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Le douze septembre de chaque année, mes parents fêtent le jour de ma naissance mais aussi celui de ma mort. Personne n'aurait pu prévoir ce qui allait se passer. Après tout, tout avait toujours bien fonctionné jusque là, et les techniciens avaient certainement vérifié chaque boulon de la roue pendant la nuit avant que le parc n'ouvre.
C'était une fête foraine comme on en avait beaucoup durant l'année. Des attractions, des stands de tir et de barbapapa, l'euphorie, les cris et l'odeur de frites, voilà ce qui nous rendait toujours si heureux lorsque l'on sortait de la voiture. Depuis toute petite, c'était la tradition, nous nous rendions dans ce parc permanent qui était ouvert jusqu'à la fin du mois de septembre le jour de mon anniversaire. Si j'avais classe, je n'y allais pas. Ce jour était réservé. C'était mon jour.
Le soleil commençait à se coucher, et nous avions passé une fabuleuse journée. J'avais fait trois tours de la rivière canadienne et de nombreuses montagnes russes pour sécher mes vêtements. Mon frère m'avait emmené dans le château hanté qui changeait chaque année et qui m'effrayait à chaque fois. Peu importait l'âge, j'étais morte de peur en y entrant, à tel point que je rongeais tous les ongles que j'avais laissé pousser jusque là. J'en ressortais le cœur battant si fort qu'il m'en donnait mal à la poitrine, puis l'on se partageait généralement une barbapapa géante pour se remettre de nos émotions.
Habituellement, nous terminions la journée par un tour de la grande roue pour observer la ville depuis le ciel, le coucher de soleil sur la mer, et se remettre doucement de nos émotions. Après quoi, nous allions dans le petit casino accessible à tous, pour mettre des jetons dans la machine et espérer qu'ils en fassent tomber de nombreux pour nous permettre de gagner quelques lots. Mais pas ce jour-là.
Mon frère s'était fait mal à la cheville après l'épreuve ultime de la plateforme qui bougeait et dans laquelle personne n'était attaché, et ma mère l'avait donc mené voir les pompiers en service à l'entrée du parc. Mon père avait le vertige, et s'installa donc sur un muret pour me regarder pendant que je profitais des derniers instants de la journée perchée dans ma cabine de la grande roue.
Normalement, j'aurais dû descendre une fois les quelques tours terminés. Mais ça ne s'était pas passé comme prévu. Ma nacelle n'était pas bien fixée, sans doute à cause de petits plaisantins qui l'avaient fait bouger pendant qu'ils y étaient. Les boulons s'étaient dévissés, et la vitesse fut suffisante pour que la cabine se détache de l'ensemble. Elle tomba sur la seconde, qui se détacha sur le poids, entrainant plusieurs autres dans la chute.
Deux personnes n'en sortirent que blessées, et furent évacuées mais vécurent longtemps. Moi, ainsi que quatre autres personnes, mourûmes dans l'accident. Je fus toutefois la seule à revenir. Je ne quittai jamais le parc même si mon corps fut transporté et enterré.
Tous trouvèrent sans doute le chemin de la paix. Ils vécurent sans doute le jugement dernier, ce qui ne fut pas mon cas. J'étais coincée entre ces deux mondes, et je pouvais donc naviguer librement sur la Terre sous une forme invisible. Mais cette aigreur de ne pouvoir me défaire de cette chaine qui me reliait me transformait petit à petit en un esprit en colère. Je savais où était ma place dans le monde des morts, mais il 'était impossible d'y accéder. Alors c'est ainsi que tout commença.
Le douze septembre de l'année suivante, l'attraction la plus inoffensive fit quatre morts. Un an plus tard, dix-huit personnes perdirent la vie dans le bateau pirate. Et chaque année, j'avais la possibilité de choisir l'attraction qui ferait la une du journal. En six ans, le parc se fit la belle réputation d'être hanté, ce qui n'était que la pure vérité. Mais si cela éloignait un certain nombre d'humains, d'autres aventuriers venaient prendre place parmi la foule. Le parc affichait complet et des heures de queue interminables. Après tout, je n'avais jusqu'alors jamais choisi la même attraction, et je n'opérais pas par cycle. Je pouvais casser le grand huit deux années de suite si cela me chantait. Et c'était d'ailleurs ce que j'allais faire ce douze septembre-ci.
Je hantais le parc, augmentais son chiffre d'affaire, et entrainais dans mon sillage quelques nouvelles âmes. Jusqu'à présent, aucune d'elle ne souhaita rester me tenir compagnie. Toutes partirent pour les royaumes des morts. Alors je continuerai. Jusqu'à ce que je trouve quelqu'un d'autre avec qui m'amuser. Jusqu'à ce qu'un esprit prenne ma place et me délivre. Mais j'ai l'éternité pour ça, et je ne suis pas pressée.
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Recueil d'One-Shot
Short StoryRecueil de tous les OS que j'ai pu écrire, pour des concours ou autre.