CONSPIRATION

Chapitre 7

Angel le fixa longuement, elle n'en croyait pas ses oreilles, c'était impossible, il n'avait pas pu se volatiliser. Ce n'était pas le fait que Jawaad lui avait affirmé que le projet avait abouti qui la faisait douter de son ami ; c'était plutôt son instinct affuté comme une lame de rasoir à débusquer les menteurs.

-Tu as tout à fait raison Kyler je n'en crois pas un mot. Comment toi, le grand patron des services secrets, tu aurais pu laisser passer cela... ce n'est pas logique et fais moi confiance je finirais par découvrir ce que tu me caches.

Le vieux soupira, il ne savait pas quoi ajouter.

Angel jouait distraitement avec ses doigts, elle n'avait rien, elle n'en

savait pas beaucoup plus et cela l'agaçait au plus au point.

Kyler n'avait jamais omis la moindre info jusqu'à présent et elle ne comprenait pas pourquoi il se mettait à le faire. Elle était au sommet de la pyramide, au dessus même des présidents elle n'avait qu'à l'appeler directement, le président, il parlerait.

Soudain une idée lui vint en tête. Il y avait bien une personne au dessus d'elle, même si elle reposait à présent six pieds sous-terre.

-C'est mon père n'est-ce-pas ?

Elle connaissait le profond attachement qui liait les deux hommes quand Salomon était encore de ce monde. S'il lui avait dit de ne pas cracher le morceau, il ne le ferrait jamais, pas même sous la torture. C'était un trait de caractère encré chez lui, la loyauté.

Kyler ne répondit pas, il se contenta de lui jeter un regard en biais.

-Je crois avoir compris, tu es une personne de confiance. Mais, dis-moi pourquoi t'a-t-il demandé de garder le silence ?

Il hésitait, elle le sentait, mais il était sur le point de lui répondre. La réponse était au bout de ses lèvres closes.

-Tu auras tenu ta parole, je sais l'importance que tu accordes aux promesses mais tu sais que j'ai besoin de savoir, au moins cela.

Il tapait frénétiquement le sol avec la semelle en cuir de son mocassin ; il était nerveux. Il finit par lâcher un long soupir, Angel sourit. Comme le torrent d'une montagne finissait toujours par s'écouler, sa langue finirait par cracher la vérité.

-Il tenait à ce que personne ne s'en empare, cela serait une catastrophe si ça arrivait, dit-il d'un ton solennel, l'angoisse tirant son visage ridé.

***

Elle ne trouva pas le sommeil cette nuit là. Elle déverrouilla son Smartphone, la lumière crue lui irrita la rétine. Elle distingua avec peine un trois suivi du chiffre vingt. Elle s'étala de tout son long dans son lit King-size.

Quelque chose en elle lui hurlait d'ignorer cette histoire, après tout, c'était un projet secret qui avait disparu de la circulation, comme beaucoup d'autres avant lui. Son cerveau tournait à vitesse maximale, imaginant une multitude de scénarios.

Pourquoi Assam le voulait ? Pour l'utiliser, bien évidemment. Soudain, elle pensa au dossier qu'elle n'avait pas terminé, il devait être bourré d'infos le concernant. Sa curiosité attisée, elle devait savoir.

Elle se leva, trop brusquement car sa tête tourna légèrement. Vêtue de sa robe de chambre de satin, elle descendit au second étage de son triplex. Le béton gelé au sol la fit frissonner. Devant elle, tel un échiquier géant, s'étendait un salon entièrement noir et blanc. Elle s'assit sur un des deux canapés et pouffa de rire. Ces canapés étaient faits pour accueillir une dizaine de personnes chacun alors qu'elle n'invitait jamais personne chez elle.

Elle attrapa une télécommande, et une douce lumière émergea de l'obscurité. Le dossier en main, elle sauta les quelques pages dédiées à Malhef et atterrit sur celles consacrées au père Assam.

Joachim Assam, cinquante-trois ans en Aout, américain. Il grandit dans une famille modeste, puis s'engagea à sa majorité dans l'U.S Army. Son intelligence et son travail acharnés lui permirent de gravir les échelons. Il était désormais un général d'armée respecté.

Il rencontra la mère de Jawaad en 1982 à New-York. Il était à l'époque en formation à la base militaire de West Point au Nord de la ville, Malhef débutait quand à elle, des études en Maths appliquées à Columbia. Ça ne lui apportait pas grand-chose de savoir cela, à part qu'ils n'étaient pas les derniers des idiots. Elle survola le texte, à la recherche de quelque chose qui l'avancerait, mais rien.

Elle finit par souffler, frustrée. Elle en était à la moitié du feuillet et toujours rien d'intéressant. Ils semblaient être une famille normale - aussi normale qu'il est possible d'être quand son père est chef d'armée et sa mère une scientifique mondialement reconnue.

Les lignes étaient désespérément dénuées d'intérêt à ses yeux. Elle connaissait maintenant : le restaurant où Joachim demanda la main de Malhef, les sports que pratiquaient Jawaad enfant – et dieu le confirme, la liste était interminable- ou encore leur lieu de villégiature favori.

Elle tourna une nouvelle page.

Son cœur manqua un battement.

Elle regarda, les affres de la mort tourbillonnant dans ses iris gris perle, l'effroi prenant bientôt le contrôle de chaque particule la constituant. Elle aurait aimé comprendre la signification de cette horreur mais un sifflement aigu détourna trop vite son attention.

Un projectile venait de traverser le carreau de la fenêtre juste devant elle et terminait sa course dans le rembourrage moelleux du canapé, à une vingtaine de centimètres de sa tête.