Chapitre 2

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14 janvier 2011

Jérémie a débarqué à la maison vers huit heures. Il est tellement stressé pour moi, qu'il est venu le plus tôt possible. On est installés sur mon canapé l'un à côté de l'autre alors que le silence règne. Il est là, ne bouge pas, ne parle pas. Il a cet air triste et inquiet sur son visage.

— Il ne reviendra pas. 

C'est moi qui ai dit ça ?

— Il faut que tu sois forte pour Lucas ! répond-il.

Cette phrase ! Je sens que je vais beaucoup l'entendre dans les prochains jours. Oui, j'ai un enfant. Oui, il a besoin de sa mère, mais merde quoi. J'ai le droit d'être triste et déprimée. C'est trop facile de sortir cette phrase toute faite, mais personne ne sait ce que je vis actuellement. J'ai l'impression que je ne vais jamais m'en remettre. Vingt-six ans, mère célibataire, c'est pathétique ! Lorsque j'étais adolescente et que j'imaginais ma vie future, ce n'est sûrement pas à ça que je rêvais. Être séparée du père de mon enfant, c'est exactement ce que je ne voulais pas avoir dans ma vie.

— Allô, tu m'entends ? Emma ?

Mon frère passe sa main devant mon visage pour me sortir de mes pensées.

— Hein ? Pardon. Quoi ?

Ne sachant pas trop comment me remonter le moral, il me propose de se connecter sur un tchat pour rigoler un peu. Et oui, avec Jérémie, nous avons des jeux bizarres. De temps en temps, on s'amuse à débiter tout plein de conneries sur ces réseaux juste pour emmerder le monde. Bon, ok, c'est complètement débile, mais nous, ça nous fait rire. C'est bon des fois de n'avoir que dix ans dans sa tête. Et là, en l'occurrence, j'ai bien besoin de rire et m'évader.

Ça fait quinze minutes que nous sommes connectés. On parle avec pas mal de monde, mais je ne sais pas, ça ne m'éclate pas. J'ai vraiment la tête ailleurs. J'ai beaucoup de mal à réaliser que le père de Lucas m'a laissé. Je me sens tellement impuissante, j'ai tout fait pour le retenir, mais apparemment, sans que je ne le sache, sa décision était prise depuis un bon moment. C'est ça qui me fait le plus mal au fond, c'est de me rendre compte que pour lui, notre histoire était finie depuis longtemps. J'ai pris la plus grosse claque de ma vie hier matin en le voyant partir. Lorsqu'il me l'a annoncé avant-hier soir, je croyais à une vaste blague. Jusqu'au moment où je l'ai vu prendre ses affaires et les mettre dans un sac. J'avais beau pleurer devant lui, il ne bronchait pas, ne me regardait pas et ne me parlait pas. J'étais dévastée devant lui et ça ne lui a fait ni chaud, ni froid. Comme si finalement, il ne m'avait jamais aimé. Un petit garçon est né de notre amour et pourtant il a balayé tout ça d'un revers de main et s'en est allé.

— Emmaaaaaaaa, grogne mon frère. Tu es encore dans tes pensées et tu ne lis même plus ce que les mecs t'écrivent.

Comment lui dire gentiment que je n'en ai strictement rien à foutre de ces hommes ? Celui avec qui je pensais faire ma vie m'a jetée comme une merde et je suis anéantie. J'ai l'impression que tout est mort en moi.

— Désolée, lui dis-je dans un souffle. Mais tu sais, ça ne m'amuse pas aujourd'hui.

— Je sais très bien, je ne suis pas débile. Mais je te connais, il faut que je te change les idées sinon tu vas broyer du noir et t'effondrer. Et crois-moi grande sœur, tant que je serai là, il n'en est pas question ! Alors tu vas faire un effort, et tu vas te marrer avec ces abrutis qui se prennent pour des poètes ou des dragueurs du dimanche, rit-il.

— Ok, ok, c'est bon. C'est parti.

Je regarde l'écran de mon ordinateur connecté au tchat et je peux voir plusieurs demandes de conversation. J'en ouvre une au hasard :

Il était une fois : Toi et MoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant