins de trois mois et tournait en rond comme un lion en cage.

Il avait eu une vie professionnelle bien remplie, dans le secteur du bâtiment, et l'on aurait dit que la retraite lui était tombée sur le dos sans qu'il la voie arriver.

Il semblait totalement désoeuvré, déboussolé même.

Marie était inquiète de le sentir dans cet état. Il semblait n'avoir de goût à rien alors qu'il possédait tout pour se distraire. Cela sentait la déprime à plein nez.

La plupart du temps, de toute la journée il ne sortait que pendant une heure, le matin, le temps d'aller faire les quelques courses qu'elle prenait bien soin de lui demander, histoire de lui secouer un peu la paillasse.

Il passait ensuite ses après-midis à regarder distraitement une ou deux séries éculées à la télévision, à lire des histoires sur son smartphone puis à aller au sous-sol bricoler des choses insignifiantes.

Et surtout, depuis trois jours, il s'était mis à épier littéralement les allées et venues de leur voisin qui, lui aussi, tout comme son épouse, était en retraite mais depuis beaucoup plus longtemps.

- Il n'empêche que c'est bizarre qu'on ne la voie plus, Madame Blanc, c'est tout ce que je dis.

- Mais ce n'est pas parce qu'elle ne sort pas qu'elle n'est pas là. Elle est peut-être malade.

- Non, elle n'est pas malade : le médecin n'est pas venu. Et je n'ai pas vu Blanc revenir avec un sac de médicaments.

- Mais tu es incroyable. Ca a pu t'échapper, le médecin. Et puis, si ça se trouve elle n'est pas là actuellement...

- Ca m'étonnerait, nous habitons depuis presque 35 ans à côté de chez eux et elle ne s'est jamais absentée, ne serait-ce que deux jours ! De plus, sa voiture n'a pas bougé de sa place habituelle.

- Philippe, arrête, je t'en prie. Tu ferais mieux d'aller me chercher des fines herbes au jardin pour le repas de ce soir. Ensuite tu les laves et tu les cisèles. Il faut de la ciboulette, de l'oseille et du cerfeuil.

Il partit sans rien dire en traînant la savate.

Le lendemain matin, lorsque Marie descendit l'escalier, elle vit que Philippe était déjà à la fenêtre, caché derrière son bout de rideau.

- Tu n'es pas sitôt levé que te revoilà à espionner les Blanc ! Tu m'inquiètes, Philippe. J'espère que tu ne comptes pas passer le reste de ta vie comme ça ? Il faut que tu te retrouves des activités, bon sang, tu n'es pas foutu parce que tu es retraité ! On devait voyager lorsqu'on aurait le temps, tu m'en parlais depuis des années. Eh bien ce temps est venu : regarde sur internet, organise nous un voyage, nous avons les moyens, tout de même !

- Monsieur Blanc vient de rentrer en voiture et devine quoi ? Il a ramené deux énormes chiens, un couple de rottweilers. Que peut-il bien faire avec ça, sa femme a horreur des chiens, tu le sais aussi bien que moi, elle nous l'a assez dit.

- Des rottweilers, tu es sûr ? Ce sont de bien gros chiens en effet mais après tout, il a de l'espace autour de sa maison.

- Il ne les a pas lâchés dehors, il les a rentrés dans la maison, cela fait bien une heure. Ils ne sont pas ressortis.

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