Embarquement immédiat

1.5K 167 38
                                    


Après une nuit à me tourner dans tous les sens, j'ai pris une décision. Il est sept heures du matin. Tout le monde dort encore. Je me lève sans faire de bruit. Je vide les tiroirs de mes affaires et fourre le tout en vrac dans mon sac de voyage. Je fais le tour de la pièce pour être sûre de n'avoir rien oublié. Je descends sur la pointe des pieds dans la salle de bain. Je réunis mes accessoires de toilette. Toujours en silence, je me dirige vers la cuisine.

Au mur, sur le grand tableau noir, j'écris ceci à la craie :

« en mode absente. Gros bisous aux enfants. Ps : Merci de prendre soin de Tweet. ».

J'enfile mon manteau par-dessus ma nuisette, prend mon sac à main et, en chaussons, je vais à ma voiture.  Je démarre. Je pars.

Vingt minutes plus tard, me voici chez moi. Je jette mon sac dans l'entrée. Je m'écroule sur le sofa. Je soupire longuement. J'ai besoin de dépaysement afin de faire le ménage dans ma vie. La seule solution que j'ai trouvé : partir.

J'allume mon ordinateur à la recherche d'une destination. Une semaine aux Canaries. Voilà ce qu'il me faut. Je regarde les dates et les disponibilités. Génial, il y a un départ aujourd'hui à treize heures trente. Cela me laisse largement le temps de faire ma valise et de prévenir le boulot. Je règle immédiatement en ligne.

Je vire tout ce que j'avais emmené chez Julien et le remplace par mes maillots de bain, paréo, shorts, robes et autres vêtements légers. Des ballerines, des tongs et des escarpins. Je complète ma trousse de toilette avec des sprays solaires. Je vérifie avant de fermer, et voilà. Parée pour le voyage au soleil. Au programme : zéro stress, mojitos et farniente. J'envoie un sms à mon boss lui disant que je pose une semaine de congés pour dépression. Je file prendre une bonne douche. Fraîche et dispo, j'éteins le compteur électrique, je ferme le gaz et coupe l'arrivée d'eau. Dans mon bagage à main, j'emporte le livre de Sonia Dagotor « Epouse, mère et working girl », et ma tablette.

Petit tour d'horizon dans l'appart. Je claque la porte et me rends à l'aéroport.

Durant le trajet, je prends conscience que j'agis sur un coup de tête et que c'est bien la première fois que je pars seule en vacances. Je suis loin d'imaginer qu'à cet instant, Julien découvre le mot que je lui ai laissé sur le tableau. C'est l'arrivée d'un message qui me l'apprend.

« Une fois de plus, madame n'en fait qu'à sa tête. Un jour, peut-être, tu ouvriras les yeux. ».

Ouvrir les yeux ? Cela fait des années que je les garde fermés, justement pour ne pas voir cette vie monotone avec lui. C'est lui qui ne pige rien. J'entre dans le hall de l'aéroport, un peu perturbée par son texto. Il faut que j'occulte tout ça au risque de passer une semaine de galère. Pour commencer, je ne lui réponds pas et j'éteins mon portable.

Je vais à l'enregistrement des bagages. Il y a une sacrée file d'attente. À croire que personne ne bosse et que les gamins font l'école buissonnière ! J'aperçois un groupe de nanas qui se fait remarquer par leur attitude. Des jeunettes de vingt-cinq balais maximum. J'espère qu'elles ne seront pas dans le même club que moi. Non pas qu'elle me dérange, mais plutôt qu'elles risquent de me faire de la concurrence. La charmante hôtesse au sourire coincé me donne mon billet d'embarquement. Je suis à la place B113. Juste derrière moi, un couple de retraités. J'entends en m'éloignant qu'ils sont aux places B114 et B115. Merde, juste à côté de moi. Quatre heures de vol, ça va être terrible.

Je m'assieds en attendant l'appel pour se rendre en salle d'embarquement. J'allume mon téléphone. Je relis le sms de Julien. Je commence à lui répondre que je suis partie en voyage, puis, j'efface tout. Je ne dois pas lui répondre, il va se poser des questions, ça lui fera du bien. J'ai toujours du mal à digérer la façon dont il m'a accueilli ce matin. Il m'a traité comme une gamine, voire pire, une étrangère. Une semaine, le temps de faire passer la pilule, après, ça ira mieux. Enfin, normalement. Je pense à Cathy. Que va-t-elle penser de ma fuite ? Elle va encore me critiquer. Me dire que je ne suis pas capable d'affronter la réalité, etc... que des reproches ! Donc, je ne lui envoie pas de message pour lui informer que je pars. L'idéal, c'est de me couper de tous, si je souhaite mettre un peu d'ordre dans ma vie.

Eléna MarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant