One shot - Sophie et Monsieur Mathis

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- Et pour terminer cette petite présentation, voici le dixième et dernier des pensionnaires dont tu auras à t'occuper : Monsieur Mathis. Il est âgé de 104 ans mais tu verras qu'il a encore bien toute sa tête, dit l'infirmière à Sophie en lui désignant la porte de la chambre.

Elle frappa et entra aussitôt, suivie de Sophie.

Un vieil homme à la peau toute parcheminée était assis dans un fauteuil, regardant la télévision. Dès qu'il les vit, il saisit la télécommande et coupa le son.

- Bonjour Monsieur Mathis, comment allez-vous aujourd'hui ?

- Bonjour, Marjolaine. Ma foi, très bien ! Enfin, pour un centenaire, s'entend, dit le vieil homme en regardant Sophie d'un air interrogateur.

- Je vous présente Sophie, notre nouvelle aide soignante. Elle arrive d'aujourd'hui et s'occupera désormais de vous.

Puis, se tournant vers Sophie :

- Sophie, voici Monsieur Mathis, dont je t'ai parlé.

- Pas en mal, j'espère, dit le centenaire d'un air malicieux. Très heureux de faire votre connaissance, Mademoiselle, vous êtes ravissante.


Marjolaine poussa ostensiblement Sophie du coude et lui dit en riant :

- Méfie-toi de lui, c'est un flatteur qui fait du plat à toutes les jolies jeunes femmes.

- Allons, allons, répondit Monsieur Mathis, seul le privilège que me confère mon âge m'autorise ces privautés vénielles : je puis aujourd'hui faire des compliments aux femmes ou leur demander leur âge sans qu'elles se méprennent sur mes intentions. Redoutable privilège dont je me passerais d'ailleurs bien, dit-il en levant sa main droite et en la laissant retomber sur sa jambe d'un air faussement désespéré.


Elles rirent et quittèrent la chambre.

- Non seulement il a toute sa tête mais il semble très spirituel, s'étonna Sophie.

- Oh oui. Et il est très cultivé, il t'étonnera. De plus, ce n'est pas un pensionnaire difficile, tu verras. S'ils étaient tous comme lui dans la maison ! Il n'a plus personne, sa femme est décédée il y a bien longtemps et son fils aussi, il y a environ deux ans. Ce dernier était resté vieux garçon et Monsieur Mathis n'a donc jamais eu de petits-enfants.

- Il est encore autonome. Il pourrait presque continuer à vivre chez lui, non ? remarqua Sophie.

- Presque, oui, mais il souffre d'un problème cardiaque et est astreint à la prise quotidienne d'un médicament que je vais te montrer, un puissant anticoagulant. Il faudra faire très attention : l'oubli de ce traitement ne serait-ce qu'une journée pourrait lui être fatal. Il le sait, bien sûr, mais à 104 ans, on n'a plus la même mémoire...


Sophie prenait son service ici depuis le matin même.

Elle venait de terminer sa formation et, à 20 ans, c'était son premier poste.

Il s'agissait d'un établissement privé regroupant la maison de retraite, dans laquelle elle allait travailler, et une clinique.

Une très ancienne fondation, religieuse à la base. Il ne subsistait aujourd'hui que trois ou quatre sœurs qui, pour l'essentiel, assuraient l'économat.

En dépit de ses origines, l'ensemble était au fil du temps devenu assez luxueux : un endroit bien agréable, au milieu de la verdure, où l'on venait finir sa vie paisiblement.

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