Chapitre I

107 12 13
                                    

Ses pas résonnaient dans le couloir vide du lycée. Elle avait une démarche très assurée, ce qui était assez surprenant pour une fille tout juste débarquée dans son nouveau lycée. Moi, je la suivais, quelques mètres derrière, elle finirait par me demander la direction, le bâtiment était grand.
Après notre rencontre sous la pluie, le bus était finalement arrivé. Le chauffeur n'avait bien évidemment présenté aucunes excuses pour son retard et nous étions partis. Elle ne m'avait pas lâchée du trajet. J'avais l'habitude de m'asseoir seul, près de la fenêtre, écoutant paisiblement ma musique. Il fallait trois ou quatre arrêts avant que mes semblables humains remplissent le bus, juste le temps de quitter la banlieue. Elle s'était assise à côté de moi et avait semblé attendre que je lui adresse la parole, avant de s'exclamer :

"Tu es au lycée Baudelaire ?"

J'avais, dans un grand soupir, retiré l'un de mes écouteurs pour ne pas paraître trop impoli. Pour la première fois, je posai mes yeux sur elle plus d'une fraction de seconde. Elle avait un visage fin, aux traits dessinés sans être trop durs, une bouche en coeur sans être trop pulpeuse et de grands yeux bleus encadrés par des mèches claires, son visage me rappelait une poupée de porcelaine. Elle passa sa main devant mon visage comme pour capter mon regard et s'exclama de nouveau :

"Es-tu muet ? C'est difficile d'entendre le son de ta voix !"

Elle compléta sa phrase d'un léger rire. Je passai la main dans mes cheveux, gêné, voilà que cette Alice allait se faire des films... Soupirant intérieurement je finis par lui répondre :

"Oui... Lycée Charles Baudelaire.
- Je ne serai donc pas seule dans ce fameux lycée ! Ma mère n'arrête pas de m'en parler depuis notre déménagement comme étant l'élite de l'élite !
- L'élite ? On doit pas vraiment avoir la même définition de ce mot..."

Elle pencha sa tête de côté, visiblement curieuse d'en apprendre plus. Mon très cher lycée pouvait se vanter depuis plusieurs années d'avoir formé de nombreux élèves maintenant étudiants dans de prestigieuses universités pour les plus jeunes ou possédant désormais des postes importants dans de grandes entreprises. Enfin, comme le lycée se plaisait à le rappeler, il s'agissait d'une élite, l'objectif de tout élève : l'atteindre. Combien y arrivait ? Trop peu.
Le visage d'Alice était toujours marqué par l'incompréhension, je me mis donc à lui expliquer la sévère politique de son futur établissement.

"Et bien ! Vos professeurs ne doivent pas toujours être très amusants !
- Tu le verras bien assez tôt..."

Le bus commençait enfin à se remplir, Alice avait détourné son attention de moi et je pouvais enfin retourner à ma contemplation de l'extérieur.
En arrivant devant mon lycée, la pluie avait enfin cessé. Le sol était détrempé et ne restait dehors que les fumeurs du lycée finissant leur cigarette à toute vitesse avant de rejoindre leur classe. Il était amusant de les voir se presser à aspirer cette fumée addictive comme-ci leur vie en dépendait. Personnellement, je n'avais pas besoin d'une clope pour être en retard, juste d'habiter un peu loin et d'avoir un chauffeur de bus laxiste.
Passant le portail, je me rendis alors compte qu'Alice était sur mes talons. Faisant volte-face, elle faillit me rentrer dedans.

"Qu'est-ce que tu fais ?" dis-je d'un ton légèrement agacé.

Elle se redressa, les joues légèrement rouges et m'offrit un sourire gêné. Elle tira sur sa jupe noire et remit ses cheveux en place. Je remarquai alors qu'elle était en collants et était protégée du froid par une simple veste en jean.

"Tu veux choper la crève ou quoi ? Je sais pas où tu vivais avant mais on n'est pas à Marseille ici, en hiver il neige et il fait froid."

L'effet papillonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant