Le trajet en bus s'était déroulé sans encombre, comme à l'accoutumée.
La musique m'aidait à me couper de cette masse grouillante d'adolescents déprimés et râleurs qui jouait des coudes pour trouver une place assise.
Je me tenais debout contre l'une des vitres pleines de traces de doigts et regardais au dehors sans réellement prêter attention à ce qui s'y déroulait.J'aimais bien être debout à cette heure, cette position me permettait de rester éveillée. De plus, je ne voyais pas l'intérêt de se caler dans un fauteuil une quinzaine de minutes si c'était pour rester les sept prochaines heures assise derrière un bureau.
Ce n'est qu'en arrivant au lycée que je réalisai à quel point il faisait chaud et que j'avais par chance bien choisi mes vêtements.
Je repérai immédiatement Julia sous l'un des arbres plantés autour de la pelouse et m'empressai de la rejoindre.
Elle était en pleine conversation avec Léo, le garçon qu'elle avait rencontré sur la plage cet été et qui semblait l'avoir prise pour cible depuis le temps. J'observais Julia jouer distraitement avec l'une de ses mèches blondes.Il faudrait que je lui dise à quel point elle a l'air niaise quand elle fait ça.
Elle m'avait fait un rapport détaillé par messages de la chance qu'elle avait eu de tomber sur ce gars alors qu'elle s'ennuyait à mourir. Il venait d'emménager en bordure de ville et faisait son entrée au lycée cette année. Elle lui avait fait visiter les bâtiments avec beaucoup d'enthousiasme et depuis, il avait officiellement intégré notre petit groupe.
J'avais commencé à paniquer en réalisant que nous n'allions plus pouvoir partager autant de moment complices avec Julia, puisque ce garçon semblait lui avoir tapé dans l'œil. Elle jacassait toujours à son sujet, mais lui avait noué d'autres relations dans sa classe et nous laissait donc une intimité suffisante. On sortait parfois en ville tous les trois, et je m'entendais bien avec Léo, ce qui rendait l'atmosphère moins lourde que je ne l'avais pensé au début.
Je m'approchai donc d'eux et Julia s'arrêta de parler.
-Mais tu es toute belle ma parole ! Regarde-moi ces marques de bronzage... je suis jalouse.
Elle me colla une bise sur les deux joues avant de nous entraîner à l'intérieur de l'établissement.
-Arrête tes bêtises, tu vas me faire rougir, la taquinai-je. Non sérieusement, tu m'as déjà dit ça à la rentrée.
Elle secoua la tête avec désinvolture et nous nous fondîmes dans la vague bruyante d'élèves, en route pour nos salles respectives.
Au moment où nous nous arrêtions devant nos casiers, je sentis une main s'abattre sur mon épaule.-Hé, Lola, tu me files ta copie du devoir ? Je te paye en nature.
Je me retournai et grimaçai en apercevant Zack Carter, le pire être de l'univers. Il se permettait plus que les autres de me faire des réflexions déplacées en face, car il n'était pas le genre de gars à avoir peur de s'affirmer.
Il avait l'air de prendre un malin plaisir à me mettre constamment la honte, ce qui, pour ma part, avait fini par ne plus m'atteindre.Bizarrement, ses amis du groupe on-est-populaires-et-on-se-fout-de-tout ne l'accompagnaient pas, eux qui attendaient chaque fois de voir ce que j'allais bien pouvoir lui répondre.
J'adoptai la stratégie dite "silencieuse" et le fixai droit dans les yeux.
Je ne cillai pas, le regard planté dans ses iris bleus clairs. Si seulement il n'était pas si... magnétique.
Il me dépassait d'une bonne tête, et ses cheveux bruns en bataille allaient de paire avec sa peau mate. A la vue de mon pendentif, un sourire de voyou fendit sa bouche trop parfaite.
Je n'avais qu'une envie : l'étrangler avec pour lui faire ravaler son trop plein de confiance.-Toujours aussi coincée à ce que je vois.
J'ouvris la bouche pour lui sortir mon classique Va te faire voir, Carter -dont il ne se lassait visiblement pas- mais Julia s'interposa.
-M. l'Emmerdeur de première, ça faisait longtemps ! Ça te dirait pas d'aller voir ailleurs ? J'ai vu deux ou trois pétasses te reluquer tout à l'heure. Tu ferais mieux de vérifier si elles sont toujours là, sinon tu devras trouver d'autres jambes à écarter pour ton coup d'un soir.
J'étais soufflée. Elle m'épatait toujours autant. J'aurais tellement aimé avoir son assurance et sa répartie ! Avec moi, le tac-au-tac ne marchait pas systématiquement.
Je lui attrapai le poignet pour lui signifier que Zack ne valait pas la peine qu'on s'étale sur le sujet, mais elle continua de foudroyer du regard.-T'as pas compris ? Dégage !
L'intéressé la regarda de haut en bas avec un air dégoûté puis tourna les talons sans demander son reste.
Je soupirai, refermant brusquement la porte de mon casier. Ce genre d'incident avait beau être devenu une habitude, je n'en avais pas moins le cœur qui battait à cent l'heure chaque fois que je recevais ce genre de moquerie.-Julia, c'est vraiment gentil à toi de me défendre, mais je passe plus pour une gamine faible qu'autre chose ! Alors à l'avenir, laisse-moi parler.
-Comme tu voudras, dit-elle en haussant les épaules. Mais ne viens pas te plaindre s'il finit par te séquestrer dans les sous-sols pour s'amuser avec toi.
Je levai les yeux au ciel. Ma meilleure amie avait des idées vraiment bizarres.
La sonnerie retentit alors et je les laissai pour me diriger d'un pas léger vers la porte qui menait à mon cours d'anglais.Anglais ! Que pouvait-il arriver de mauvais ? J'adorais cette matière, rien ne pouvait la gâcher. Même la prof, aussi exigeante soit-elle, ne me freinait pas dans l'apprentissage de la langue. Je la maîtrisais maintenant presque comme une native, pour ma plus grande fierté.
Ragaillardie, je franchis la porte de bonne humeur, le sourire aux lèvres.
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Vie d'une Fille Compliquée
Teen FictionLola Mandaro est une adolescente sans histoire. Un physique banal, une passion pour la lecture et la musique, une souris hyperactive comme animal de compagnie... voilà ce qui rythme sa vie de lycéenne. C'est une jeune fille sérieuse qui travaille én...