CONSPIRATION

Chapitre 18

Angel repensa immédiatement à « sa » photo. Les yeux exorbités de cet homme la hanteraient éternellement. Elle balayait l'endroit du regard, mis à part les cadres, rien ne lui paraissait suspect.

Rien de plus ordinaire qu'une secrétaire en bois devant un grand fauteuil et cette même moquette bordeaux sur laquelle reposait deux chaises. Deux hommes étaient en pleine discussion au milieu de ce qui semblait être un bureau. L'un des deux haussait le ton au moment où Angel pénétra dans la pièce. L'autre – qu'elle reconnut comme étant Kane – lui intima d'un geste de la main de se taire. Ils l'invitèrent à prendre place sur la chaise libre. Ils s'échangeaient des regards ambigus qui ne présageaient rien de bon.

Kane prit la parole le premier.

— Angel nous t'attendions. Je te présente August Silves, il fut l'un des piliers d'MC Project.

Angel acquiesça de la tête mais une question lui brulait les lèvres. MCP fut un gigantesque projet qui mobilisa une quantité significative de personnel. Les scientifiques ayant bossé dessus connaissaient forcément les procédés de fabrication de l'Anymite. Ils pourraient donc facilement relancer la production et donc, le projet. Quant aux nano-puces implantées dans le matériau, elles n'étaient pas les plus compliquées à recréer de nos jours.

L'armée s'en servait actuellement pour faciliter la communication entre leurs soldats sur le terrain.

Silves se racla la gorge et croisa ses longues jambes. Angel remarqua qu'il était très efféminé.

— Tout a commencé avec un simple appel intercepté par les services SIGINT – le renseignement d'origine électromagnétique. Il s'agissait d'un appel crypté de manière extrêmement efficace. Les clés de chiffrement – les données téléphoniques – étaient programmées pour s'autodétruire à la fin de l'appel. Autrement dit, impossible de retrouver la trace de ce coup de fil une fois celui-ci terminé. La chance pour qu'ils tombent sur cet appel en cours était d'une sur trois-cent-vingt millions, et pourtant...

Il était légèrement essoufflé. Il fit une pause pour reprendre sa respiration. Soit c'était un gros fumeur, soit il était asthmatique.

— C'était il y a exactement dix ans. Un échange très intrigant entre deux hommes dont les identités étaient inconnues. Ils parlaient de se retrouver derrière la Porte, que le programme avait été lancé avec succès et que, d'ici peu elle s'ouvrirait enfin à eux. Ils avaient évoqué des informations classées top-secret concernant le projet MCP.

Silves sortit un petit mouchoir de la poche de son costume et s'essuya le front. Il semblait réellement à l'article de la mort.

— Ils avaient cité une tierce personne, qui n'avait pas voulu parler, mais qu'ils finiraient par tout découvrir même sans aide. Du charabia incompréhensible hors contexte, mais Peltrick...

— Le big-boss de l'époque, jugea bon d'en informer Kane.

— Exacte... Donc Peltrick considéra que les informations divulguées représentaient une potentielle menace pour la nation. Des heures d'acharnement plus tard, la CSS – en charge du coordonnement des sections de cryptologies de la NSA et de l'armée Américaine – révéla que l'émetteur de l'appel n'était autre que le gouverneur de Floride de l'époque, Michel Plats. Les autorités fouillèrent toutes les demeures connues du gouverneur. Il avait disparu des radars. Une semaine s'écoula avant qu'ils ne connaissent le sort de Plats. Le pauvre homme fut retrouvé par des rangers dans un arbre, au fin fond des Everglades. Ses dents avaient été arrachées, de la même manière que ses ongles et qu'une partie de la peau de son dos. L'autopsie révéla que cela fut fait pré-mortem. Son calvaire ne s'arrêtait pas là, il avait été énucléé, de manière horriblement barbare. Les restes papillaires retrouvés sur le corps révélèrent le coupable. Mickael King, vingt-sept ans, malade mental et fils du créateur de la célèbre fabrique d'arme King's Company.