-Attends, il t'a dit quoi ?
Nous étions vendredi soir et le soleil couchant venait projeter ses derniers rayons pourpres sur la moquette de ma chambre. J'avais donné rendez-vous à Julia pour que l'on choisisse ensemble nos tenues pour la fête de Léo.
La pièce s'était rapidement transformée en immense cabine d'essayage avec des vêtements étalés un peu partout. Nous devions partir dans un peu moins d'une heure et ma meilleure amie préférait discuter de garçons plutôt que de fringues.
Comme d'habitude.Elle était en ce moment allongée lascivement sur le sol, le menton dans les mains, et sa mâchoire menaçait de se décrocher.
-Arrête, t'as très bien entendu. Je commence à croire que ce gars est un psychopathe, marmonnai-je.
-J'adorerais me faire kidnapper par ce genre de psychopathe...
Julia passait son temps à rêver du sexe opposé, et son cerveau montrait une facilité étonnante à imaginer les fantasmes les plus fous.
Je levai les yeux au ciel.
-Habille-toi, je mets de la musique.
Nous abandonnâmes notre pause avec une pointe de regret pour enfiler nos tenues sur Rock this Party de Bob Sinclar.
Ce n'était pas facile de se déhancher en essayant d'entrer dans une robe.J'en avais choisi une légère à bretelles et rayures blanches et bleues qui montait au-dessus du genou.
Julia se tourna vers moi, dubitative.-Alors, ça donne quoi ?
Elle avait fait les boutiques la veille au soir pour dénicher une combi-short noire effet cuir qu'elle m'avait immédiatement envoyée en photo. Mais encore une fois, elle voulait mon avis.
-Si Léo ne te saute pas dessus avant la fin de la soirée, tu peux changer de victime ! rigolai-je.
Et j'étais sincère. La petite fermeture argentée sur le devant donnait un côté à la fois sexy et branché, et les créoles qu'elle avait attachées sous son chignon complétaient l'ensemble. Elle avait appliqué un fard noir pailleté sur ses paupières et ajouté un noeud de la même couleur dans ses cheveux.
Je la trouvais superbe.
-Ah ah ! Allez, à toi. Éblouis-moi.
Je la poussai pour prendre place devant le miroir et réfléchir quelques secondes. Je décidai d'opter pour une queue de cheval haute classique maintenue avec un nuage de laque et oubliai les bijoux. Une touche de beige sur le dessus de l'œil permettait de masquer les petites veines qui couraient sous la peau, et j'appliquai finalement une épaisse couche de mon mascara quotidien pour agrandir mon regard.
-Tu es beaucoup trop naturelle, lâcha Julia en fouillant dans sa trousse à maquillage qui traînait sur mon bureau.
J'arquai un sourcil.
-Et c'est mal ?
Elle arrêta ses recherches trente secondes plus tard, un sourire triomphant sur le visage et un rouge à lèvres dans la main gauche.
Oui, ma meilleure amie était gauchère, et je l'assumais entièrement.
-Abracadabra ! J'ai trouvé le accessoire miracle ! s'exclama-t-elle
J'explosai de rire et repris mon sérieux sur-le-champ : je n'avais pas encore vu la couleur du bâton. Connaissant Julia, il fallait être prête à tout.
Je plissai les yeux, attendant le coup fatal.
Quand ma meilleure amie dévoila un tube rose pastel, je poussais un soupir de soulagement.
-J'ai cru que tu allais me sortir un truc immonde, du style fuchsia ou vert canard.
Nous terminâmes de nous préparer en vitesse avant de descendre souhaiter une bonne soirée à mes parents, qui avaient été mis au courant du programme.
Ma mère nous recommanda de bien nous amuser et mon père (qui avait ô miracle décider de m'accorder un peu d'attention) en profita pour nous rappeler de ne pas boire n'importe quoi, de ne pas accepter de joints, ni de finir enceinte au cours des prochaines heures.
Nous sortîmes de la maison sans échanger un mot avant que la porte ne se referme.
-Il a dit au cours des prochaines heures, chuchota Julia. Ça veut dire que passé minuit on a le droit de faire ce qu'on veut ! Seins nus et pole dance compris, ajouta-t-elle avec un clin d'œil vicieux.
Nous partîmes dans une série de fous rires incontrôlables et réussîmes à passer le portail sans réveiller tout le quartier.
Nos chaussures à la main, nous enfourchâmes la mobylette de Julia en faisant grincer le siège sous notre poids. Celle-ci fit chauffer le moteur avant de passer la première, et nous voilà parties pour la meilleure fête de ce début d'année.
C'était un de nos délires, de nous balader pieds nus dans la rue. Chaque fois qu'on partait se promener -uniquement en été bien sûr-, on laissait notre peau fouler le bitume et profiter de la sensation des graviers secs qui filaient entre les orteils.
Au bout d'une vingtaine de minutes, nous nous garâmes devant l'une des résidences grandioses du quartier Hollanders. Il y avait déjà plus d'une dizaine de voitures et de scooters alignés le long du trottoir, et des effluves de bières et de vodka nous parvenaient jusqu'ici.
-Pouah ! Heineken. Écœurant, fit Julia en se pinçant le nez.
Ah oui, ma meilleure amie était également passée maître dans le domaine des boissons alcoolisées. Elle pouvait en reconnaître la marque rien qu'en la sentant, ce qui pour moi relevait du génie.
Cette capacité remarquable lui avait d'ailleurs valu le surnom de Sniffeuse de Verres.Des cris de surprise et de panique s'échappèrent du jardin au moment où nous franchissions le portail électrique.
Nous posâmes un pied sur l'herbe avant d'écarquiller les yeux.
Ce qui se déroulait devant nous acheva de nous décider à entrer.Deux gars apparement bourrés couraient après un groupe de filles hystériques en leur balançant le contenu de leurs gobelets dans le dos. Je reconnus John et Matt, qui traînaient avec Léo au lycée. Leurs abdos apparents étaient bien visibles, même à la tombée de la nuit.
Ils étaient tous en boxers ou maillots de bains et tournaient en rond autour d'une piscine colorée où se pelotaient quelques couples en toute pudeur.
De la musique électro faisait trembler les vitres du rez-de-chaussée derrière lesquelles on pouvait apercevoir une foule d'élèves en transe qui bougeaient dans tous les sens en effectuant de grands mouvements bizarres.
-Ceux-là ont l'air d'être sobres ! hurlai-je à l'oreille de Julia pour couvrir la musique qui faisait sauter les enceintes. Ils portent encore leurs vêtements !
Julia lâcha son sac sur l'herbe avec la ferme intention de le laisser ici toute la soirée avant de s'élancer à travers la pelouse en agitant les bras.
-Amène-toi, j'ai soif !
Je la rejoignis en un temps record, savourant la chaleur étouffante de cette soirée estivale sur ma peau nue. Le jardin défila à toute vitesse de chaque côté avant que j'atteigne la porte d'entrée sans même être essoufflée.
On va vraiment s'éclater !
-Mode super-déchaînées activé, dis-je d'une voix de robot déformée. Appuie sur l'interphone.
Julia se tourna vers moi, un sourire moqueur sur les lèvres.
-Et puis quoi encore ?
Nous ouvrîmes la porte d'un seul coup après avoir échangé un regard entendu. Notre entrée fracassante n'avait surpris personne. Tout le monde était trop occupé à boire ou à s'embrasser sur les canapés en cuir pour remarquer notre apparition.
Tant mieux, c'est l'effet escompté.
Ce soir, on se fondait dans la masse.
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Vie d'une Fille Compliquée
Novela JuvenilLola Mandaro est une adolescente sans histoire. Un physique banal, une passion pour la lecture et la musique, une souris hyperactive comme animal de compagnie... voilà ce qui rythme sa vie de lycéenne. C'est une jeune fille sérieuse qui travaille én...