Il avait faim.
Cette sensation prenait le pas sur tout son être. Toutes ses décisions étaient régies par ce simple mot qui, comme une obsession, ne cessait d'apparaître dans sa tête : la faim. C'était comme s'il n'y avait plus que ça, que son cerveau avait perdu sa capacité de réflexion et était contrôlé par son estomac ou plutôt par l'immense gouffre qu'il s'imaginait avoir à la place de son ventre. Il croyait devenir fou. Ne l'était-il pas déjà devenu ? Tel un maniaque, il regardait vivement de tous les côtés à la recherche de quelque chose qui pourrait le sustenter.Il était désorienté. Mais cela n'avait pas autant d'importance que la faim. Il se croyait perdu dans ces rues, dans cette nuit de plomb. Pourtant, une partie profondément enfouie de son cerveau, son subconscient ou ce qu'il en restait, lui disait qu'il avait déjà un jour rôdé entre ces bâtiments, qu'il avait déjà observé les recoins sombres avec la seule lumière des lampadaires diffusant une lueur parfois blanche, parfois orangé ; une lueur dont il n'avait plus besoin aujourd'hui. Son esprit lui transmettait de telles informations mais il ne les comprenait plus. Il savait avoir déjà été ici mais quand ? Pourquoi ? Dans quelles circonstances ?
Cela n'avait plus d'importance. Il n'arrivait plus à réfléchir. Sa conscience se limitait chaque seconde un peu plus, se restreignant autour de l'unique mot, le seul qui ait de l'importance, celui qui restera à la fin quand tout aura disparu. Il devait manger. Il mangerait n'importe quoi.
Il haletait mais il n'aurait su dire si c'était à cause de la faim atroce qui lui tiraillait le ventre et le pousser à agir comme le loup qui sort du bois ou bien si c'était à cause du froid, de la course qu'il avait entamé voilà bien des minutes à travers cette ville familière mais inconnue. Non, il n'avait pas froid. Il ne pouvait pas avoir froid, pas qu'il ne pouvait ressentir un manque d'oxygène après un laps de temps si court. Tout ça lui était étranger, lui disait une voix ténue dans sa tête, mais cela lui venait naturellement comme s'il avait toujours su ces choses-là.
Depuis quand savait-il donc ça ? Dans sa conscience réduite, il avait tenté de trouver une réponse. Mais la faim lui amoindrissait l'esprit, prenait une place de plus en plus importante. Il ne savait pas, ne savait qu'une chose : il était là parce qu'il devait manger. Car c'était la seule chose qui comptait.Les rues étaient désertes, il les parcourait sans réfléchir, se laissant guider par une sorte d'instinct qui, par moment, lui disait d'aller à droite, à d'autres de prendre à gauche. La voix dans sa tête disparaissait à chaque carrefour qu'il prenait. Puis elle n'osa plus rien lui dire, cessa de se battre. La Faim le guidait à présent.
Un bruit déchira le silence pesant de la nuit. Il s'arrêta pour écouter. Il aurait pu déduire qu'il s'agissait d'un chien qui aboyait mais la Faim lui disait que c'était proche, que c'était bon. Il accéléra le pas, ses pas frénétiques s'ajoutant à la cacophonie de l'animal. Puis il y eut une voix humaine, comme celle qu'il y avait e dans sa tête. Elle intimait à la bête, dans un chuchotement stressé, qu'elle devait se taire. "Elle allait finir par réveiller les habitants" entendit-il sans le comprendre.
Il les vit lorsqu'il tourna à un coin de rue. Une jeune femme et son chien hurleur à l'autre bout de la ruelle, éclairés par intermittence par les lampadaires. Il voyait mieux qu'eux. Ils ne l'avaient pas remarqué.Lui si.
Et il avait faim.
***
L'air frais de la nuit emplissait ses poumons et la faisait légèrement frissonner. Elle n'avait pas froid et ne se plaignait pas de la température. Au contraire, elle préférait cela. Ça la maintenait éveillée. Quoi qu'avec la journée qu'elle venait de passer, il lui aurait été difficile de trouver le sommeil d'elle-même. Il s'était passé bien trop de choses pour qu'elle puisse les oublier d'un simple claquement de doigt. Déjà lorsqu'elle était revenue de l'université, Marianne n'avait cessé de ressasser les mots d'Arsène, cette phrase qui lui indiquait qu'elle n'était en rien responsable de ce qu'il venait de se passer mais qui, malgré le ton, lui faisait comprendre que c'était pourtant le cas. Du moins elle se l'imaginait et n'arrêtait pas de se le reprocher.
Qui avait-il de si important ou de si étrange pour qu'Arsène réagisse ainsi, pour que cette folle de Victoria aussi ? Plusieurs fois depuis la rentrée, Victoria et elle s'étaient parlées mais Marianne avait toujours eu et avait encore l'impression que c'était à couteaux tirés. La première qu'elle avait rencontré Arsène, elle avait cru que Vicka était sa petite amie et maintenant elle se disait qu'elle avait eu raison. Mais pourquoi donc un garçon irait cacher sa relation avec une autre qui était dans le même établissement que lui ? Outre le fait que cela ne ressemblait pas du tout à l'image qu'elle se faisait de son ami, Marianne se disait que c'était totalement absurde.
Et pourtant elle n'arrivait pas à se sortir cette idée de la tête. Quelle idiote était-elle ! Comment avait-elle pu croire autre chose que ce qui sautait aux yeux ? Il faut se fier à sa première impression, disait-on. Aujourd'hui, elle ne savait pas pourquoi elle n'avait pas écouté ce précepte.
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Versipellis - L'héritier de la Meute
LobisomemArsène est l'héritier de l'un des sept Clans qui règnent sur la société des Loups garous. Oui mais voilà, il ne s'intéresse pas à la politique du Clan et ne souhaite pour rien au monde succéder à son grand-père. Pour remédier à cela, son Alpha d...