Je m'appelle Lola Mandaro, j'ai seize ans, et je suis en train de massacrer mon réveil à coups de peluche.
Vous l'aurez compris, je ne suis pas du matin.
Mais qui a bien pu décréter qu'il fallait se lever cinq fois par semaine à six heures piles pour entamer une journée supplémentaire de cours assommants et sans intérêt ?
Moi, bien évidemment.
J'avais eu la merveilleuse idée de m'en tenir aux judicieux conseils de mes parents en début d'année, soit d'intégrer la filière scientifique du lycée pour, je cite, "m'assurer un avenir certain aux portes grandes ouvertes".
Comme vous pouvez le constater, mes parents, eux, ont l'esprit plutôt fermé.
Pour être sûre d'obtenir un emploi plus tard, il était EVIDENT que la série littéraire n'était pas du tout recommandable.Comment aurais-je pu m'en sortir au milieu d'élèves non motivés aux résultats constamment en baisse qui s'habillaient bizarrement et semblaient appartenir à un monde totalement différent du nôtre ?
Telle était leur vision des choses.Moi, je m'y serais sentie à ma place, j'en étais persuadée. Les langues, les grands auteurs, la philosophie...
Voilà ce que j'aimais, et qui me donnait sans cesse envie d'apprendre de nouvelles choses.Cela va sans doute vous paraître bizarre, mais je me plaisais beaucoup au lycée. Prendre le bus bondé de fumeurs collés-serrés dès le matin ne me dérangeait pas, puisqu'une fois arrivée à l'établissement je retrouvais Julia, ma meilleure amie au tempérament bien trempé.
Julia ne laissait personne s'approcher à moins d'un mètre de moi, sous prétexte que j'étais sa moitié et que le premier qui osait me regarder de travers allait le regretter. Avec une fille pareille, pas besoin de garde du corps. Elle était celle à qui je devais tout, et nous étions si complices qu'il était impossible de nous séparer.
Je subissais souvent les moqueries des abrutis de ma classe, qui ne foutaient rien de l'année et s'en sortaient quand même avec un bon bulletin.
Contrairement à eux, je me donnais du mal pour obtenir d'excellents résultats et m'acharnais à poser toutes sortes de questions aux professeurs. Mon but était de travailler toutes les matières à fond, même si il y en avait quelques unes dont je me serais bien passée.
Selon moi, il ne fallait jamais rien négliger. Chaque notion avait son importance, aussi difficile à percevoir soit-elle.
Du coup, je devais supporter les rires qui me suivaient à longueur de journée tout en ignorant les coups d'œil mauvais qu'on me lançait sans relâche.C'est pour cela que je m'asseyais constamment à côté de ma meilleure amie. Nous avions des tas de délires impossibles à comprendre et partagions tous nos secrets, ce qui faisait de notre amitié un lien inébranlable.
Nous suivions les cours avec plus ou moins d'attention en passant notre temps à bavarder ou à travailler en silence suivant les matières. Une fois par semaine, nous nous rendions dans le Starbucks du coin pour faire le point sur les événements importants. Quand nous n'étions pas trop chargées en devoirs le week-end, nous nous invitions parfois l'une chez l'autre.
En clair, je passais la moitié de mon temps avec Julia et l'autre avec mon lit.
Tout allait pour le mieux.Du moins, jusqu'à il y a deux mois. Julia étant comme moi, linguistique dans l'âme, elle avait annoncé à ses parents son passage en première littéraire avec enthousiasme. Ceux-ci l'avaient vivement félicitée en disant qu'on manquait de gens comme elle de nos jours, suite à quoi j'avais pensé
Moi aussi j'aurais pu être utile à la société, si le chirurgien et la prof agrégée qui se disent être mes géniteurs m'avaient laissé le choix au lieu de m'inscrire de force dans une classe scientifique de haut niveau.
A partir de la rentrée, je n'avais cessé de me morfondre en me rendant au lycée. J'avais retrouvé les mêmes abrutis que l'année précédente et j'étais bien partie pour devoir faire semblant de ne pas les connaître durant une bonne dizaine de mois.
Cerise sur le gâteau : Julia et moi avions été séparées, bien évidemment. Elle allait s'éclater, et moi j'allais sombrer dans la dépression et l'acharnement.
Mon moral en avait pris un sacré coup.J'avais donc fait la sourde oreille aux messes basses les premières semaines en me concentrant essentiellement sur mes cours, qui me donnaient beaucoup de fil à retordre. En effet, je haïssais la matière principale : les sciences physiques. Encore une fois, merci papa maman.
Je passais mes soirées sur cette matière qui me torturait l'esprit avec ses formules sournoises et ses expériences tirées par les cheveux. Mme Troyens, notre professeur principale bipolaire qui enseignait également la matière, me reprochait souvent de tourner autour du pot et d'écrire de belles phrases à rallonge au lieu d'un protocole en bonne et due forme.
Malheureusement pour elle, c'était comme ça que je fonctionnais, et cette manie me valait une belle tâche sur mon bulletin à la fin de chaque trimestre. J'avais beau être motivée et me donner à fond, mes notes en sciences physiques ne se fondaient pas dans la masse.
De plus, j'avais l'impression d'être le souffre-douleur de cette baguette de bois aux airs d'alligator. Je priais pour que les rides qui lui creusaient les joues soient le signe d'une retraite prématurée.
Je fermai les yeux et refusai une fois encore de repousser mes draps, serrant mon lapin en peluche contre ma joue. J'adorais son odeur, mon odeur.
Pensez ce que vous voulez, je n'étais pas prête à le quitter.
J'étais bien au chaud sous mon épaisse couette, alors pourquoi fallait-il que je me lève aujourd'hui ?Parce qu'on est lundi, que tu as un devoir de français à rendre, et que ton chocolat va refroidir.
Je fermai les yeux dans un soupir, m'accordant quelques minutes de répit. Je décidais finalement de m'extirper du lit et allai tirer les rideaux qui empêchaient le soleil de pénétrer dans ma chambre.
Un immense rectangle de lumière se dessina sur le mur blanc, illuminant le bureau parfaitement rangé situé au pied de mon lit. Je savourai l'agréable sensation que provoquait la chaleur du soleil sur ma peau.
Au moins, il fait beau, songeai-je.
Je bâillai à m'en décrocher la mâchoire et passai devant mon miroir en pied sans jeter un coup d'œil au reflet. Je devais avoir une mine épouvantable. J'avais terminé ma dissertation sur le roman tard dans la soirée et m'étais réveillée à côté du livre encore ouvert sur l'oreiller.
Je descendis les marches en pyjama le plus lentement possible, les yeux encore lourds de sommeil. Le sifflement strident qu'émettait notre nouvelle cafetière de luxe -dernière folie de ma mère- m'indiquait que mes parents étaient déjà levés.
J'inspirai un grand coup calmement, prête à affronter cette journée de cours supplémentaire.
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Vie d'une Fille Compliquée
Novela JuvenilLola Mandaro est une adolescente sans histoire. Un physique banal, une passion pour la lecture et la musique, une souris hyperactive comme animal de compagnie... voilà ce qui rythme sa vie de lycéenne. C'est une jeune fille sérieuse qui travaille én...