Les restes de l'orage

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La pluie n'avait pas encore cessé mais la dispute était terminée. Les restes de l'orage à l'intérieur de l'appartement résonnaient avec force. Les assiettes brisées, tout comme les vases et les cadres photos qui ornaient autrefois le buffet, gisaient sur le sol de la salle à manger. Les chaises étaient renversées, les câbles de la télévision et des consoles de jeux, arrachés de la multiprise.

Le grand blond observa la scène d'un œil fatigué, et se leva finalement du canapé en se frottant le visage des deux mains. Ce n'était pas la première fois que sa compagne réagissait de la sorte, et Malfoy se demanda une fois de plus pourquoi il avait épousé une Moldue.

Il avait passé la quarantaine, il était marié depuis quatre ans, et il se posait toujours la question. Lui qui n'avait cessé durant sa scolarité d'insulter ceux qui n'étaient pas pourvus de pouvoirs magiques, voilà qu'il s'était marié avec l'une d'eux. C'était à ne rien y comprendre. Ses parents avaient toujours respecté la tradition du sang pur, et Draco avait commencé par la suivre, lui aussi.

Il s'était marié une première fois avec l'une des sœurs Greengrass, qui lui avait donné un enfant avant de mourir mystérieusement à l'âge de trente-sept ans. L'homme s'était donc retrouvé avec un enfant sur les bras, qu'il avait envoyé à Poudlard à l'âge de onze ans. Puis il avait commencé à fréquenter le monde des Moldus, cherchant de quoi se divertir et se mettre à la page. Draco détestait vieillir, et il se voyait prendre de l'âge un peu plus chaque jour en s'observant dans le miroir.

« Tu fais chier, Elizabeth » grogna t-il en sortant sa baguette magique.

Le nettoyage des dégâts n'était rien pour un sorcier de son calibre, même s'il n'avait eu à utiliser ce genre de sortilège avant de se marier avec la belle Moldue. Leur rencontre s'était faite par hasard au détour d'une librairie. Curieux de savoir ce qui se disait sur les sorciers dans ce monde qui lui était inconnu, le blond s'y était aventuré, et c'était Elizabeth qui l'avait conseillé sur les livres à élire.

N'ayant pas froid aux yeux, elle l'avait invité à prendre un verre, puis ils avaient finalement sympathisé. Une grande première pour Draco qui, même s'il avait mis de côté sa haine non justifié envers les Moldus, n'avait jamais côtoyé ces individus. Il s'était aperçu qu'ils n'étaient pas tant différents des sorciers, et que leur technologie était avancée. Plus de hiboux pour communiquer mais un téléphone, une télévision pour regarder une histoire prendre vie ... Le blond était souvent passé pour un sombre crétin lorsqu'il avouait ne pas savoir se servir de tout ceci.

Draco observa les objets se remettre à leur place, les assiettes se réparer, puis il rangea sa baguette et brancha manuellement la console de jeu et la télévision. Il quitta finalement le salon pour se changer dans sa chambre, et transplana jusqu'à la maison des Potter. Ça aussi, c'était quelque chose qui l'étonnait toujours même après toutes ces années. Harry Potter était devenu une connaissance, puis un ami, après être passé par le stade de grand ennemi durant leurs années au collège.

Lorsqu'il cogna à la porte d'entrée, l'homme qui portait encore des lunettes lui ouvrit, et fut étonné de le trouver devant chez lui.

- Bah alors, qu'est-ce que tu fais là ? Entre, tu vas être trempé, l'invita Harry.

Draco le suivit jusqu'à l'intérieur, déposa son manteau à peine humide sur le portant, puis prit place dans la cuisine.

- J'ai fait du thé, tu en veux ?
- Avec du sucre, s'il te plait.


Le brun le servit et s'assit face à lui, les mains sur sa tasse pour se réchauffer. Même s'il faisait bon dans la maisonnée, Harry se promenait toujours en t-shirt. Alors, avoir passé la tête dehors l'avait rafraichi. Ce dernier était patient, car il ne pressa pas Draco pour connaître la raison de sa visite. Il était rare que ce dernier débarque à l'improviste. A l'ordinaire, il prévenait toujours. Or, ces derniers temps, son couple battait de l'aile et l'ancien Serpentard venait donc souvent se réfugier chez Harry.

- Si tu es venu me parler de Scorpius et Albus, je suis au courant, lâcha malgré tout le brun à lunettes, sachant que la question serait abordée un jour ou l'autre.
- Au courant de quoi ?
- De leur amitié ... plus, plus ...
- Qu'est-ce que c'est que cette histoire encore ?
se choqua Draco.

Le Gryffondor remonta ses lunettes sur l'arrête de son nez, et chercha ses mots. Même s'il avait toujours été un bon orateur, il savait qu'il fallait parfois prendre des pincettes pour annoncer certaines nouvelles.

