Chapitre IV

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Je ne marchais même plus, je courrais. La douleur à mes côtes était horrible, mais je devais continuer. Mon frère était hors de vu, disparu, envolé. Et la peur tordait mon ventre tandis que les pires scénarios s'enchainaient dans mon esprit, défilant sans cesse, faisant tambouriner mon coeur de plus en plus fort. Et si quelqu'un l'avait enlevé ? Et s'il s'était blessé ? Et s'il était sorti du parc et qu'on l'avait renversé en voiture ? J'avais peur... Je m'étais séparé d'Alice, mais elle ne m'avait toujours pas appelé. Ma gorge était douloureuse, à force de m'époumonner. Je consultai pour la énième fois mon téléphone, rien, cette absence de messages me glaça le sang. Je finis par arrêter de courir, ne pouvant plus supporter la douleur résonnant dans ma cage thoracique à chacun de mes pas. M'éloignant de la foule, je pris ma tête entre mes mains, me mordant la langue pour ne pas hurler toute ma colère et mon angoisse. Le goût métallique du sang se répandit dans ma bouche. Mon téléphone se mit alors à vibrer. L'attrapant avidement, je mis quelques instants à ouvrir mon message, les mains tremblantes.
*Il est avec moi.*
Ces quatre mots réussirent à me calmer instantanément. Tout mon corps se détendit et je poussai un long soupir de soulagement, me passant la main sur le front pour en retirer la sueur. Néanmoins, mon soulagement fut de courte durée, lorsque je vis l'expéditeur du message. Ma mâchoire se contracta en reconnaissant le numéro d'Anna, je n'avais pas réussi à l'oublier.
*Tu es où ?*
J'attendis la réponse, trépignant. Même si désormais je savais qu'il était sauf, j'avais peur qu'il se soit fait mal, ou autre, on n'était jamais sûr de rien après tout... La réponse ne tarda pas. Étrangement, ce ne fut pas mon téléphone qui me la fournit mais la voix d'Anna, me faisant légèrement sursauter.
"Derrière toi."
Je me retournai et vis son visage fin et ses yeux perçants. Mon coeur se serra de nouveau. Ce regard, je l'aimais tellement... Le visage apeuré de Matthis me tira de mes pensées. Il s'accrochait à la jambe de la jeune fille et accourra vers moi en me reconnaissant. Je m'accroupis et il sauta dans mes bras, sanglotant légèrement. Passant ma main dans ses cheveux, j'adressai un petit signe de tête à Anna, qui resta impassible, son regard doré braquait sur moi. Sentant mon ventre se nouer, je continuai tout de même de la fixer, jusqu'à ce qu'elle détourne finalement les yeux en esquissant un léger sourire et tourne les talons. Je m'apprêtai à la héler, ne comprenant pas sa réaction, mais je fus interrompu par la voix d'Alice :
"Tu l'as retrouvé ?"
Elle semblait essoufflée, je tournai la tête, remarquant qu'elle se maintenait en ayant les mains posées sur ses genoux, la respiration forte, elle avait du courir.
"Le copain... D'Anna c'est ça ? M'a prévenue qu'elle avait trouvé Matthis, je me suis dépêchée de revenir... Je n'ai plus de souffle !"
Elle s'assit alors à même le sol, la tête penchée en arrière. Matthis se mit alors à gesticuler entre mes bras, je l'écartai, observant son visage. Il avait les yeux rougis, les joues humides et avait repris sa sale manie de téter son pouce. Prenant sa tête entre mes mains, je lui offris un léger sourire qu'il me rendit timidement.
"Tu comprends pourquoi je voulais que tu restes à côté de nous ?"
Il hocha la tête, son pouce toujours à la bouche. Me relevant, j'attrapai sa main libre et me tournai vers Alice, toujours assise à contempler le ciel encore clair. Au final, nous n'avions fait aucune attractions. Je jetai un regard à Matthis, au moins cela lui servirait de leçon.
"Tu veux rentrer ?
- Non ! s'indigna-t-il, on n'a encore rien fait !"
J'allais répliquer mais Alice posa sa main sur mon épaule, je ne l'avais même pas entendue se lever.
"Cela pourrait lui faire un peu oublier la frayeur qu'il a du avoir.
- Trois manèges, pas plus."
Matthis poussa un grand cri de joie et nous partîmes en quête d'une attraction à faire.

Nous étions en fin d'après-midi lorsque nous quittâmes enfin la fête forraine. Une énorme peluche entre les bras et le sourire faisant le tour de son visage, Matthis trottinait devant nous. Nous n'avions pas beaucoup parlé Alice et moi. Je ne comprenais pas vraiment cette fille. Non pas qu'elle semblait avoir un mauvais fond ou être quelqu'un de sournois mais... Il y'avait quelque chose d'assez mystérieux chez elle, comme-ci elle était éphémère. Je n'arrivais pas à la cerner, il y'avait quelque chose d'incompréhensible dans ses grands yeux bleus. Et je ne comprenais pas non plus pourquoi elle se montrait si sympathique avec moi. Je n'ai jamais été une personne très locace, les gens m'appréciaient ou non et cela me convenait très bien. De plus, je n'en avais pas plus appris sur elle durant cette journée. Je supposais qu'elle n'habitait pas très loin mais je n'en savais pas plus. J'avais l'impression que cette fille n'était qu'un rêve, un bout d'inconnu qui disparaîtrait aussitôt que je me serai réveillé.
Ces questions avaient torturé mon esprit toute la soirée. Nous avions dîné seuls Matthis et toi, ma mère était encore une fois rentrée tard... Je n'ai pas eu à lui raconter le petit incident avec mon frère ainsi. En fait, je ne voyais ma mère pour ainsi dire jamais. Elle partait tôt, rentrait tard, je m'étais élevé seul.
Allongé sur mon lit, je me remémorai la journée d'aujourd'hui, regrettant d'avoir autant marché, mes côtes n'avaient jamais été aussi douloureuses. Quand je pense que je devais reprendre les cours dans quelques jours... Un long soupir s'échappa d'entre mes lèvres, j'avais l'impression que ma vie n'était qu'une succession d'échecs, ma vie était un échec. Je tournai la tête, observant les feuilles éparpillées sur mon bureau. J'avais au moins la chance d'avoir une grande chambre, aménagée dans les combles de la maison. Les murs étaient presque entièrement recouverts de dessins tout comme mon vieux bureau, reposant au fond de ma pièce à côté de mon chevalet. J'avais eu la chance d'avoir un aïeul peintre, j'avais pu ainsi le récupérer comme ses pinceaux et palettes. Je possédais également une grande armoire, une commode et mon lit, rien de plus. Tous mes meubles étaient anciens et abîmés, exclusivement de la récupération en fait. Mais cela me convenait, je n'avais pas besoin de rangements luxueux. Le vibreur de mon téléphone me tira de mes observations.
*C'était plutôt sympa aujourd'hui ! ;)*
*À part que mon frère s'est perdu et que j'ai croisé mon ex, oui.*
*Disons que ceux sont les petits désagréments de la vie haha ! Une vie paisible deviendrait ennuyante, profite des péripéties de ton histoire.*
*C'est une jolie façon de voir les choses.*
J'attendis sa réponse mais ne la ne vis que le lendemain. Trop épuisé, je m'étais assoupi, un léger sourire flottant sur mes lèvres.

L'effet papillonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant