Chapitre 3

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Abasourdie, c'était le mot qui décrirait le mieux Angel en cet instant. Elle fixa son oncle, les yeux écarquillés d'horreur.

- Comment est-ce possible... Son corps a pourtant été retrouvé bordel!

Elle se souvint de l'appel du médecin légiste ce douze Août. Toutes mes condoléances Mademoiselle Rockwell, le camion lui est arrivé droit dessus... aucune chance d'en réchapper. Mourir à vingt-cinq ans, de cette manière... La tristesse l'avait dès lors submergée, elle était morte avec lui ce jour là. Elle secoua la tête, ressaisis toi ma vieille, gronda son fort intérieur.

-En effet, se reprit-il, du moins ce que l'on pensait être son corps. Le cadavre calciné que l'on a enterré, ce n'était pas lui.

Elle resta pantoise de longues secondes.

-Qui peut organiser une mascarade pareille, contre nous de surcroît.

- Je n'en ai aucune idée, tenta-t-il d'expliquer vainement. Le regard foudroyant que lui lança sa nièce l'incita à parler.

Il se tortilla sur sa chaise, pas franchement à l'aise. Il réfléchit à la tournure de sa phrase, souffla puis poursuivit :

-Tu le sais très bien Angel, la fortune attise les convoitises. Il se pourrait bien que ce soit ce qu'il ait tenté de faire, nous dérober de l'argent, il fit une pause, par ton biais.

Angel tenta de contenir ses émotions du mieux qu'elle put. Elle n'était toujours pas remise du choc qu'elle reçut quelques mois plus tôt, mais cette situation lui provoqua une soudaine montée d'adrénaline.

- Effectivement, je le sais, je l'ai compris au moment où j'ai vu mon nom affiché sur des millions de sites internet.

Edward émit un rire cynique, il était vrai que les conspirationnistes s'en donnaient à cœur joie. Exposant des théories plus farfelues les unes que les autres. Il sortit une malle dont Angel n'avait pas noté la présence.

-Voici son dossier complet.

Elle lui lança un regard résigné.

- Je sais que tu ne tenais pas à le voir par le passé, j'espère que c'est différent aujourd'hui, fit il en plaquant un dossier marronnasse sur le bureau.

Edward Rockwell se leva, boutonna sa veste avec délicatesse, et s'avança vers la porte où il se stoppa un instant. Pesant le pour et le contre, il décida d'ajouter.

- Je sais à quel point tu as été dévastée. Je sais que tu croyais en lui, mais...il se tut, jurant intérieurement de ne pas savoir consoler sa nièce, dont il était pourtant si proche. Ton père disait toujours que tu étais une des personnes les plus fortes qu'il lui a été donné de connaitre. Et il ne savait pas encore à quel point c'était vrai.

***

L'aube tira lentement Angel de son sommeil. En sécurité, bien emmitouflée dans sa couverture, elle s'étira paresseusement dans le lit de satin rose. De sa chambre, la vue était époustouflante. Le domaine du manoir Rockwell longeait les rives du lac Michigan. On pouvait apercevoir au loin, les immenses tours de Chicago, mais elles étaient les seuls signes d'activité humaine à vingt kilomètres à la ronde.

Angel finit tant bien que mal par sortir de son lit. Cette nuit avait été agitée. Elle pensa même à un rêve, mais le dossier bien en évidence sur sa table de nuit la ramena à la réalité. Elle souffla en effleurant du bout des doigts la couverture. Pourquoi as-tu fais ça? Elle n'avait pas encore eu l'occasion de le feuilleter, elle savait déjà à quoi s'attendre. Encore un profiteur, avide d'argent, ou bien, était-t-il envoyé pour de l'espionnage industriel.

Les Rockwell étaient la famille la plus fortunée au monde, trois cents milliards de dollars USD estimée, et, plutôt estimée à la baisse. Ils étaient implantés dans la quasi totalité des domaines d'activités, ils faisaient tourner, à eux seul, l'économie planétaire. Leur moyens illimités faisaient des envieux, en tant que descendante de la dynastie, elle avait apprit à faire avec.

Ne s'attardant pas plus sur le dossier, elle enfila en vitesse sa robe de chambre et descendit les escaliers deux à deux. Elle longea le salon, passant devant son Chavanne, un grandiose piano à queue français, elle se vit brièvement dans le miroir placé sur le mur qui séparait le salon de la cuisine. Ce qu'elle vit la fit grimacer : ses beaux yeux gris étaient rouges et cernés, son visage était bouffi et marqué par la fatigue.

Elle avala en quelques bouchées les toasts beurrées qu'avait préparés Charles, puis partit se changer, il lui fallait se réveiller et quoi de mieux qu'un jogging dans la fraicheur matinale. Une mélodie d'Eminem se répandait au volume maximum dans ses oreilles. Elle slalomait entre les grands arbres, sautait par dessus les souches, en cet instant, elle ne pensait plus à rien.

Elle finit par s'arrêter, prit appui sur ses genoux avec ses mains et reprit tranquillement son souffle. Elle releva la tête, le soleil était maintenant totalement sorti de son sommeil et se reflétait sur les eaux glaciales du lac. Le spectacle était saisissant. Elle aurait voulu rester là toute la journée à contempler ce paysage, mais elle avait du boulot, le week-end était terminé. Elle fit donc demi-tour et retourna à grandes enjambées au manoir.

L'avion filait à toute vitesse dans les nuages, mais à cette altitude Assam ne s'en rendait pas compte. Son ordinateur posé sur les genoux, il retraçait le parcours qu'il aurait à faire depuis l'aéroport jusqu'à sa destination finale, Chicago. Il était anxieux, et il avait de quoi. Sa précédente mission ne s'était pas réalisée correctement, il ne s'en était pas sorti indemne. Cette fois-ci il priait pour que tout se passe bien. La vice-présidente lui avait donné le but, mais pas le moyen d'y arriver, il était seul sur ce coup là et ne devait pas échouer.

Il fit une dernière fois la check-list dans sa tête, il avait réfléchi pendant de longues heures. Il le savait, une petite bourde et tout son plan tombait à l'eau. Il la connaissait, du moins il pensait la connaitre, il se persuadait qu'elle suivrait docilement son plan.

Angel s'acharnait sur une feuille depuis une dizaine de minutes maintenant. Comme à chaque fois qu'elle était confrontée à une décision difficile, elle réalisait des croquis à la va-vite. Des investisseurs étrangers lui proposaient le rachat, pour une somme

plus qu'indécente, de son permis de construire en Arabie Saoudite. Qu'est ce qu'il ne ferait pas pour du pétrole.

Elle stoppa son activité et se mit à arpenter son bureau de long en large, réfléchissant. Elle était sans conteste, la plus jeune Présidente Directrice Générale qu'eut connue Rockwell Industry. Tout cela était malheureusement arrivé bien trop tôt. Si seulement son père n'était pas décédé, elle ne se retrouverait pas à la tête du premier fond d'investissement mondial et aurait des préoccupations de son âge plutôt que de penser à la vente de ces fichus puits de pétrole.

Elle contourna son bureau, et s'arrêta un instant. Le dossier trônait fièrement en plein milieu, semblant la narguer et elle finit par l'attraper avec un petit râle de mécontentement.

Elle inspira profondément, et entreprit de l'ouvrir. A peine l'eut-elle totalement en main que plusieurs feuilles de papier glacées tombèrent au sol. Elle se baissa pour les rattraper et rassembla tout son courage pour les retourner. Deux portraits lui firent face, elle les posa à plat sur le verre froid du bureau, et les examina une à une.

Deux photos, représentant à première vue, deux hommes différents. La photo la plus à droite lui serra le cœur, c'était lui, toujours aussi beau mais il semblait plus jeune de quelques années par rapport à son souvenir.

La seconde photo était intrigante. Elle représentait, un homme brun, aux intenses yeux marron, il avait une barbe de trois jours qui lui donnait un air de prince arabe. Il était beau, très beau, et lui ressemblait beaucoup trop. Au bas des deux images étaient inscrits des noms. Elle lut, Liam Franklin, son nom et Jawaad Assam.

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