Ne me quitte pas

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De retour, il est en train de nettoyer tant bien que mal, le gras que j'ai étalé. Je me fais toute petite et file mettre de l'ordre dans la cuisine. La porte d'entrée claque. Je sursaute. Il brandit le seau vers moi et se met à brailler. L'amour est dans le pré, vous connaissez ? À cet instant, je pense à cette émission et je l'imagine en agriculteur avec son seau à traire. Forcément, je ne peux retenir mes ricanements.

— Qu'est-ce qui te fait rire ? Je n'ai pas, mais pas envie du tout de plaisanter. Regarde dans quel état je suis ! Si j'avais su, je ne t'aurai jamais demandé de venir ici.

— Pardon ? Il n'est jamais trop tard. Je peux partir immédiatement.

— Bonne idée.

Et voilà, je démarre au quart de tour et me voici en quelques minutes en train de boucler ma valise. Avoue que tu as tapé fort en salopant sa voiture. Ceci dit, c'était très drôle. Julien frappe à ma porte.

— Je peux te parler ?

— Ben oui, ce n'est pas encore proscrit par la loi.

— Je voulais...

— T'excuser ?

— Non, j'aimerais que tu restes.

— C'est l'hôpital qui se fout de la charité ! Et pour quelle raison ? Je suis chiante, hystérique, immature et j'en passe !

— Les enfants risquent d'être malheureux si tu t'en vas.

— Tu dis n'importe quoi. Ils savent très bien que cette situation est temporaire. Ne cherche pas midi à quatorze heures. C'est toi qui est incapable de te passer de moi. N'est-ce pas ?

— Pas tout à fait.

— Pas tout à fait. Tu en as d'autres réponses à la con comme ça ? Tu ne peux pas tout simplement me dire que je vais te manquer. C'est au-dessus de tes forces ?

— Éléna, quand arrêteras-tu de te faire des films ?

— Ah, ok. Dans ce cas, sujet clos.

L'air déçu, il quitte la chambre. Pourquoi ne me dit-il pas qu'il m'aime ? Qu'il ne peut pas vivre sans moi ? Tout bien réfléchi, s'il venait à me faire ces déclarations, je ne sais pas ce que je lui répondrais. J'ai encore des sentiments pour lui, ça je ne peux le nier, mais de là à accepter de vivre avec lui, c'est moins clair. J'apprécie mon indépendance, le fait de n'avoir aucun compte à rendre sur mon emploi du temps, c'est plaisant.

De toute manière, cela tombe bien qu'il me fiche à la porte car c'est déjà le bordel entre nous en quelques jours. Je descends les marches, traînant ma valdoche de trois tonnes. Il est là, devant la porte d'entrée, comme si il faisait barrage. L'air grave, il me dit :

— Reste, s'il te plaît.

— Je ne pige plus rien. Qu'est-ce qui ne tourne pas rond dans ta tête ?

— J'ai besoin de toi, tu le sais très bien.

— Tu n'as qu'à appeler Zora.

— C'est malin. Avec tes conneries, je ne suis pas sûr qu'elle remette les pieds ici.

— Et ta petite maman ?

— C'est toi que je veux, personne d'autre.

— Là, tu me mets mal à l'aise. Nous n'arrivons pas à nous entendre. Regarde encore tout à l'heure.

— C'est du passé. Et puis, c'est toi, ta personnalité. Je suis habitué.

— Le mot qui tue. Habitué. C'est ça le problème. Nous nous sommes habitués. La routine, le train-train, ça détruit un couple.

Eléna MarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant