Il y croyait. Dur comme fer même. Sa mère allait revenir, elle ne pouvait pas le laisser là, tout seul, simplement pour avoir cassé une stupide moto. C'était certainement une mauvaise blague, se disait-il.
Malheureusement, la mère de Shawn n'arriva jamais, ce qu'elle regretta très rapidement après.
Elle l'avait laissé là, sur le bord de l'autoroute, comme le font certaines personnes qui abandonnent leur chien afin de partir en vacances sans se sentir encombrées. Mais Shawn n'était pas un chien. Shawn était un pauvre garçon de douze ans qui n'avait rien demandé, qui avait simplement trébuché et cassé la moto de son père. Cela méritait-il la mort ?
Shawn attendit plus de deux heures, espérant que sa mère fît marche arrière et le reprendre. Cependant, ce moment n'arriva jamais. Il l'aimait, sa mère, mais il ne pouvait pas s'empêcher d'avoir des idées noires : la haine le rongeait. L'amour se consumait. Il était énervé contre sa mère, il lui en voulait de l'avoir jeté de la voiture qui, en plus, était en marche.
Deux éraflures. Le bitume ne l'avait pas loupé. Il avait mal, mais beaucoup moins que dans son cœur. Alors, abandonnant tout espoir, vers vingt-trois heures, Shawn se releva et suivit la route à la conquête d'une ville voisine. Il devait trouver quelqu'un qui pourrait l'aider, mais l'obscurité ne l'aidait pas à se repérer.
Une voiture passa. Puis deux. Puis plusieurs. Mais aucune d'entre elles ne s'étaient arrêtées pour le prendre, ce pauvre enfant. Peut-être ne l'avaient-ils pas vu ?
D'un geste de la main, Shawn remit bien sur son dos sa veste qui était beaucoup trop fine pour une nuit de printemps. Il ne faisait pas froid, mais il ne faisait pas chaud non plus.
Shawn avançait, doucement, mais sûrement. Voyant qu'aucune des voitures ne la voyaient -sûrement à cause de l'obscurité et du fait qu'il portait des vêtements sombres -, Shawn décida donc de se mettre au milieu de la route : les phares l'éclaireraient donc et permettraient à l'automobiliste de l'apercevoir.
Mais... Shawn ne savait pas que le prochain automobiliste qu'il allait croiser était bourré. Un peu trop d'ailleurs pour réagir assez vite et freiner avant le choc fatal.
Il avait douze ans, l'homme vingt-quatre. Seulement quatre ans de prison ferme pour cet assassinat « involontaire », mais bon, lorsqu'on boit et qu'on prend le volant, c'est qu'on l'a choisi, non ?
Shawn Sermans, 2004-2016, accident de la route.
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La mort, une fin commune
General FictionLa mort, autant crainte qu'inévitable. 10 ans, 20 ans, 40 ans, 60 ans, peu importe, tout le monde y passe. On a beau essayer d'y échapper, on succombe tous à cette faucheuse. La vie n'est rien sans la mort, tout comme la mort n'est rien sans la vie...