Delphine était une jeune femme qui, comme on disait, n'avait pas froid aux yeux.
Et plutôt têtue, avec des idées bien arrêtées sur tout. Comme celle d'habiter seule, par exemple.
C'était un choix délibéré, qui ne l'empêchait d'ailleurs pas de vivre sa vie de jolie célibataire de vingt-six ans, avec son lot de rencontres et de liaisons plus ou moins durables.
Elle n'hésita pas longtemps quand sa meilleure amie Lucile l'invita à cette soirée de samedi, entre filles.
Elle n'allait tout de même pas rester cloîtrée chez elle parce qu'un type avait zigouillé trois nanas en un mois et demi !
Après tout, des crimes, il s'en perpétrait des dizaines par an dans les grandes villes.
Et puis, justement, elle était grande, la ville : pourquoi s'en prendrait-on spécialement à elle ?
De toute façon elle avait l'habitude lorsqu'elle circulait la nuit de toujours verrouiller les portières de la voiture, s'enfermant depuis l'intérieur pour conduire.
Elles étaient huit copines de longue date et, entre elles, ce genre de soirée était devenu presque un rite : une fois par trimestre, à tour de rôle, l'une invitait les sept autres. Et rares étaient les fois où il en manquait une à l'appel.
Le thème des soirées variait selon chez qui elles se produisaient, et aussi selon l'époque de l'année.
Aucun garçon, conjoint ou pas, n'était admis. Règle immuable.
Ce samedi soir-là, elles étaient d'abord allées faire une partie de bowling en tout début de soirée, plus pour rire qu'autre chose car aucune ne savait jouer, et avaient ensuite rejoint le grand appartement de Lucile pour dîner.
Comme à son habitude, Lucile avait préparé un superbe buffet garni d'une multitude de produits tous plus appétissants les uns que les autres. Tout cela arrosé de champagne, bien entendu.
Lucile ne lésinait jamais. Elle et son compagnon, gentiment prié pour l'occasion d'aller passer la soirée ailleurs, gagnaient très bien leur vie et Lucile aimait faire plaisir, cela se sentait.
Alors qu'elles mangeaient les desserts dans une ambiance très détendue, la conversation vint inévitablement sur ces affreux meurtres dont toute la ville parlait : en un peu plus d'un mois, trois jeunes femmes avaient été retrouvées étranglées. L'une dans sa voiture garée au pied de son propre immeuble, une autre dans l'immense parking souterrain d'un centre commercial, et la troisième à son domicile.
Elles avaient été étranglées à mains nues, enfin si l'on pouvait employer cette expression signifiant que le ou les meurtriers n'avaient pas utilisé de corde ou d'autre objet mais, en l'occurrence, inappropriée puisque les enquêteurs relevaient d'après les traces de strangulation qu'à chaque fois, l'agresseur portait des gants.
Malgré les efforts de la police et du procureur de la République pour essayer d'accréditer la thèse selon laquelle rien ne permettait de relier ces crimes entre eux ni par conséquent de les imputer à un seul meurtrier, la psychose s'était rapidement installée : pour la population, cela sentait le tueur en série à plein nez.
A tel point que sur les huit filles présentes à la soirée, si l'on exceptait Lucile qui était là à domicile, l'une allait dormir sur place chez celle-ci et cinq parmi les six autres avaient demandé à leurs compagnons ou maris respectifs de venir les chercher à l'issue.
Seule la téméraire Delphine rentrerait seule, en voiture, comme elle était venue.
Au cours de la soirée, Lucile essaya une nouvelle fois de la faire changer d'avis :
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One shots Collection
Short StoryUn recueil d'histoires courtes, ces fameux "one shots" en un chapitre. Cela ne veut pas dire qu'elles sont bâclées, bien au contraire. Lisez la première, "Indochine", vous verrez...