Chapitre 2

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Empruntant les grands escaliers de marbre, la jeune femme déboucha sur le premier étage, le parquet au sol craquait au passage de ses pieds nus. Elle dépassa une série de grandes portes en chêne massif avant d'atteindre cet endroit austère qu'elle appelait son bureau. La lourde serrure émit un tintement au passage de la clé, puis la porte s'ouvrit.

Une vaste pièce seulement éclairée par les lumières des alentours lui fit face.

A gauche une gigantesque bibliothèque de quatre mètres sur trois engloutissait le mur, celle-ci entourée par trois fauteuils individuels bordeaux. A droite, un vaste bureau qui ne ressemblait plus à rien tant son designer voulut faire quelque chose d'original. Métallique, reposant sur quatre pieds biscornus, comme si un géant avait attrapé les barres d'acier et s'était défoulé dessus en les tordant. Mais peu importe, c'était son père qui avait pensé ce bureau de A à Z, elle ne le changerait pour rien au monde.

Angel souffla en apercevant les piles de paperasses accumulées sur cette monstruosité en métal, ça faisait un temps fou qu'elle n'avait pas mis les pieds ici, enfin cinq mois précisément. Cinq mois précisément, c'était aussi le temps qui s'était écoulé depuis qu'il l'avait quittée.

La jeune femme secoua la tête, s'efforçant de ne pas y penser, elle se dirigea vers le petit bar tout à droite de la pièce et servit deux verres de vin rouge, elle but le sien d'une goulée avant de s'en servir un deuxième en se postant à son bureau.

Le simple fait de s'asseoir dans ce grand fauteuil propulsait un nuage de poussière dans les airs, elle avait ordonné que personne ne revienne dans ce bureau, et cela comprenait les femmes de ménage.

La tête renversée, les pieds posés nonchalamment sur le bureau, elle l'attendait. Son esprit embué par l'alcool se mit à vagabonder.

Elle se revit ici même, appuyée contre l'embrasure de la porte, regardant, fascinée, cet homme magnifique, pour qui elle aurait tout donné. Elle se remémora son visage, les sourires éblouissants qu'il lui adressait.

Elle revit leur première rencontre, c'était un jour d'hiver glacial, lors d'un de ces bals de charité.

Elle s'avançait lentement sur le carrelage marbré du Jefferson Hotel recouvert pour l'occasion d'un tapis rouge sang. Sa longue robe de dentelle noire traînant avec grâce, elle lançait des sourires hypocrites à tous ces petits riches avides d'exposer leurs fortunes. Elle eut un sourire ironique. Ces bals caritatifs n'étaient qu'une promesse d'exposition médiatique et sociale pour ses participants.

Poursuivant son avancée au sein de la salle merveilleusement parée, elle s'aperçut qu'un homme la scrutait du regard depuis son arrivée.

Elle leva ses yeux d'une clarté éblouissante vers lui. Il arborait un sourire en coin agaçant. Elle le dévisagea un instant, subjuguée par son visage d'une symétrie parfaite. Deux iris vert foncés, une bouche incroyablement bien dessinée à faire pâlir de jalousie bon nombre de femme, entourée par une mâchoire carrée rasée de près. Ils se fixèrent l'un l'autre sans ciller. Sans interrompre leur échange de regard, elle s'avança d'un pas décidé vers lui. Assise au bar avec cet inconnu, elle passa la meilleure des soirées depuis bien des années.

Elle sortit finalement de ses rêveries. Combien de minutes s'étaient écoulées avant qu'elle ne capte du mouvement derrière la porte, elle l'ignorait. Mais quand elle rouvrit les yeux, son oncle la fixait en silence, la main toujours accrochée à la poignée.

-Et bien, ne reste pas là, entre, dit-elle légèrement agacée.

Il s'avança dans la pièce, malgré la pénombre, Angel le détaillait avec attention.

C'était un homme grand et mince, élégant en toutes circonstances. Ses cheveux blonds étaient délicatement peignés vers l'arrière, son costume bleu marine était parfaitement ajusté et mettait en valeur sa silhouette élancée.

La jeune femme se redressa, récupéra le second verre en le pointant dans la direction de son oncle, l'invitant à le prendre.

-Je ne suis pas très enclin à boire de l'alcool au milieu de la nuit, mais bon, situation exceptionnelle oblige.

Son oncle lui adressa un infime sourire.

- Un Romanée-Conti, choix judicieux.

Elle lui rendit son sourire et poursuivit.

- Qu'est ce qui t'amène ici cher oncle, on m'a parlé d'une urgence, fit-elle les sourcils froncés.

Edward Rockwell prit délicatement place sur une chaise en déboutonnant l'unique bouton de sa veste.

-Et bien en effet, nous avons un problème Angel, un problème de taille...

Angel exagéra son froncement de sourcils devant son air mystérieux.

- Ne tourne pas autour du pot, de quoi est-t-il question, s'empressa-t-elle.

- Nous avons retrouvé sa trace, il est toujours vivant.

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