Chapitre 5

47 3 0
                                    

-Coucou ma puce ! Comment s'est passée ta journée ?

Je sautai au cou de ma mère. Ça me faisait toujours du bien de la serrer dans mes bras en rentrant de l'école.

Je lui racontai mes sept dernières heures en détail, sans omettre l'incident du cours d'anglais. Elle savait bien que je ne supportais pas Zack, bien qu'elle ne l'ait jamais rencontré. Elle ne se lassait cependant pas de mes plaintes presque quotidiennes et me recommandait à chaque fois d'ignorer cet imbécile.

Elle ne réalisait pas à quel point c'était compliqué.

En vérité, elle m'avait plusieurs fois proposé de prendre rendez-vous avec le proviseur du lycée pour mettre les choses au clair une bonne fois pour toutes. Mais je lui avait expliqué que personne ne se préoccupait de ce genre de choses, et qu'un tête à tête avec la direction ne ferait que renforcer mon statut de marginale.

Au début, c'est à dire à ma rentrée en seconde, elle m'avait déclaré que la plupart des garçons qui agissaient de cette manière ne savaient tout simplement pas comment aborder la fille qui leur plaisait. J'avais fait la moue en critiquant son côté vieux-jeu et lui avais précisément décrit l'attitude machiste et puérile dont Zack faisait preuve à mon égard.

J'avais ensuite cru utile d'ajouter qu'il changeait de petite amie toutes les trois semaines environ, uniquement des pom-pom girls sans cervelle. Son record devait avoisiner le mois, mais un pari avait été à l'origine de ce coup monté.

Ma mère avait fini par décréter que ce gars avait tout simplement besoin d'une victime sur laquelle se défouler.

Réconfortant ? Non. Diplomate ? Pas du tout. Mais au moins honnête.

Vous pensez peut-être que j'agis comme une gamine faible et pleurnicharde, mais déballer ce que j'ai sur le cœur me fait toujours un bien fou, comme si l'on me soulageait d'un poids énorme.

En l'occurrence cela ne changeait rien, et mon statut d'intello coincée devenait chaque jour la cible des mêmes moqueries.

-Il faut vivre avec, avait alors lâché ma mère. Dis-toi qu'un jour les bonnes personnes reconnaîtront tes véritables qualités, et à ce moment-là tu pourras rabattre son caquet à ce petit prétentieux.

Depuis, j'essayais d'ériger un mur qui me séparait des remarques subtiles et fleuries de cet ado non fini, en continuant d'évoluer dans mon petit monde paradisiaque.

-Je vais me reposer dehors. Tu veux venir ? proposai-je à ma mère.

Cela faisait un certain temps que nous n'avions pas partagé un vrai moment toutes les deux. Mon père réussissait toujours à la faire rester à table après le repas pour lui raconter sa journée à l'hôpital et parler dans le dos de ses collègues qu'il jugeait incompétents.

Une perle, je vous dis.

-Je te rejoindrai pour prendre un petit apéritif entre filles ! Papa ne rentre que vers huit heures, il a eu une opération de dernière minute.

Je réprimai un sourire. Enfin ! Depuis le temps que j'attendais de passer un agréable moment sans lui... Mon attente avait été récompensée. Je me sentais coupable cependant, honteuse de me réjouir de son absence alors qu'un patient devait souffrir en ce moment-même, allongé sur la table d'opération au milieu de produits synthétiques à l'odeur dérangeante.

Mais non idiote !
Les anesthésiants, ça existe.

Je filai donc à la cuisine pour me préparer une menthe à l'eau et constatai comme à chaque fois la tristesse de la pièce. Les murs gris me faisaient systématiquement penser à un bunker. Il n'y avait aucune décoration, aucun tableau d'accroché, rien. Une immense table en chêne, bien trop grande pour trois personnes, prenait toute la place du minuscule espace. Le four, l'évier et le reste du plan de travail occupaient l'angle gauche tandis qu'à l'opposé trônait notre frigidaire américain constamment rempli, pour ma plus grande satisfaction.

Vie d'une Fille CompliquéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant