Chapitre 14

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Je m'apprête à descendre les marches d'escalier quand un bruit m'interpelle. Je balaye du regard la pièce aux longues étagères de livres mais ne vois rien d'anormal. Pourtant, je l'ai entendu.

Un chuchotement qui me caresse l'oreille et me glace le sang refait surface. Je pivote sur moi-même et l'aperçois, derrière une rangée de livres. Son visage est encadré par deux bouquins et il m'observe de l'autre côté du rayon. Il fait trop sombre pour que je puisse reconnaître cette personne alors je me rapproche de quelques mètres.

Je le vois, derrière ce meuble immense, me fixer. Un faible rayon de lumière éclaire ses yeux et je sursaute par réflexe.

- Aven, m'interpelle Hope, que se passe-t-il ?

- Rien, soufflé-je en me tournant vers elle, rien...

Je fais mine de la suivre mais n'omets pas de jeter un dernier coup d'œil. Il n'est plus là. Je suis pourtant sûr de l'avoir vu, c'était lui, Micka.

Tout ça n'a pas de sens. La fatigue physique et morale ont eu raison de moi. Ce n'était qu'un enfant parmi tant d'autres. Je me masse les tempes pour apaiser mon mal de tête puis reprends mon chemin.

Nous repartons avec quelques informations supplémentaires et cela n'est pas négligeable. J'apprends à connaître Hope et réalise que son aide est indispensable. Il nous est impossible de trouver des réponses à tous ces mystères, mais nous pouvons essayer d'éloigner certaines pistes. Le témoignage d'une rescapée pourrait être déterminant. Je n'ai pas peur d'en subir les conséquences car ce n'est que la première partie de mon plan.

Lorsque nous arrivons dans le hall de la bibliothèque, je constate une agitation particulière à l'extérieur du bâtiment. Un groupe de personnes s'est réuni près de l'entrée et semble attendre impatiemment.

Je n'ai aucune idée sur leur intention avant de mettre les pieds dehors. Ils sont là pour moi.

- Criminel ! Crie une dame que je ne peux apercevoir, vous nous avez tous mis en danger !

- Pyromane ! Reprend un homme.

La situation me dépasse... je me sens minuscule. Une chaleur détestable se répand dans mon corps et je manque de m'évanouir. Qu'attendent-ils de moi ? Comment leur dire que je n'ai rien fait ?

- Tu nous as tous exposés au Destin ! Me crie un jeune homme, tu n'es qu'un bon à rien !

Il s'approche de moi les poings serrés. Hope se met en travers de son chemin mais il la bouscule d'un coup de main. Je reste immobile, stupéfait. Voilà ce que nous sommes devenus au fil des années... des pantins apeurés. Chacun n'est plus que l'ombre de lui-même, vivant sous le contrôle de la peur. Je le laisse venir à moi car il ne m'effraie pas, au contraire. Je ressens de la peine, pour lui, pour nous tous. Nous nous battons contre les mauvaises personnes.

Il me frappe au visage et cela me fait un bien fou. Je ne pensais plus jamais ressentir la douleur. Beth s'interpose et il la blesse accidentellement. Je n'ai pas le temps de réagir qu'il s'apprête à m'attaquer une nouvelle fois. Le corps du jeune homme est propulsé puis plaqué au sol par un gabarit imposant.

- Tu arrêtes ça tout de suite, c'est bien clair ? Ordonne l'intervenant.

Sa voix m'est familière car il s'agit de Greg. Sa corpulence et sa musculature surpassent celles de l'agresseur et ce dernier ne se fait pas prier pour s'en aller. Le groupe entier se disloque et il ne reste plus que nous, déboussolés. Je cours vers mon amie blessée. Elle saigne de la lèvre et sa joue est écorchée. Je m'en veux de ne pas l'avoir protégée, je m'en veux d'être resté là sans rien faire.

- Est-ce que ça va ? Je lui demande inquiet.

Elle approuve d'un signe de tête, encore étourdie. Greg s'occupe de Hope encore sous le choc et je le remercie d'être intervenu.

- Quel bande d'idiots, lance-t-il.

Il nous a défendu car il est l'un des seuls à savoir que je ne suis pas responsable de l'incendie.

- On va te ramener chez toi, dis-je à mon amie, il faut que tu soignes ton visage et que tu te reposes.

- Et toi ? Me répond-elle.

- Ne t'en fais pas, ça ira.

Ma mâchoire est douloureuse et du sang s'écoule de mon nez. Je n'ose pas imaginer mon état si Greg n'avait pas pris ma défense.

- Que faisiez-vous ici ? Questionne-t-il.

- Quelques recherches... je réponds brièvement.

- Je peux peut-être vous aider ?

- Il vaut mieux que tu restes en dehors de ça, dis-je.

- Nous allons voir une rescapée, lui annonce Hope, elle habite près de chez toi.

Elle lui parle sans retenue et je ne peux pas lui en vouloir. C'est elle qui s'est occupée du carnet, ce qui lui donne le droit de divulguer ou non son contenu. Cependant, j'aimerais que mes plans ne s'ébruitent pas.

Je raccompagne Beth pour m'assurer qu'elle soit bien chez elle. Hope et Greg font connaissance et je les entends parfois rire. La voix de l'inspecteur Carl résonne soudain dans mon esprit «  J'espère que la tournure des événements sera toujours aussi marrante dans quelques heures » me disait-il.

Greg me propose de nous indiquer la maison de la rescapée afin que nous gagnions du temps. Elle se trouve à quelques rues de la sienne.

- Je vous attendrai dehors... si ça ne vous dérange pas, propose-t-il.

- Je n'y vois pas d'inconvénient, dis-je.

Il ne doit pas être mêlé à mes histoires. Moins il en sait, mieux il se porte.

Lorsque nous arrivons à destination, je le vois s'asseoir sur la pelouse près de quelques fleurs. Pourquoi perdrait-il du temps de cette façon ? Est-il réellement intéressé par ce que nous faisons ? Il nous sourit comme pour nous dire que tout va bien se passer.

Hope se serre contre moi et nous grimpons les marches du perron. Cette demeure est d'apparence bien entretenue. On le remarque grâce à la pelouse bien tondue, aux fenêtres qui brillent et aux fleurs qui bourgeonnent. La personne qui vit ici prend la peine d'entretenir son habitat et c'est rassurant, si l'on considère qu'il peut s'agir d'une Rescapée.

- Tu peux faire marche arrière, dis-je.

- Ça ira, me confie-t-elle, tout se passera bien. A vrai dire, j'attends ça depuis un moment.

- Si cela prend un tournure inattendue... nous partons. Entendu ?

- Oui, Chef ! Ironise-t-elle.

Je sonne à plusieurs reprises et prends place auprès de la jeune fille. Qui que cela puisse être, nous nous devons de faire bonne impression. Mon nez ne saigne plus et ma joue ne me fait plus mal. Un cliquetis de verrou se fait entendre et la porte s'ouvre.

Je suis confus, troublé. Nous nous sommes trompés de maison car celle-ci est loin d'être la bonne. La personne qui se tient devant moi n'est certainement pas Claire Colt.

Il s'agit de notre professeur remplaçant, Mr Decklan.

Destin TurquoiseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant