Chapitre 39

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Le traitement n'est pas douloureux. Elle me fait plusieurs vaccins sans incidence particulière.

- Contre quoi essayez-vous de me soigner ?

- Tu as une tumeur au cerveau.

- Une tumeur au cerveau ? Rigolé-je. C'est impossible ! Et même si c'était le cas, comment pouvez-vous le savoir ?

Elle sort des radios d'une grande enveloppe et pointe du doigt la zone de mon crâne concernée.

- Elle exerce une pression constante. Cela développe des troubles de la mémoire ainsi que des troubles de la personnalité.

Je continue de rire, nerveux, car je commence à y croire.

- D'où sortez-vous ces examens ? Pourquoi personne n'a essayé de me la retirer ?

- Son extraction est impossible.

- Depuis combien de temps suis-je malade ?

- Tu ne tarderas pas à t'en souvenir, me répond-elle. Tu es arrivé ici il y a plusieurs années déjà.

- Ici ? Je ne suis là que depuis ce matin. Je pêchais au lac, hier encore. Ce que vous dites est insensé.

- Le lac fait aussi partie du Destin, rajoute-t-elle. Tu y es, depuis le début.

Une convulsion contracte mes muscles et je me tords sans explication. Je ne contrôle plus mon corps. Je ne contrôle plus rien. De violents flashs accaparent ma conscience et je fais un bond dans le temps, dans mes souvenirs.

Je suis dans mon salon, je le reconnais. Je suis beaucoup plus jeune et je sens que je titube. J'ai du mal à tenir en place. On sonne à la porte. Je vois Ambre, ma mère, qui se lève de son canapé et qui va ouvrir. L'inspecteur Carl est là et lui présente plusieurs hommes en costume. Toute l'attention semble dirigée vers moi.

- Je suis désolé, dit-il à ma mère, nous n'avons pas d'autre choix.

- Je sais, lui renvoie-t-elle, je sais...

- Pouvons-nous entrer ?

- Allez-y...

Je recule par réflexe mais ne prends pas la fuite. L'un d'eux m'attrape le bras et me tient fermement. Je ne peux pas me débattre. Je suis frêle.

- Il y a une question que l'on doit vous poser. Ne soyez pas gênée si vous ne voulez pas y répondre favorablement.

- Je vous écoute, dit-elle.

- Aucun de vous ne souhaite prendre sa place ?

Soudain, apparaît un homme, grand et fort, derrière la stature de ma mère. Je le reconnais mais son visage est déformé. Ce n'est pas celui que je lui attribuais depuis tout ce temps. Il s'agit de mon père, sous les traits de Don Blorton, sous les traits du président.

- Non, répondent-ils fermement.

Je refuse de marcher mais l'homme me soulève. Ils m'emmènent. Je crie, me débats, je souffre.

Mes parents m'abandonnent. Ils sont là, en face de moi et ne cherchent pas à me venir en aide. Ils laissent ces hommes prendre ma vie, m'éloigner de ma famille. J'attends jusqu'à la dernière seconde. Va-t-elle se sacrifier à ma place ? Mon père va-t-il me dégager de leurs griffes ?

Ils ne font rien. Ils retournent à leurs occupations. La porte claque et je tends les bras pour attraper tout ce qui passe sur mon chemin. Il n'y a rien à quoi je puisse m'accrocher. C'est trop tard.

Je reprends ma respiration car l'oxygène me manque. Je retrouve ma conscience et m'extirpe de cette transe.

- Comment t'appelles-tu ? Me redemande Béatrice.

- Aven, je réponds, larmoyant.

- S'il te plaît... concentre-toi et réponds-moi. Comment t'appelles-tu ?

Elle sait ce qu'il se passe dans ma tête. Elle sait que je comprends.

- Je ne peux pas...

- Réponds simplement à ma question. Tout ira bien, ne t'en fais pas.

Je m'essuie les joues, humidifiées par mes larmes, et décide d'en finir.

- Je m'appelle Micka, dis-je, mon nom est Micka...

Destin TurquoiseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant