Meine henker

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Tu erres seul dans les rues sombres. Les lampadaires brillaient faiblement, ce soir. Il ne devrait pas tarder à pleuvoir. Tu sens le ciel lourd et bas. Tu sais qu'il faut te dépêcher pour éviter de ne te retrouver tremper. Pourtant, tu ne presses pas le pas. Tu continues à consumer ta cigarette, celle que tu tiens du bout de tes doigts froids. Tu n'as pas envie de rentrer chez toi. Tu sais qu'il ne t'attend pas mais qu'il s'occupera de ton cas sitôt la porte passée. Tu frissonnes. Tu n'as pas nécessairement besoin de chaleur, tu repenses seulement à ce que ta vie est devenue. Tu es parti de chez toi pensant qu'il serait préférable de quitter cet environnement qui te faisait mourir à petit feu. Et tu as finalement trouvé pire. Tu pensais qu'il t'aimait. Tu le pensais sincèrement. Tu voulais y croire en tout cas. Et même aujourd'hui, tu te résous pas à partir, à laisser derrière toi cette vie de misère. Tu restes, tu encaisses les coups et les insultes. Tu le laisses lever la main sur toi quand il a trop bu. Tu acceptes les insultes en pensant qu'elles sont méritées. Tu ne dis rien quand tu as faim et qu'il ne t'a rien laissé. Tu baisses simplement la tête et tu vas te blottir dans un coin, comme un enfant ayant peur du noir.

Tes cheveux tombent devant tes yeux et tu écrases le mégot de ta cigarette sous la semelle de ta chaussure. Tu t'arrêtes pour consulter l'heure. 03 : 25. Il se fait tard, ou tôt, selon le point de vue duquel on se place. Et lorsque tu relèves la tête, tu les vois. Tu sais dans quel quartier tu te trouves. Tu penses cependant que ces gens ne peuvent pas te faire pire que ce que tu subis déjà. Alors tu passes, simplement. Tu continues ta route. Tu les entends t'appeler. Tu sens leur main se poser sur tes bras, sur tes hanches. Tu fermes les yeux en refoulant les larmes qui veulent sortir. Ce n'est pas le moment. Une boule se forme dans ta gorge. Tu as envie de fuir en courant mais tu ne peux pas. Tu sais à ce moment là que ta soirée va mal se finir. Comme toujours. Tu sens la forte poigne de l'homme qui t'a immobilisé contre le mur. Tu respires l'odeur alcoolisée qu'il dégage. Tu as envie de vomir. Tu n'as pas peur, tu as simplement envie de disparaître. De mourir. Qu'on te laisse enfin la paix.

Finalement, ta ceinture tombe à terre, bien vite rattrapée par le jean trop serré que tu portes. Tu essaies de les repousser de ta maigre force mais ils en rient. Tu pleures et tu t'agrippes comme tu le peux. Tu n'as aucune chance. Tu laisses ton corps avancer et reculer, allant avec les mouvements de ton bourreau. Tu ne sais pas qui il est, mais tu sais ce qu'il te fait. Tu le sens entrer en toi, et ressortir lorsqu'il le souhaite. Tu es sa proie. Tu cognes contre le mur froid et humide, les bras bloqués sous ta cage thoracique. Tu entends les rires gras de ses acolytes. Vont-ils abuser de toi, à leur tour ? Tu sais bien que oui. Tu ne veux pas te leurrer. Alors tu laisses faire, attendant simplement qu'ils s'en aillent. Qu'ils finissent et qu'ils te laissent tel un cadavre qu'ils auraient trouvé sur leur route. Tu sais que c'est ainsi que cela va se finir.

Tu n'as aucune force. Aucun moyen de te défendre. L'homme que tu aimes, celui en qui tu as placé tous tes espoirs, ne viendra pas te secourir. Il est pire qu'eux. Tu sais cependant que ton estomac remonte petit à petit dans ta gorge. Tu vas te défaire de ton maigre repas. Et lorsque cela arrive, ils se moquent de toi d'avantage encore. Tu n'es qu'un jouet entre leurs mains. Et finalement, l'un d'eux te pousse au sol. Tu n'as pas l'équilibre nécessaire pour résister. Tu frappes contre le béton, t'ouvrant sans doute le coude. Tu sais déjà que tu saignes de la lèvre inférieure. De l'arcade aussi, puisqu'ils se sont amusés avec ton piercing. Et tu ne veux même pas penser au reste de ton corps, complètement meurtri.

Lorsqu'ils s'en vont, tu attends, tu essaies de calmer ta respiration. Tu ne vois plus rien, ton maquillage a coulé et te brûle les yeux. Il t'avait pourtant dit que tu allais finir par te faire agresser avec autant de khôl. Mais tu ne l'as pas écouté. Tu as voulu prendre tes propres décisions. Et aujourd'hui tu en paies les conséquences. Tu as perdu la notion du temps. Enfin, quand tu arrives à te lever, tu te rhabilles, et tu quittes cet endroit que tu ne verras plus jamais comme avant. Il ne sera ni plus ni moins que la rue de ton viol. Tu te dépêches d'avancer vers l'immeuble dans lequel tu vis. Depuis le trottoir sur lequel tu boitilles, tu vois que les lumières sont encore allumées.

Et alors que tu franchis la porte de l'appartement, tu entends des cris qui te glacent le sang. Ce sont eux, tu le sais, et tu trembles sans pouvoir t'arrêter. Tu restes sur le seuil, et tu perçois rapidement ton nom dans la conversation. A moins que l'on ne t'appelle. Toi, tu es immobile, paralysé. C'est alors qu'il se pointe devant toi. Il a les sourcils froncés, jusqu'à ce qu'il voit ton état. Il s'approche et tu t'effondres dans ses bras. Tu sais ce qu'il va te dire. « Personne d'autre que moi n'a le droit de te toucher. » Et que va t-il faire lorsqu'il va s'apercevoir que ce sont ses propres amis qui t'ont mis dans cet état.

Il te traine jusqu'à la salle de bain, mais vous êtes obligés de passer par le salon. Et il comprend, rien qu'à la façon coupable qu'ils ont de te regarder. Tu sais que demain, tu vas devoir nettoyer le sang qu'il aura laissé couler. Tu le vois distribuer les coups de poing comme il peut le faire sur toi quand son sang est rempli de vin. Et alors qu'il veut te soulever à nouveau pour te mener à la douche, tu hurles. Tu as mal aux côtes. Tu as mal partout. Mais lui s'en fiche. Il ne connaît pas la délicatesse. Il te mène sous l'eau chaude qui te brûle la peau. Tu ne dis rien. Tu le laisses faire, alors que tu sombres peu à peu dans l'inconscience, le seul état qui puisse soulager ton corps et ton esprit. 

Recueil d'One-ShotOù les histoires vivent. Découvrez maintenant