Ce que je ressentais à l'égard de cette perte, de cette tragédie que je ne pouvais qualifier était le sentiment le plus fort et le plus accablant que j'avais pu ressentir jusqu'à présent. Il était comme le début de la fin pour moi, pour cette école, ainsi que pour tous les élèves qui s'y trouvaient, qui pleuraient, hurlaient la mort de Sacha Bodington. Il était inutile que je décrive avec précision et fantaisie l'état dans lequel j'étais plongée, car celui-ci était semblable à celui de toutes les autres personnes autour de moi, qui étaient eux-mêmes dans un deuil profond. J'avais l'impression que toute la salle du réfectoire était devenue floue et imprécise, que malgré les cris de désespoirs qui perçaient le filme léger de la nuit, la joie de vivre, les moments heureux, les douces soirées au crépuscule, tout s'était éteint dans une tristesse infinie.
Je baissai la tête en espérant ne pas croiser le regard de quelqu'un à qui je n'aurait pas envie de parler, et je couru à l'extérieur, guidée par mes pas qui tremblaient sous chacune de mes enjambées. Le vent balaya mes cheveux et la pluie commença à tomber d'abord doucement, puis avec précipitation. Elle était froide et semblable à mon cœur : aussi déserte, humide comme les larmes d'un enfant. Je regardais devant moi, je regardais le déchaînement des éléments : le ciel souffrait le martyre, la mer dont les vagues se déchaînaient contre les rochers semblait plus expressive que jamais. Je levai les mains au ciel comme pour essayer de m'envoler, de disparaître parmi les nuages, mais seules les gouttes de pluie me caressèrent le visage avec complaisance. Bientôt elles commencèrent à imprégner mes cheveux qui devinrent lourds et trempés.
Je passais mes mains dedans, libérant mon visage des quelques mèches qui l'avait monopolisé : qu'il était bon et surprenant ce sentiment de liberté subit. Je me mis à crier, à hurler de toutes mes forces, libérant ainsi le démon qui m'habitait et qui trop longtemps s'était nourri de mes peurs. Pourquoi ressentais-je en cet instant de la culpabilité au fond de moi ? Pourquoi avais-je l'impression que la mort de Sacha était du ressort de mes erreurs ? Je m'étais évanouie dans le Damned Path, j'avais laissé ma meilleure amie seule, entre les mains de cette malédiction. Je savais depuis longtemps que quelqu'un mourrait, mais en aucun cas je ne m'étais attendu à cette personne-ci. Sacha. Un prénom si doux quand on y pense, un prénom si familier. Il résonnait dans mon esprit encore et encore sans ne jamais me laisser en paix.
Mes pensées se dissipèrent brusquement lorsque j'entendis un bruit léger derrière moi, malgré le tintement que produisait la lourde pluie qui s'abattait sur la pierre, puis sur les fleurs qu'elle semblaient vouloir attaquer, réduire en miette. Je me tournai alors vers la source de cette présence pour me retrouver nez à nez avec Landley, où... Devrais l'appeler... Jason ? Je ne savais plus. Je ne savais plus ce dont j'avais besoin, ce dont j'avais envie et pis encore, je ne savais distinguer l'un de l'autre. Cette situation était tellement complexe. Je désirais simplement que l'on me laisse seule sous la pluie, submergée par les remords, la culpabilité et ma colère envers le monde entier. Je haïssais tout le monde, je ne faisais plus de manichéisme car au fond, le Bien, souvent, venait en aide au Mal dans les cas les plus extrêmes. Il était un traitre, un hypocrite, le Bien n'était pas composé d'une seule couleur, comme nous le croyions tous.
-Est-ce que ça va ? Demanda soudainement le jeune homme de sa voix chaude, pourtant indéfinissable.
Je ne répondis pas et me contentai de fermer les yeux, essayant en vain de maîtriser la colère qui me gagnait petit à petit, sans que je ne pus l'en dissuader. Je commençais subitement à regretter ce qu'il venait de se passer avec lui. Nous nous étions embrassés, comme dans un rêve, comme dans un cauchemar dans lequel je me serais laissée guider par mes désirs, par la passion que je ressentais envers lui. Pourtant d'une part, quelque chose en moi ne cessait de me répéter que Landley y était pour quelque chose dans tout cela. M'avait-il embrassé par plaisir ? Avait-il fait cela pour me dissuader de sauver Sacha... Je savais pertinemment que j'aurais pu empêché tout cela si j'avais été dans le Damned Path à ce moment précis.
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Blossomwood
Gizem / GerilimSamantha Dawkins est une jeune adolescente rebelle de 17 ans. Après avoir été injustement accusée d'avoir tenté de mettre le feu à son établissement scolaire, un prestigieux lycée privé, elle est renvoyée sur le champ sans autre forme de procès. Alo...