Eléna Mar

Les aveux

1er janvier 2016.

Je m'assieds face à lui. Muet comme une carpe, je l'incite à ouvrir la discussion.

— Je suis là. Je suis toute ouïe.

— Ce n'est pas facile. J'ai envie de te dire ce qui me pèse sur le cœur, mais je redoute ta réaction.

— Tu me fais flipper. Quelqu'un que je connais est décédé ?

— Non, je t'aurais prévenu. Promets-moi de ne pas t'emporter.

— Promis, juré. Avec une mention spéciale, car vu ta tête, je ne peux te garantir l'effet que cela aura sur moi.

Il inspire un grand coup et crache le morceau.

— Cela fait six mois que nous sommes séparés. Il s'est passé beaucoup de choses entre-temps.

— Je le conçois, c'est normal.

— Ne me coupe pas la parole s'il te plait, c'est agaçant.

— Bien chef !

— Éléna !

— Ok, je la boucle !

— Ton départ a été douloureux. Je me suis remis en question.

— Ah, quand même !

— Éléna ! Si tu veux savoir, essaie de rester tranquille. Tes pics, garde-les pour plus tard. J'ai réfléchi et j'en suis arrivé à cette conclusion : nous ne sommes pas fait l'un pour l'autre.

— Excuse-moi, est-ce tout ce que tu avais de si important à me dire ? Parce que si c'est ça, chapeau !

— J'ai autre chose à te dire. J'ai eu une aventure.

— Une aventure ? Tu veux dire un parcours aventure à vélo.

— Je suis sérieux. Une autre femme est entrée dans ma vie. Je suis désolé.

— Mais il ne faut pas te mettre dans un tel état mon Juju. Ce sont des choses qui arrivent. C'est la loi de la nature.

— C'est tout l'effet que cela te fait ? Rien de plus ?

— Juju, nous sommes adultes. Je ne t'en veux pas, sois tranquille.

— Tu m'intrigues. Jalouse comme tu es, tu devrais hurler, me sauter dessus.

Je reste zen. Il a raison, cela me rend folle de savoir qu'une autre femme est passée entre ses bras, ou plus exactement, entre ses cuisses. L'envie de me ruer sur lui me démange, mais je vais la jouer autrement. Je ne veux surtout pas qu'il croie que je tiens encore à lui, même si c'est un petit peu vrai...  Soudain, il se relève, comme si un truc lui avait piqué les fesses.

— Je comprends pourquoi tu es indifférente. En fait, c'est parce que toi aussi tu as une aventure. Je me trompe ?

La voilà l'occasion de lui faire croire ce qu'il veut entendre. Je vais me venger à ma manière.

— Puisque tu en parles. Oui, j'ai rencontré un homme.

— J'en étais sûr ! Pourquoi ne pas me l'avoir dit ?

— J'attendais l'occasion.

— Ben voyons !

— Ne monte pas sur tes grands chevaux. Nous sommes à égalité. Un point partout. Match nul.

— Tu es immature comme toujours. Néanmoins, je déculpabilise à présent.

— Raconte, c'était comment ?

— Que je te raconte quoi ?

— Elle et toi.

— Éléna, ce sont des moments intimes.

— Allez, depuis le temps que l'on se connaît, pas de cachotteries entre nous. Je l'ai déjà vue ?

— Oui et non.

— Je parie cent balles que c'est la roussette. Elle est prof d'histoire, c'est cela ? Ne me dis pas que c'est elle.

— Si, c'est elle.

— Oh non ! Comment peux-tu passer de moi à un petit boudin comme elle ? Je suis sidérée !

— C'est une femme très intelligente, et très agréable.

— Chacun ses goûts, mais là, tu fais fort.

— Et toi, comment était-ce avec cet homme ?

— Toi d'abord.

— Si tu insistes. Au début, j'ai eu du mal à la toucher. Je pensais à toi. Et puis, une caresse en entrainant une autre, je me suis laissé aller.

— Bravo ! Je ne suis pas restée longtemps le centre de tes pensées.

— Tu vois, tu le prends de travers.

— Pas du tout. Je constate.

— Alors, et toi ?

— Tout a basculé au premier baiser. Il m'a enlacé et nous avons fait l'amour toute la nuit.

— Comme ça, direct ?

— Oui, direct !

— Sans commentaire. J'en ai assez entendu. Je vais me coucher.

Julien monte dans sa chambre, l'air contrarié. Toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire, paraît-il. Je vais cultiver cette liaison fantôme pour le tester.

 Je retourne dans mon lit sans faire de bruit. Cathy s'est endormie. Je ne peux même pas me confier et évacuer la boule d'angoisse qui m'oppresse. Je me tourne et retourne des dizaines de fois durant la nuit. J'imagine Julien et cette femme, leurs corps se mélanger et les baisers échangés. Fatiguée, je finis par sombrer.