Jérôme rencontra pour la première fois Sébastien au lycée dans le milieu des années 70 lorsque, arrivant du collège, ils se trouvèrent tous les deux dans la même classe de seconde.
A peu près tout les opposait :
Jérôme était un garçon nerveux, angoissé, aimant faire les choses très vite, et très bien si possible. Il ne supportait pas d'être en retard, n'admettait pas qu'on le fasse attendre et ne perdait jamais de temps en occupations oiseuses. C'est qu'issu d'une famille modeste, il avait grandi dans la débrouille, élevé selon un mode de vie qui laissait peu de place à la rêverie ou à la fantaisie. Un garçon dynamique dont le credo semblait tenir en un mot : efficacité.
Sébastien semblait constituer son contraire : un mollasson d'allure assez précieuse, toujours en retard et pas gêné de l'être, ne se hâtant nullement lorsqu'il savait qu'on l'attendait. Ses parents, très aisés, l'avaient toujours gâté, ne le bousculant jamais. De sorte qu'il avait fini par croire que tout se passait ainsi dans la vie : lui d'abord, les autres pouvaient attendre.
Rien ne semblait donc prédestiner ces deux là à créer quelque amitié entre eux, surtout que Jérôme, méfiant tant par nature que par expérience, n'accordait pas sa confiance facilement.
Rien. Sauf un unique point commun : ils jouaient au tennis.
Jérôme se débrouillait comme il le pouvait car, à cette époque, l'accès à ce sport n'avait pas atteint la démocratisation qu'il connaît aujourd'hui. Cela restait une activité assez élitiste et chère. Trouver l'argent pour acheter une raquette à peine correcte avait déjà été tout un poème. Pas question d'emprunter à ses parents pour de telles fredaines.
Sébastien, lui, ne connaissait aucun problème : l'immense maison de son père était équipée d'un court privé... Sans compter que ses autres amis, du moins devrait-on dire les enfants des amis de ses parents, car Sébastien n'avait pas d'amis au sens où on l'entend habituellement, avaient eux aussi, pour la plupart, des courts de tennis à leur disposition chez papa-maman.
Et c'est comme cela, par le tennis, que tout commença.
Dès le premier jour de classe, Sébastien se présenta à Jérôme comme un garçon sympathique qui cherchait à se faire un ami et ne voulait que son bien.
Comment ? Jérôme jouait au tennis ? Quelle chance !
Pourquoi ne pas venir jouer à la maison, dit-il, c'était si facile.
Jérôme eut bien l'impression de tomber dans une sorte de piège avec ce gars qui allait si vite en besogne et lui mettait le grappin dessus de la sorte, un peu malgré lui. Mais après tout, se dit-il, il serait toujours temps de faire marche arrière ensuite, le cas échéant.
Il se laissa faire avec la vague impression de se faire un peu violer.
Il en va souvent ainsi avec les manipulateurs. Vous vous laissez faire sans même savoir pourquoi...
La maison des parents de Sébastien, nichée dans un magnifique grand parc arboré, s'apparentait nettement plus à un château qu'à une villa.
Il y avait là à peu près tout ce dont on pouvait rêver.
Jérôme n'avait jamais rien vu de tel.
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One shots Collection
Short StoryUn recueil d'histoires courtes, ces fameux "one shots" en un chapitre. Cela ne veut pas dire qu'elles sont bâclées, bien au contraire. Lisez la première, "Indochine", vous verrez...