Chapitre 6

80 12 0
                                        



Angel lissa une dernière fois sa belle robe. Elle s'inspecta rapidement dans le reflet du miroir. Elle avait troqué son tailleur-pantalon strict, pour une robe fluide pourpre qui lui donnait un air de star hollywoodienne.

Elle vérifia l'heure, les secondes s'égrainaient en un cliquetis incessant sur la vieille pendule. Elle chaussa rapidement ses escarpins à talons et s'engouffra dans l'ascenseur privé de son appartement.

Il ne fallait qu'une quinzaine de minutes pour rejoindre l'Allerton Hotel depuis Downtown Chicago où elle logeait habituellement.

A travers les vitres fumées de sa Rolls Royce Phantom, elle observait le ventre de sa cité s'agiter. Ces marées humaines marchant dans la même direction tel un seul homme. Les vitrines des magasins luxueux devant lesquels s'attardaient les badauds, louchant sur l'étiquette à quatre chiffres d'un foulard.

Angel sourit brièvement en voyant une petite fille partageant une gaufre fumante avec ses parents. Elle s'empiffrait goulûment, et une moustache de pâte à tartiner se dessinait tandis que sa mère tentait en vain de la débarbouiller.

Elle avait été élevée par des nourrices. Sa mère était morte à ses deux ans, une leucémie l'avait emporté sans prévenir en seulement quelques mois. Son père, quant à lui, était bel et bien vivant à ce moment là, ce ne fut pas suffisant pour qu'il s'occupe de sa progéniture. Avide et insatiable, il dédia son existence à accroitre son pouvoir. Cet homme était fait pour ça. Il dominait le monde du haut de sa tour de diamant, écrasant de ses lourdes bottes quiconque s'y interposait.

Angel avait bien tenté de le détester, il l'avait abandonnée après tout. Elle se rendit bien vite compte qu'elle en était incapable. La raison était simple : quand une personne est convaincue de faire ce qu'il faut, lui en vouloir devient inutile, elle ne comprendra pas les reproches qu'on pourrait lui faire.

Elle s'était efforcée de ne pas se plaindre –elle n'était de toute manière pas à plaindre- et de vivre sa vie, seule. Elle avait été presque irréprochable.

Elle vit se dessiner au loin la silhouette de briques rouges de l'Allerton Hotel. Le vieil édifice détonnait au milieu de ces buildings flambants neufs, il semblait de trop dans ce décor d'acier. Petit, massif, on aurait crû à une forteresse avec ses petites fenêtres semblables à des meurtrières. Tout le contraire des longues tiges vitrées qui fleurissaient à ses cotés.

La luxueuse bagnole s'arrêta sur un terre-plein couvert, qui était dans le prolongement du hall d'entrée.

La jeune femme sortit avec hâte, pendant que son chauffeur -qui était également membre de son service de sécurité personnel -confiait les clés à un homme coiffé d'une casquette rouge, le voiturier.

Elle foulait de sa démarche chaloupée le marbre du sol. Le majordome arrêta son activité quand il l'aperçut et accourut la saluer. Elle lui répondit poliment et prit la direction d'une pièce toute en longueur.

Le restaurant de l'hôtel s'étendait face à elle, une ambiance chaleureuse s'en dégageait grâce aux couleurs dominantes de vert et de taupe. Angel aimait ce lieu cosy. On s'y sentait immédiatement à son aise, et, plus apte à lâcher des informations. La plupart de ses rendez-vous officieux s'y déroulait, comme ce soir.

Elle se posta dans un fauteuil, en l'attendant. Le velours de celui-ci caressait délicatement la peau nue de ses bras. Un serveur vint immédiatement à elle. Elle commanda un Bordeaux, de mille neuf cent quatre-vingt-huit, une excellente cuvée.

Le jeune homme revint presque aussitôt et déposa le calice en cristal sur la table basse.

-Offert par la maison, Mademoiselle Rockwell.

CONSPIRATIONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant