L'effet papillon

Chapitre XV

"Elle t'a carrément viré de chez elle ?
- Ouais, vraiment.
- Et elle t'a donné quoi comme raison ?
- Je sais pas trop, elle m'a dit que j'étais qu'un mec minable et prétentieux puis elle s'est mise à pleurer."

Dit ainsi, il est vrai que cela pouvait paraître saugrenu, voir complètement déjanté, et le regard ahuri que me lançait Matthieu le démontrait sans problème. Pourtant, c'était bel et bien ce qu'il s'était passé il y'a seulement deux jours. En y repensant à froid, je ne comprenais pas plus la réaction de la jeune fille et mon ami ne semblait pas en saisir le sens non plus. Quelque chose m'échappait, quelque chose sûrement de très important mais que je n'arrivais pas à comprendre. Entre la soirée et la dernière fois où je l'avais vu avait du se passer quelque chose mais quoi ? C'est cela qui m'était complètement étranger.
La tête reposant mollement dans le creux de ma main, je jouais avec le bout de ma fourchette à déplacer la nourriture infâme de la cafétéria dans mon assiette. Matthieu m'observait avec attention, la tête légèrement penchée de côté.

"Tu l'aimes bien avoue, s'exclama-t-il alors.
- Qui donc ?
- Ethan, joue pas au con, à ton avis !
- Alice ? C'est juste que... J'aimerais comprendre."

Mon ami fronça les sourcils, ne semblait pas comprendre le sens de ma phrase. Il fallait avouer que je n'étais pas sur de la comprendre moi non plus, cette fille m'intrigait au plus haut point, mais je ne savais pas vraiment ce qu'elle représentait pour moi. Une amie ? Je n'étais pas vraiment sûre de pouvoir la qualifier ainsi après tout ce qu'elle m'avait dit, toutes ces choses atroces, il faut le dire mais qui pourtant ne m'avaient pas plus atteint que cela. Cela m'étonnait moi-même ! J'étais partagé entre le sentiment de me dire que tout ce venin qu'elle avait craché n'était qu'une façade, des mensonges pour cacher son vrai problème ou si elle le pensait réellement.

"Tu l'as vue aujourd'hui ?
- Non. Et je pense que c'est mieux ainsi.
- Et le projet d'art ?
- Je n'ai jamais aimé travailler en groupe de toutes façons...
- T'as de la chance que Louisa ne mange pas avec nous...
- Pourquoi ça ?"

De sa fourchette il m'indiqua la porte d'entrée de la cafétéria se trouvant dos à moi. Quelque peu perplexe, je me tournai cependant, mon regard captant presque aussitôt Alice, qui venait d'entrer dans le self. Ses cheveux ramenés en une queue de cheval haute dégageaient son visage fin. Ses yeux se posèrent une fraction de seconde sur moi avant de se détourner aussitôt, une réaction qui ne me surprit pas tant que cela mais me vexa néanmoins. Reportant mon attention sur mon plateau repas, je manquai de sursauter en sentant que l'on posait lourdement un plateau repas à côté de moi. Redressant les yeux, mon bouche se tordit en un rictus mauvais en reconnaissant Julien, arborant son éternel sourire narquois.

"Ça te dérange pas si je m'installe là, hein Siwel ?"

Sans que je ne puisse répondre il tira la chaise et s'affala à l'intérieur. Que me voulait encore cet abruti, seul en plus de cela ? Ses deux compères n'étaient nulle part en vue. Je jetai un coup d'oeil à Matthieu, qui observait avec intérêt Julien, sa main crispée sur sa fourchette, la mâchoire contractée. Cependant, à mon plus grand désarroi, Julien resta silencieux de longues minutes, dejeunant tranquillement sous l'oeil attentif de mon ami. Je ne sais pourquoi, son petit sourire m'inquiétait. Il avait semblé m'oublier pendant plus d'un mois, pourquoi revenir maintenant ? Finalement, après s'être essuyé le coin des lèvres, il se tourne finalement vers moi, ses yeux sombres brillant d'un étrange éclat.

"Comment va Alice ?
- Q-quoi ?"

Sa question me laissa stupéfait, depuis quand la connaissait-il ? Et pourquoi me demandait cela ? Ma surprise ne sembla pas lui échapper car son sourire s'accentua un peu plus. Je plissai les yeux, tout ce qui pouvait venir de lui ne m'attirerait que des ennuis, je ne devais pas oublier cela.