Chapitre 34

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Il est fou, sénile. Ses mots n'ont aucun sens. Je continue de le suivre malgré moi. Nous empruntons un accès surveillé par des gardes, armés jusqu'aux dents.

Tout est si grand et inaccessible. J'ai pu voir, depuis le tunnel extérieur, de grandes murailles en métal nous encerclant ainsi que des accès contrôlés et infranchissables, des hommes armés de la tête aux pieds et des chiens de chasse. Des tours de contrôle, des fusils et des mitraillettes. Tout est similaire à la description que Greg avait imaginée. Comment pouvait-il le savoir sans être déjà venu ici ? Qui était-il vraiment ?

- Nous y sommes presque, aboie Carl.

Les murs sont en bois brillant et de la moquette recouvre le sol. Nous arrivons dans des bureaux d'administration. L'homme me laisse et s'éloigne de quelques mètres. Je me retourne, prêt à prendre la fuite, mais des gardes surveillent le moindre de mes gestes. Je suis coincé.

- Monsieur, lance Carl après être rentré dans l'un des bureaux, il est là.

Le vieil homme ne se fait pas attendre. Il sort de sa pièce et me tombe sous le nez, comme un cheveu sur la soupe, inattendu.

- Bonjour, mon garçon, reprend Don Blorton.

Mon cœur palpite. Mon corps réagit contre lui comme un virus que mes anticorps essayent de combattre. Le voir en vrai, si près de moi, si près de mes mains qui pourraient l'étrangler. Le voir souffrir pour tout le mal qu'il a fait. Je tangue sur place, abasourdi par sa voix, qui s'engouffre dans mon crâne et me ronge. Cette voix que j'ai trop entendue.

- Comment osez-vous m'adresser la parole ? Dis-je.

- Je te prie d'entrer, répond-il en me faisant un signe de la main.

Je ne rechigne pas. Je suis près du but, sur le point le plus haut du Destin. L'inspecteur reste dans un coin de la pièce, par sécurité. Pense-t-il que je souhaite faire du mal au président ? Qui ne le voudrait pas ?

- Assieds-toi, ordonne-t-il de façon courtoise.

Je m'exécute.

- Te souviens-tu de moi ? Sais-tu qui je suis ?

- Vous plaisantez, j'espère ?

Il me fixe. Non, il ne plaisante pas.

- Oui, je réponds froidement.

- Qui suis-je ?

- Vous êtes le président, Don Blorton. Vous êtes un assassin, un psychopathe, une moisissure, un déchet, une épave, un avorton, un lâche...

- Ça ira, s'écrie-t-il. Comment as-tu trouvé le lac ? Comment as-tu fait pour t'y rendre ?

- Cela ne vous regarde pas.

- Réponds-moi ! S'énerve-t-il.

- J'y péchais... avec mon père. J'ai réussi à dépasser les frontières, grâce à l'aide de mes amis. Qu'avez-vous fait d'eux ?

- Rien, je te le promets.

- Où sont-ils ?

- Je ne saurais te le dire.

- Je veux retourner auprès d'eux et je veux que vous relâchiez ma mère !

- Je ne peux pas.

- Où est-elle ?

- En sécurité.

- En sécurité ? Ici ? Avec vous ? Est-ce que vous vous moquez de moi ?

Je hurle et tape du poing sur la table. La puissance de mon coup fait rebondir chaque élément présent sur cette dernière. Il se moque de moi, comment ose-t-il ?

- Emmenez-le et suivez la procédure habituelle... souffle le barbare, exaspéré.


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