Chapitre Un

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Un hurlement puissant et glaçant, aussi intense que s'il appelait sa meute à le suivre. Pourtant il ne cherchait pas à se faire entendre de quiconque. Il avait succombé à un instinct animal qui le régissait. Il se sentait loup et l'exprimait à qui pouvait l'entendre.

Son cou était tendu dans cette position si atypique, comme l'était chaque muscle de son corps, ses yeux bleu acier fermés et ses cordes vocales laissant planer son appel majestueux. Son hurlement fut long. Il délivra sa longue plainte jusqu'à en perdre haleine puis baissa la tête vers ce spectacle qu'il avait longtemps contemplé et ouvrit à nouveau les yeux. Il était puissant, athlétique, magnifique. Son pelage était d'un blanc quasiment immaculé, seulement entrecoupé par une ligne de gris qui courait le long de son échine et s'étirait jusqu'à sa queue. Son regard était perçant, rendu hypnotique par leur couleur qui le faisait plus passer pour un husky que pour un loup.

Pourtant, on ne pouvait pas s'y tromper. Il était loup. Un fier et noble canidé. Ses pattes étaient élancées mais capables de fournir la puissance nécessaire à une traque dans les sous-bois. Ses griffes scintillaient à la lumière du soleil et si on avait pu voir ses crocs, on aurait prié pour qu'il ne nous prenne pas en chasse. Ses oreilles bougeaient machinalement alors qu'un bruit se faisait entendre à droite ou à gauche. Sa masse était imposante, accentuée par les poils qui le couvraient. Il semblait bien plus gros qu'un loup. Et ce n'était pas qu'une impression.

Un prédateur qui n'avait nul égal.

Comme s'il avait repéré quelque chose d'invisible, il s'élança soudainement en avant. Ses pattes postérieures le poussaient aisément et bientôt, il rejoint la forêt et son calme à présent troublé. Le tapis de feuilles mortes ne le faisait pas déraper, les racines ne le faisaient pas trébucher. On aurait dit un éclair blanc qui fendait les sous-bois en quête de liberté.

De longues minutes passèrent sans qu'il ne s'arrête pour écouter ou pour reprendre son souffle. Sa puissante musculature lui permettait cet effort. Son corps était taillé pour la course, la chasse. Il évaluait le terrain et anticipait chaque crevasse, chaque à-pic. Ainsi, le petit ruisseau qui coulait droit sur son chemin ne lui fit pas peur, au contraire. Il accéléra, prenant son élan avant de sauter avec grâce au-dessus de l'eau et de se retrouver, l'instant d'après, sur l'autre berge.

Ce n'est qu'après qu'il s'autorisa une pause. Il était rentré chez lui, il venait de retrouver son territoire. Cette rivière était sa frontière, celle par laquelle il passait, celle qui n'était pas surveillée. Combien de fois avait-il traversé ce ruisseau ? Combien de fois encore allait-il sauter par-dessus ? Autant de fois sûrement qu'il le pourrait, pour retrouver la liberté, car ici, le chemin n'était pas barré par du grillage barbelé. Ses pas se firent moins pressés. Il reprenait son souffle, sa cage thoracique se gonflant amplement avant d'expulser l'air de ses poumons.

Le loup marcha tranquillement entre les arbres jusqu'à ce que ses pattes foulent à nouveau l'herbe fraiche d'une clairière. Mais celle-ci n'avait rien à voir avec celle dans laquelle il s'était arrêté avant. Elle était bien plus grande et en son milieu se dressait une immense bâtisse. C'était bien plus gros qu'une maison ordinaire. On aurait presque dit un château. Le loup n'avait aucune appréhension lorsqu'il posait les yeux sur les vieilles pierres. Ce manoir, c'était comme sa tanière, son foyer. La façade, qui baignait dans l'obscurité, était à l'opposé des grandes portes du Manoir, bien loin des grilles ouvragées qui marquaient l'entrée de la propriété. Par ici, il ne serait vu de personne. Encore à l'abri dans le sous-bois, l'animal observa le mur et ses nombreuses fenêtres, l'une d'elles était entrebâillée et il pouvait voir les rideaux flotter sous le vent matinal. C'était son objectif. Il jeta un coup d'œil sur les côtés pour être sûr qu'il ne serait pas dérangé et quitta la sécurité du bois. Sans un bruit, il s'approcha de la façade. Il était fébrile, il ne fallait pas que quelqu'un le voit ici. Rapidement, il balaya à nouveau les environs et tenta de se rassurer. Non, personne ne l'observait, c'était ridicule. Un peu rassuré, il respira un grand coup et quitta sa douce fourrure blanche. En une fraction de seconde, le loup avait disparu pour laisser la place à un jeune homme parfaitement nu.

Versipellis - L'héritier de la MeuteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant