Chapitre 10

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Le lendemain Jawaad toqua à sa porte vers le coup de neuf heures, il avait tenté de la laisser dormir le plus longtemps possible. Il prit le soin de déposer un sac avec des vêtements propres et un nécessaire de toilette. Elle se prépara en un temps record et le rejoignit dans le salon principal. Il était vêtu de son éternelle tenue noire qui lui donnait un air de tueur à gage.

Jawaad la conduisit jusqu'à l'une des grosses berlines allemandes garées dans le parking sous-terrain. Angel n'avait cessé de l'harceler de questions durant le trajet. C'était normal, elle était dans une situation peu commune, même pour elle.

Une fois sortis des embouteillages new-yorkais, il roulèrent encore une bonne heure. Ils étaient à moins de cent kilomètres de la mégalopole, dans une petite ville paisible. La voiture s'immobilisa devant une modeste maison, loin de ces logis habituels. Mais elle s'en fichait, la maison était petite mais dégageait une chaleur et une familiarité dont aucun de ses palaces ne pourrait jamais prétendre.

En sortant du véhicule, Angel observa le quartier. Une jolie rue bordée de maisons sans prétention. Des jardins affublés pour la plupart de toboggans, balançoires et autres jeux de plein air dont les enfants raffolaient. Elle eut un pincement au cœur. Petite, elle n'avait pas le droit de s'en approcher, il ne fallait pas qu'il arrive le moindre incident au seul descendant de Salomon Rockwell.

Ils montèrent les quelques marches où trônaient plusieurs pots de

fleurs dont seuls les tiges frêles et desséchées rappelaient qu'il y eut de la vie à l'intérieur. Le reste de la maison était d'ailleurs à cette image.

Tout rappelait qu'un jour, une famille heureuse y avait vécu, les photos encadrées couvraient un imposant buffet, les dessins d'enfant sur le frigo, accrochés par des vignettes aimantées que l'on gagnait dans les paquets de céréales.

Tout, sauf la couche de poussière qui maculait la surface des meubles et le carrelage marron du sol.

-Depuis combien de temps cette maison est-elle inhabitée?

Jawaad tira les rideaux verts bouteille qui plongeaient la pièce dans la pénombre. Angel couvrit instinctivement son visage avec l'avers de sa main, la luminosité avait fortement ébloui ses yeux clairs.

-Depuis un bout de temps, se contenta-t-il de répondre en haussant les épaules.

-Chez qui sommes-nous ?

Il parut un temps soit peu blasé.

-Chez le pape bien sûr.

Elle grimaça mais se reprit immédiatement, ce n'était pas le moment de perdre son sang-froid et d'agir comme un enfant.

-On est chez moi. C'est le seul endroit où l'on sera à peu près en sécurité.

-Pourquoi, on est censé être menacé, fit-elle en accentuant le « on ».

-Oui... on, répéta-t-il, mais rassure-toi des éléments d'interventions sont prêts à être déployés à n'importe quel moment pour assurer ta protection.

Il la regardait s'affairer à tirer les rideaux qu'il avait préféré laisser en place. Angel n'était pas maquillée, mais restait d'une beauté singulière.

-C'est mieux avec de la lumière, conclut-elle avec un timide sourire.

Jawaad détestait les environnements trop lumineux, c'est pourquoi il préférait la nuit à la journée.

-Laisse celui qui est fin, indiqua-t-il en pointant du doigt un des rideaux.

Ils prirent tous deux places sur l'unique canapé, à une bonne distance l'un de l'autre.

-Quelqu'un t'en veut et il ne s'agit pas de nous, dit-il en désignant la NSA. Au contraire c'est grâce à ta collaboration que nous pourrons mener à bien notre projet, il est totalement exclu d'utiliser la force, crois-moi. Cette arme te rapportera une somme colossale, c'est tout bénef' pour toi

-C'est la NSA qui désire que je leur vende, ou c'est toi qui veut que je te les donne, parce que cela me semblait plutôt une affaire personnelle pour toi, en lien avec ta mère et tout ça... Tu n'as pas été clair du tout jusque là et, ce que tu sous-entendais m'indiquait plutôt la seconde option.

Jawaad restait totalement neutre, c'était d'ailleurs rare de le voir si détaché, mais c'était un masque, elle l'aurait juré.

-Connaissant notre passé commun, ils ont décidé de me laisser négocier avec toi.

-Il n'y a rien à négocier je n'ai pas ces documents.

Il fixait une tache d'humidité au plafond les mains croisées sur ses genoux. C'était digne de Liam, pas de Jawaad, sauf qu'ils étaient tous deux la même personne.

-Tu n'as pas conscience de les posséder, nuance.

-Si tu veux, en attendant tu ne m'es d'aucune utilité, autant que je n'en suis d'aucune pour toi, alors je vais appeler un taxi et rentrer chez moi. Elle avait espéré que toute cette histoire débouche sur quelque chose de concret, mais il n'en était rien. Elle n'avait plus rien à faire avec lui. Elle se leva, décidée à décamper sur le champ mais il la fit rassoir de force en lui attrapant le poignet.

-Ne me touche pas Jawaad, gronda-t-elle. Je ne sais même pas pourquoi j'ai accepté de te suivre mais là, c'en ai trop laisse-moi partir.

Il la laissait s'époumoner, elle changera d'avis quand il lâchera la bombe. Elle tenta de nouveau de se lever mais il posta son imposante carrure devant elle, la bloquant. Elle fit un pas à gauche, lui aussi, la même chose à droite, il l'imita. Elle se rassit, frustrée.

-Je crois que tu ne comprends pas que quelqu'un d'autre que nous en veut à MCP, et il ne lâchera pas, sauf que lui n'utilise pas nos techniques pacifiques, tu as juste à regarder la balle qui t'était destinée, plantée en ton canapé, exalta-t-il, son ton montant ostensiblement.

-Tu n'as aucune idée du nombre de personne qui aimerait me voir morte, mais, ne t'inquiète pas, j'ai un dispositif de sécurité à la hauteur de mon statut, ils me suivent partout.

-Attends, tu veux dire que nous sommes surveillés en ce moment?

Il se leva d'un bond et épia le moindre mouvement à travers la fenêtre. Il repéra vite une voiture, suspecte. Un gros quatre-quatre noir Ford aux vitres fumées. Il luisait au soleil, sa belle carrosserie avait été astiquée, pourtant de la boue couvrait une partie de la plaque d'immatriculation.

Il se rendit soudain compte que quelque chose clochait.

Il la regarda à nouveau, son cerveau était en ébullition.

-Comment ça, que signifie « ils me suivent partout», tu veux dire qu'ils ont un moyen de te pister ?

Elle avait étendu ses jambes, et reposait sa tête contre le haut du dossier. Plusieurs minutes passèrent sans qu'elle ne daigne lui répondre ni lui lancer le moindre regard.

-Je n'ai pas mon téléphone, finit-elle par lâcher.

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