Vie d'une Fille Compliquée

Chapitre 18

Je m'en étais pris, des trucs dans la tête.

Une balle de tennis au niveau de la tempe en sixième par un grand qui avait fait exprès de me viser juste parce qu'il en avait envie.
Un volant dans l'œil l'année d'après qui m'avait fait ressembler à un cyclope violet pendant une semaine.
Une crosse de hockey en plein sur la joue en voulant stopper un tricheur.

Mais un énorme ballon de basket bien dur sur le pif, jamais.

Je jurai tout ce qui me passait par la tête et me redressai comme si j'avais été frappée par la foudre.

Mon nez me lançait tellement fort que je croyais l'avoir perdu pour toujours, et je serrai la mâchoire jusqu'à m'en faire saigner les gencives pour essayer d'effacer la douleur.

En voyant s'élancer vers moi le parfait connard qui avait commis l'irréparable, je manquai de m'étrangler avec ma salive.

J'aurais envoyé mon poing valser dans l'estomac de Zack si les deux mains pressées sur mes os que je croyais brisés n'étaient pas déjà occupées.

Il en a fait exprès.

-Tu ne me trouves pas assez infirme comme ça ? crachai-je en agitant ma main déjà blessée sous son nez. C'est ma phrase de ce matin qui t'a vexé, ou bien tu voulais me rendre totalement hors d'état de nuire ?

Mes paroles grinçantes ne semblaient pas le toucher.

Il secoua la tête comme s'il se parlait à lui-même tandis que les autres joueurs restaient sur le terrain à commenter la scène. Même les supporters s'étaient tus.
Je détestais tout type de sport, mais le basket arrivait en tête de liste.

Quand il me tendit son maillot rouge trempé de sueur, je reculai en fronçant les sourcils.

-Qu'est-ce que tu veux que je fasse de ce truc ? Ça pue la mort.

Il désigna son arête du nez en me fixant d'un regard étonnamment sombre.
J'en frissonnais presque.

-Tu saignes. Je t'emmène à l'infirmerie.

Je regardai mes mains avec surprise. En effet, des gouttes pourpres tâchaient mes doigts encore tremblants.
Je voulus renifler, mais cela aurait aggravé mon cas.

Je ramassai mon sac et le balançai sur mon épaule sans un regard pour l'imbécile qui ne bougeait pas d'un pouce.

-Je sais où c'est. Ne t'approche plus de moi à moins de cinq mille mètres, je pense que ça sera suffisant.

Je l'entendis ricaner dans mon dos et résistai à l'envie de faire volte-face. J'avais déjà dit tout ce qu'il méritait d'entendre.

Quand il me rattrapa à peine quelques secondes plus tard, je l'ignorai en fixant un point invisible à l'horizon.

-Écoute..., commença-t-il.

J'accélerai et fis comme si je ne l'avais pas entendu.
Une fois arrivée devant la porte de l'infirmerie, je frappai deux coups brefs et entrai pour la énième fois dans ce que j'appelais désormais le local de la mort.

-Asseyez-vous, j'ai bientôt fini.

Comme d'habitude, madame pince-sans-rire était au taquet. Cette vieille peau aux lunettes violettes d'un goût douteux ne tolérait aucune tentative de séchage de cours déguisée et ne renvoyait personne chez lui sans raison valable.