Stéphanie et Bruno formaient un couple que l'on pouvait assurément qualifier de gens sans histoires.
Agés tous les deux d'une petite cinquantaine, aisés, ils habitaient une résidence huppée où l'on ne se parlait guère entre voisins.
Cela est d'ailleurs souvent le cas dans ce genre d'endroit où les gens ont un peu d'argent : chacun se croit plus important que l'autre et attend d'être salué en premier, si bien qu'à la fin plus personne ne se salue.
A vrai dire, à l'exception de deux casse-pieds qui étaient montés, à quelques mois d'intervalle – et à chaque fois un samedi soir-, pour se plaindre de ce qu'ils entendaient un peu trop la musique dont le niveau semblait pourtant réglé de façon modérée, Bruno et son épouse ne connaissaient pour ainsi dire que leurs voisins de palier.
Et encore lesdits voisins de palier se limitaient-ils à un unique couple avec lequel ils se partageaient le sixième et dernier étage, c'est-à-dire tout le toit de l'immeuble dont les terrasses étaient très nettement séparées par de grandes jardinières agrémentées de plantations.
C'est pourquoi lorsque ce soir-là vint sonner à sa porte une petite jeune femme venant lui annoncer qu'elle était la nouvelle voisine du dessous et qu'elle était inquiète de ne plus avoir de chauffage, Bruno fut quelque peu surpris.
En soi, cela n'avait évidemment rien de bien étonnant, mais ce n'était simplement pas l'usage de la maison...
Cela n'avait rien non plus de désagréable, au contraire, car l'intruse, si l'on pouvait dire, était aussi jolie que souriante. Une petite brunette qui pouvait avoir dans les 27-28 ans, pensa-t-il.
La chaudière collective semblait effectivement être arrêtée, en ce mois de décembre, puisque les radiateurs ne fonctionnaient pas non plus chez Bruno.
Devant elle, il envoya aussitôt un SMS au syndic afin de prévenir de l'avarie et lui assura que compte tenu de l'isolation des locaux et de la température extérieure très douce pour la saison, celle des appartements n'allait pas baisser bien vite.
Elle redescendit en paraissant rassurée par cette initiative visant à une réparation rapide et aussi par le fait de savoir n'être pas la seule à essuyer la panne.
La démarche qu'elle fit le lendemain était déjà un tout petit peu plus singulière : alors que le chauffage fonctionnait de nouveau dans la résidence, elle sonna une nouvelle fois chez Bruno environ à la même heure que la veille, l'air désemparé, et lui dit :
- Bonsoir. Excusez-moi de vous déranger encore une fois mais le chauffage de l'immeuble a été rétabli et trois de mes radiateurs refusent de chauffer. C'est une vraie glacière chez moi. Je ne sais pas quoi faire, vous vous y connaissez dans ces choses-là ?
- Euh, moyennement, répondit Bruno. Vos radiateurs sont-ils restés coupés pendant un long moment ?
- Je ne sais pas. Sans doute le temps pendant lequel l'appartement est resté vide depuis le départ de la précédente locataire, je suppose.
- Je vois. Cela fait donc un petit moment déjà car elle a dû déménager à l'automne si je me souviens bien. Ce sont probablement les thermostats qui sont coincés...
Elle prit un air exagérément malheureux.
Il réfléchit un millième de seconde puis fondit aussitôt comme un glaçon dans de l'eau bouillante :
- Bon, on va regarder cela, dit-il. Entrez un instant, je vais prendre des outils.
Ils descendirent chez elle.
VOUS LISEZ
One shots Collection
Short StoryUn recueil d'histoires courtes, ces fameux "one shots" en un chapitre. Cela ne veut pas dire qu'elles sont bâclées, bien au contraire. Lisez la première, "Indochine", vous verrez...