- Vu ton hostilité pour les Moldus autrefois, je pense que tu es hostile à tout ce qui est différent de ce que tu connais ...
- Crache le morceau, Potter !
lâcha le blond comme au bon vieux temps.
- Bon ... Scorpius et Albus sont plus que des amis ... Ils sont ... ensemble, tu vois ?

Draco resta silencieux, le temps de digérer la nouvelle. Il savait que son ami ne se moquait pas de lui. D'ailleurs, il s'était récemment posé des questions en voyant la proximité entre son fils et celui de Harry.

- Scorpius voulait sortir avec Rose passé un temps, essaya t-il malgré tout.
- Une façade pour ne pas avoir à assumer le regard des autres. C'est déjà compliqué pour lui, avec toutes les rumeurs ...
- Tu as bien réussi, toi.
- Tu ne m'as pas vu les jours difficiles. Il y a des moments où on craque, comme tout le monde. Peu importe qui on est.
- En parlant de craquage
, continua le blond après quelques minutes horriblement silencieuses. Elizabeth a encore tout détruit dans l'appartement. Je crois que je vais finir par m'en aller.

Le Serpentard expliqua à son ami les reproches de sa femme. Entre autre, elle reprochait à Scorpius d'avoir mauvaise influence sur son propre fils, Edward, qui devenait dissipé à l'école, arrogant et plein de sarcasmes.

- C'est l'adolescence ... compléta Harry.

Mais Draco garda le silence. Si Elizabeth venait à apprendre que Scorpius était en couple avec un autre garçon, elle couperait définitivement les ponts. Elle était ouverte sur de nombreux sujets, mais elle en voulait tellement à Scorpius que n'importe quel prétexte était bon pour l'accuser, alors que ce dernier n'était à la maison que les jours de vacances.

En vérité, le blond avait étonnement bien pris l'annonce de l'homosexualité de son fils. Il s'en doutait, fortement, depuis des années et en particulier lorsqu'il regardait les deux garçons faire des messes-basses à table. Il y avait des regards et des signes qui ne trompaient pas. Draco n'était pas un expert en amour, il avait même été plutôt nul dans ce sujet et son premier mariage n'avait pas été arrangé par ce sentiment, mais par l'idée de continuer la lignée.

- Qu'est-ce que ça te fait ?

Harry compris immédiatement l'allusion, et répondit dans la foulée.

- Rien. Je suis content pour lui. Pour eux.
- C'est tout ?
- Qu'est-ce que tu veux qu'il y ait de plus ?


Le Serpentard se renfrogna. Effectivement, il n'y avait rien d'autre à faire que de se réjouir pour les garçons. Ils étaient heureux et c'était là le principal. Ils faisaient des bêtises, et la directrice de l'école leur envoyait régulièrement des lettres d'avertissement sur leur comportement. Mais Draco se souvenait des jumeaux Weasley, et même s'il n'avait jamais voulu l'admettre durant sa scolarité, ils avaient mis du baume au cœur à tous les élèves durant les temps durs. Ils avaient fait rire toute une génération, et s'ils étaient parfois un peu lourds, il avaient toujours su arracher un sourire à une âme en peine. Ils avaient réussi dans la vie ... même si la folie meurtrière et assoiffée d'un homme plein de pouvoir avait eu raison de ce duo, pour n'en laisser qu'un, sans l'autre.

- Tu as raison, conclut-il.
- Où est passé le Draco qui aurait fait un scandale à coup de « mon père en entendra parler » ? se moqua Harry.

En riant, il se décontracta, et continua à discuter avec son ami de son couple qui battait sérieusement de l'aile. Draco s'était réfugié dans les bras de Elizabeth sans l'aimer réellement, et toute sa véritable attention était toujours restée pour son fils. Une situation compliquée. Draco ne pouvait plus subir les foudres de cette femme, qui ne savait même pas qu'il était un sorcier. Elle pensait que Scorpius était en internat, loin d'imaginer le monde plein de magie dans lequel il vivait.

- Je crois que je vais partir.
- Tu vas la quitter ?
- Je n'en peux plus !
clama le Serpentard. La maison est une tempête permanente, et elle critique sans arrêt l'éducation que je donne à mon fils, sans penser que la perte de sa mère puisse l'affecter, ni même que c'est un adolescent. Si elle ne sait pas contrôler le sien, ce n'est pourtant pas ma faute !
- La dernière fois que je t'ai aperçu si à cran, tu as failli prononcer le sortilège interdit face à Dumbledore ....
- Raison de plus pour partir. Je ne veux plus revivre cette période de ma vie.
- On peut t'héberger, le temps que tu trouves quelque chose.


Draco était fâché avec ses parents depuis des années. Leurs rapports étaient inexistants, et il ne pouvait pas se pointer ainsi au manoir. Alors il accepta l'invitation du Gryffondor, le temps de faire le point dans son esprit. Depuis toujours, l'homme avait pris ses décisions sur un coup de tête. Mais celle-ci, il y réfléchissait depuis longtemps déjà. Il ne pouvait pas continuer ainsi.

- Tu verrais l'état de la maison ... J'ai l'impression qu'elle va me lâcher un Obscurus à la figure à tout moment !
- C'est une Moldue, Draco, t'as pas à t'en faire sur ce point. Elle ne refoule rien de magique en elle, ça, c'est certain.


Dans sa poche, son cellulaire se mit à chanter, et il soupira en voyant le nom de Elizabeth s'afficher sur l'écran. Harry lui intima de répondre. La jeune femme criait à l'autre bout lui demandant ce qu'il avait fait d'une des photos qui devait se trouver sur le bahut. Et parce qu'elle ne la trouvait pas, elle commença à tout casser à nouveau. Draco raccrocha.

- Tu vois, c'est toujours comme ça. A force de casser les choses, le sortilège va finir par ne plus fonctionner !

Harry ne sut que répondre, et posa simplement sa main sur l'épaule de son ami pour lui exprimer son soutien.

- Ce n'est pas un Obscurus qu'elle cache, c'est un véritable démon. Je ne suis pas certain que tout aille bien, là-dedans, chuchota t-il en montrant sa tête.
- Elle est maniaco-dépressive, avoua Draco.

Il dut expliquer ce terme Moldu à son ami qui, même s'il avait vécu parmi eux, ne connaissait pas tout des termes scientifiques et de leur vision de la médecine. Ils ne soignaient pas comme les sorciers, et les maladies ne portaient pas les mêmes noms.

- Quand l'orage est passé, elle tombe dans un stade amorphe ... et c'est à moi de nettoyer ses dégâts. Elle a des médicaments à prendre pour réguler ça, mais je ne pense pas qu'elle suive vraiment son traitement.
- Tu dois l'emmener à Sainte Mangouste.


Sauf qu'elle était une Moldue, et qu'elle n'était pas ainsi à cause d'un sortilège ou de l'action d'un sorcier. Harry grommela, puis transplana finalement en emmenant Draco. Ils arrivèrent chez ce dernier, où Elizabeth était toujours. Lorsque le blond entra, une assiette vola au dessus de sa tête. Le Gryffondor se tassa derrière le fauteuil de l'entrée, et lança un sort d'immobilisation. Draco l'installa dans la voiture qu'ils avaient achetée, puis il conduisit jusqu'à l'hôpital où elle se rendait pour les contrôles réguliers. Il expliqua ce qu'il se passait chez lui au secrétariat, et deux médecins vinrent la chercher dans le véhicule. Harry ôta l'action de son sortilège, et Elizabeth commença immédiatement à s'agiter, criant que les sorciers existaient. Au vingt-et-unième siècle, ce genre de propos montrait clairement de la démence.

- Tu vas pouvoir ranger ta maison une fois de plus avant de venir, souligna Harry une fois de retour chez son ami.
- Ça paraît si simple, pour toi ...
- J'ai appris à relativiser. Après toutes ces années où Voldemort a voulu me tuer avec ses coups tordus ... Profite que tu sois en vie, profite de ton fils, et c'est tout ce qui compte.
- Tu es beau-père à présent, d'ailleurs.


Draco tressaillit lorsqu'il entendit le nom du Seigneur des Ténèbres. Avec le temps, il n'avait toujours pas oublié la punition dont il avait été le sujet à cause de son propre père. Ses années avaient été les plus éprouvantes pour lui, et il ne souhaitait pas vraiment se les remémorer. Il avait donc tenté un peu d'humour sur la question, oubliant volontairement de citer les liens familiaux qui unissaient les Weasley avec les Malfoy. Après tout, Ginny, avant d'être une Potter, en était une. Et c'était bien la mère de Albus. Mais tout ce qui comptait, c'était que son fils soit heureux. Il n'avait pas besoin de connaitre tous les états d'âme qu'avait connu sa génération, la guerre contre Jedusor, ni même les cauchemars que Draco faisait encore. Pas plus qu'il n'avait besoin d'être embêté avec les pensées d'Elizabeth à son sujet.

- Les restes de l'orage, une fois de plus, marmonna Draco en pensant à tout ce qu'il devait encore faire pour couper les ponts avec la Moldue.

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Un OS mauvais, qui va trop vite, mais pondu sur un coup de tête. Le thème m'inspirait mais je suis partie un peu loin de mon idée de départ. Je suis retombée dans certains travers ... J'imagine que je le retravaillais quand j'aurais un peu de temps, mais au moins, il est là, dans son premier jet. J'ai hâte d'avoir vos impressions, pour que vous me guidiez sur ce qui est à reprendre en priorité (déjà, honnêtement, pourquoi j'ai rajouté le couple Scorpius-Albus, ça reste un mystère pour moi, car ça n'a aucun rapport quoi ... En plus je n'en reparle pas vraiment, donc je devrais peut-être ajouter des trucs, en enlever ... bref je sais pas trop mdrrr).

Texte publié dans le cadre du CC 2017: http://25worter.skyrock.com/3302396710-TEXTE-N-06-de-l-or-dans-la-nuit.html 

Recueil d'One-ShotOù les histoires vivent. Découvrez maintenant