Chapitre 1 : La fête d'Eel

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Je me réveillais en sueur, les larmes aux yeux comme depuis ... mon arrivée ici, à Eldarya. Je m'efforçais de calmer ma respiration et de me concentrer sur mon souffle. Inspirer... Expirer... Recommencer sans s'arrêter... Cela faisait maintenant un mois que je m'étais retrouvée envoyée dans ce monde digne d'un roman fantastique. Un monde complètement inconnu et nouveau, et dangereux mais qui n'en était pas pour le moins fascinant. Après des débuts plus que difficiles, j'avais fini par m'habituer, sans cependant arriver à laisser de côté l'espoir de retrouver ma vie normale. J'adorais Eldarya, ses plaines verdoyantes, ses animaux étranges et fabuleux qui me donnaient l'impression d'être dans un jeu vidéo, ses habitants aux dons et aux apparences singulières. J'avais même réussi à me faire des amis, ou du moins des camarades, mais au fond de moi, le bruit des voitures qui roulent tard la nuit, les voisins qui regardent la télévision jusqu'à une heure indécente avec le son bien trop fort et tout le reste me manquait un peu... Je sais ce qui manquerait à la plupart des gens qui se trouveraient à ma place : leur famille. Et c'était là d'où venait le malaise, et ma détermination à n'en parler à personne. Ma famille, quelle famille ? Mes parents avaient décidé de faire le tour de monde l'année de mes dix-sept ans, me laissant suffisamment pour me débrouiller, et pour oublier l'idée qu'ils puissent revenir. Je n'avais jamais été qu'un misérable fardeau, une péripétie non-désirée dans leur histoire d'amour parfaite qui avait commencé à l'arrière d'une décapotable. Tout cela, je l'avait bien senti dans leurs regards, jamais satisfaits de mes notes à l'école, jamais satisfaits que je n'ai pas des fréquentations comme les leurs. Il n'y avait toujours eu de la place que pour deux dans cette histoire, et j'étais la page qu'ils auraient préféré brûler. Tout cela, j'avais fini par en avoir la preuve, noir sur blanc, dans le mail envoyé à trois heures du matin avant qu'ils ne partent définitivement. Certainement pas la meilleure histoire du monde.

Dans un soupir, je me levais de mon lit pour aller m'asseoir sur le rebord de la fenêtre ouverte. Il faisait encore nuit mais le soleil se lèverait sûrement d'ici une heure. Les nuits à Eldarya étaient si paisibles que c'en était presque perturbant, mais je n'avais jamais autant aimé la nuit qu'ici. La faible lueur de la lune éclairait l'eau de la fontaine qui trônait près du kiosque, les feuilles des arbres bougeaient à peine sous l'effet de la petite brise matinale, tout cela formait un cadre idyllique qui m'apaisait. J'étais perdue dans ma contemplation depuis quelques minutes, espérant que cela m'aiderait à retrouver le calme nécessaire pour me reposer un peu plus. Soudain, je vis une silhouette s'avancer sur le petit chemin pavé, sortant de l'obscurité d'un pas pressé. On aurait dit qu'elle essayait d'éviter les rayons lunaires, pour à tout prix, ne faire qu'un avec l'obscurité. Tant et si bien qu'on ne pouvait voir qu'une forme sombre se déplacer d'un buisson à l'autre. Qu'est-ce que quelqu'un ferait debout à cette heure-là ? Qui plus est... Il était apparu du côté de la grande porte qui mène à la forêt. Ce qui voulait dire que, qui que ce soit, cette chose, cette créature s'était aventurée dans la nature, grouillant de bêtes sauvages et de familiers en pleine nuit ? Je n'étais pas à Eldarya depuis longtemps mais il ne fallait pas de diplôme pour savoir que se promener la nuit n'était ni judicieux, ni prudent. Et pour aller dans une forêt pleine de blackdogs et de trucs magiques alors que la lune éclaire aussi faiblement, il fallait soit être suicidaire soit avoir une très bonne raison d'y aller... Ou « un couteau et du courage » comme l'aurait si bien dit Valkyon... J'allais quitter des yeux la silhouette lorsqu'elle traversa l'allée en à peine une seconde, me laissant juste le temps d'entrevoir une cape noire avant de disparaître.

Je reculais de la fenêtre, refermant celle-ci sans vraiment savoir pourquoi je me sentais tout à coup aussi bouleversée. Je sentais que quelque chose n'était pas normal, et la vue de cette silhouette m'avais effrayée, tout autant qu'elle attisait ma curiosité, sans être capable d'expliquer pourquoi. Enfin, après tout, on ne peut se fier à ce que l'on voit à cette heure-là quand on n'a pas passé une nuit de plus de cinq heures depuis des semaines. N'est-ce pas ? Sur ces pensées j'étais partie me rendormir, avant d'être réveillée de nouveau à l'arrivée des premiers rayons du soleil. Mes yeux brulaient, je me précipitais vers la fenêtre pour fermer le rideau et étouffer la lumière qui pénétrait la pièce. Et oui, comme un génie, j'avais oublié de tirer le rideau après avoir admiré la vue nocturne quelques heures plus tôt. Et par la même occasion, j'avais oublié à quel point la lumière pouvait être un supplice quand on était fatiguée ! Pourtant, ce n'était pas vraiment l'expérience qui me manquait dans ce domaine. Je me dirigeais vers le miroir sur le mur en face de mon lit pour constater les dégâts. Mes cernes étaient toujours bien présentes, mais il y avait du progrès depuis mon arrivée à Eldarya, et mes cheveux châtains étaient emmêlés comme tous les matins. Conclusion : rien d'anormal à signaler. J'allais m'habiller et coiffer rapidement ma crinière avant de sortir de ma chambre. Et à ma grande surprise, une grande partie des membres des différentes gardes semblaient être déjà debout, chose assez inhabituelle puisqu'il était assez tôt.

Sous l'ombre de la pleine lune [Eldarya], [Nevra]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant