De sang et de lumière

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Texte initialement publié dans le cadre du CC 2017 : http://25worter.skyrock.com/3302456858-TEXTE-N-02-de-sang-et-de-lumiere.html

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Transpirant à chaudes gouttes, le garçon avait pourtant terriblement froid. Il était pris de spasmes et délirait complètement tandis qu'il avançait sous la pluie démesurée qui s'abattait sur la ville. Ses longs cheveux noirs gouttaient sur sa veste en similicuir déjà trouée et abîmée. Il avait fait l'effort de l'acheter quelques jours plus tôt, mais la bagarre qui avait éclaté dans le bar avait eu raison de son entretien.

Il n'avait pas faim malgré tous les efforts qu'il faisait pour avaler quelque chose. Et depuis plusieurs semaines maintenant, il régurgitait tout ce qu'il prenait en trop grandes quantités. Alors il devait faire attention, à chaque fois qu'il était l'heure de passer à table, à manger sans précipitation et fractionner ses repas. De la délicatesse qu'il oubliait souvent, car manger était une corvée dont il se passerait bien si son estomac acceptait de se taire.

« Qu'est-ce que tu fous encore là ? »

Le brun releva ses yeux mornes pour les poser sur celui qui avait pris la parole. Harry n'était pas très commode lorsqu'on venait l'embêter au milieu de la nuit, ce que l'androgyne trempé pouvait comprendre. Néanmoins, il lui était impossible d'attendre le matin.

« J'ai besoin d'une dose ... »

Sa voix trahissait son manque, mais ce n'était pas cela qui allait attendrir le dealer. Ce dernier leva les yeux au ciel, soupira bruyamment sans chercher à s'en cacher, et se poussa finalement de l'entrée pour laisser passer le garçon à peine adulte.

Il frissonnait, claquait des dents, et resta prostré dans le hall étrangement calme. Harry était visiblement seul ce soir. Pas de fête jusqu'au petit matin, pas de musique à vous en crever les tympans, pas de vicelards qui vous observent avec envie.

« Bill ! Enlève tes vêtements, je ne veux pas que tu pourrisses toute la maison. »

L'androgyne sursauta, observa Harry d'un air méfiant, puis ôta finalement sa veste et son pantalon. Alors qu'il allait simplement les laisser en boule dans l'entrée, Harry le poussa pour les récupérer, et les étendit sur le chauffage. Il l'attrapa ensuite par l'avant-bras et le traina à l'étage.

Si le dénommé Bill s'était senti rassuré au rez-de-chaussée, son cœur rata un battement lorsqu'il croisa deux femmes aux courbes généreuses devant la chambre ouverte de son hôte. Il détourna les yeux sous leurs rires et tenta de suivre le rythme. Harry n'était clairement pas délicat, appuyant sur ses veines tout en le forçant à marcher plus vite. Le dealer le jeta presque dans la pièce où ils s'arrêtèrent avant de fermer la porte dans son dos.

« T'as de quoi payer, cette fois ? »

« On peut pas s'arranger ? »

Une fois de plus, Harry souffla fortement et passa sa main dans ses cheveux. C'était toujours la même histoire. Bill n'avait plus de respect pour sa propre personne et acceptait n'importe quelle tâche ingrate si ça lui évitait de sortir les quelques pièces qui lui restaient pour se nourrir.

« T'as pas payé ton loyer, je suppose ? »

« Il m'a expulsé il y a deux jours » avoua le brun en rougissant.

Il n'aimait pas aborder les sujets qui le concernaient. Reconnaître qu'il avait une vie merdique et qu'il ne faisait que foirer toutes les opportunités qui se présentaient à lui n'avait rien d'agréable. Rien n'était aussi dur que l'introspection. Il posa malgré tout son regard sur Harry, qui l'observait avec cet air neutre qui le caractérisait.

En vérité, on avait toujours l'impression qu'il était en colère, parce que Bill ne l'avait jamais vu sourire. Ses sourcils foncés étaient continuellement froncés, et le sérieux dont il faisait preuve l'intimidait toujours. Alors, être mis à nu de la sorte le rendait totalement nerveux.

« T'as dormi où ? »

« Je sais pas, sans doute dans un parc. »

« Tu ne te rappelles pas où tu t'es endormi ? Putain Bill tu me fatigues. »

« C'est pas ton problème, que je sache »

Harry s'approcha de lui avec un calme surprenant, l'obligeant à reculer jusqu'à ce qu'il se retrouve collé contre le mur. L'androgyne baissa les yeux, tâchant de se faire tout petit.

« Ça me concerne dans le sens où je m'occupe et couche avec toi, abruti. Tu sais ce que tu peux choper dans la rue ? Va à la douche de suite, on reparlera plus tard. »

« Et ma dose ? »

Le dealer le regarda avec insistance, et Bill comprit qu'il ne l'aurait pas de suite. Il avait un mal de tête affreux, tout son corps semblait endolori et ses tremblements ne cessaient pas. Malgré tout, il capitula et entra dans la salle de bain attenante à la chambre où ils se trouvaient, Harry sur ses talons.

Avec le temps, sa pudeur s'était envolée. Cela ne lui posait plus de problème de se retrouver nu face au châtain. Il entra dans la baignoire et fit couler l'eau chaude sur son corps, jusqu'à ce que sa peau présente des plaques rouges. Il se lava en prenant le temps nécessaire pour cela - Bill n'était jamais très rapide sous la douche – et s'enroula dans la serviette que Harry lui tendait.

Sous ses airs de mauvais bougre, le dealer prenait soin de l'androgyne. Il s'occupait de lui parce qu'il connaissait son histoire, il se souvenait parfaitement de sa descente aux enfers. Et si Bill n'était pas agréable avec lui, il savait qu'il le méritait totalement, parce qu'il n'avait jamais levé le petit doigt pour l'aider à remonter la pente avant qu'il ne soit trop tard.

« Je peux avoir ma dose ? »

Les yeux vitreux, le teint pâle et cette sensation d'avoir toujours froid ... Le manque était terrible et Harry savait parfaitement qu'il tenait Bill de cette façon. C'était lui qui le fournissait, et il pouvait le faire chanter par ce biais.

« Ce serait bien que tu finisses par décrocher. Je n'ai pas envie de te foutre sur le trottoir sous prétexte que tu me dois du fric. »

« J'te donne pas assez de plaisir pour que ça compense l'argent ? Je prends pas assez cher avec tes coups et tes pratiques chelou ? »

« Ta consommation augmente, Bill. On ne va pas baiser à chaque fois que tu prends une dose. C'est limite si c'est pas du viol dans ces conditions, parce que tu ne peux pas être clair sur ton consentement. »

« Tu sais que je suis consentant, sinon je ne serais pas là » répliqua le brun, las et impatient de se piquer.

« Tu viens parce que tu peux pas te passer de la drogue. Ne cherche pas à me la faire à l'envers. »

Bill leva finalement les yeux au ciel. Il avait toujours détesté Harry, même avant que tout ne s'écroule autour de lui. Son dealer avait donc des raisons de remettre son consentement en doute, parce que cela relevait d'avantage de la prostitution qu'une réelle envie. De toute façon, l'androgyne n'avait jamais été porté sur le sexe. Il s'en servait comme d'une monnaie d'échange parce que c'était tout ce qu'il pouvait offrir. Il savait qu'il plaisait, que l'air innocent et adolescent qu'il affichait parfois faisait ressortir les désirs monstrueux des hommes.

Il n'avait jamais vendu son corps en tant que tel, il s'en était toujours servi pour marchander et garder son argent. Beaucoup cédaient à cette alternative bien tentante, et Bill avait donc continué, jusqu'à atterrir sur un chemin où il lui était impossible de faire machine arrière.

« Je peux rien te donner d'autre, de toute façon. Alors fous moi sur le trottoir, j'en ai rien à foutre. »

« Tu vas redescendre de tes grands chevaux, déjà, et tu vas baisser d'un ton. Je t'accueille sous mon toit, je te fournis gratuitement, alors un peu de gratitude ne te ferait pas de mal. »

« Tu serais pas obligé de faire tout ça si t'avais pas merdé dans le passé. Tu veux qu'on reparle de la raison qui t'a poussé à me prendre à ta charge ? Tu te rappelles ce que tu lui as promis alors qu'il venait de se prendre une balle pour ton compte ? C'est toi qui l'as foutu dans cette merde, et c'est encore toi qui fait que j'en suis là aujourd'hui. Alors viens pas te plaindre maintenant. »

Autant de possible, il avait poussé sur sa voix faiblarde. Il avait craché toute la haine qu'il ressentait, et se rendait compte à présent, alors qu'il est coincé entrer Harry et le mur, une main puissante autour de son cou, qu'il avait peut-être été trop loin.

Il baissa les yeux avant de fermer les paupières, implorant silencieusement son dealer de le laisser respirer librement. Mais ce dernier s'était rapproché un peu plus, leurs corps se touchant. Bill était mal à l'aise, et Harry jouait là-dessus.

« On peut en parler, si tu veux. Je n'ai pas eu besoin de toutes ces merdes pour faire mon deuil. Il a choisi lui-même d'entrer dans le réseau. Il savait que c'était dangereux, mais je ne pouvais pas le protéger indéfiniment. Il était majeur quand il a fait son choix, et il n'écoutait rien de mes avertissements. Il a joué, il a perdu, c'est comme ça. »

« T'as rien fait pour l'aider. Tu l'enfonçais encore plus ! Tu savais que l'autre avait un flingue, et t'as même pas prévenu Tom qu'il devait faire gaffe. Tu l'as laissé se jeter dans la gueule du loup en sachant que ça finirait en bain de sang. Et le pire, c'est que tu l'as même pas vengé. T'as sali sa mémoire en laissant ses enflures s'en sortir indemnes. Et si tu penses que la façon dont tu me traites, c'est respecter ta promesse, putain c'est toi qui planes plus que moi. »

Harry resserra sa prise, à présent énervé. C'était un sujet fâcheux et Bill l'avait encore remis sur le tapis. Le manque le faisait disjoncter. Il parlait de tout ce qui le rendait sensible et manipulable, il ouvrait son cœur pour en montrer les ruines. Harry était responsable de la mort de son frère. Il l'avait fait entrer dans le trafic, il l'avait aidé à grimper les échelons et avait sous-estimé les risques des bandes adversaires.

Il l'avait poussé à se montrer moins sentimental, l'obligeant à utiliser Bill comme monnaie d'échange. Tom était devenu presque insensible après les nombreuses fois où il avait regardé Harry violer le garçon dont il était amoureux. Il n'avait pas été capable de le protéger, et le châtain se doutait que ça pesait sur sa conscience. C'était pour cette raison qu'il s'était rendu à découvert à cet ultime règlement de compte. Parce qu'il préférait mourir que profaner son petit ami une fois de plus.

« Justement, je vais l'honorer, ta foutue promesse. »

Si Bill était en pleurs au souvenir de cet amant disparu, Harry était enivré de rancœur. Ils avaient tous les deux perdus quelqu'un, même si leurs relations étaient différentes. Ils avaient tous commis des erreurs, ils portaient tous quelque chose sur la conscience. Mais certains le vivaient mieux que d'autres.

Le châtain le poussa jusque dans la chambre et lui arracha la serviette qu'il avait attachée autour de sa taille. L'androgyne pleurait à chaudes larmes à présent, le suppliant de le laisser tranquille.

« Tu la veux ta dose, non ? Et tu sais comment elle se paie, d'ailleurs ! Alors maintenant tu fermes ta gueule. J'aurais pu être doux et attentionné. Mais t'es allé trop loin Bill, à croire que tu ne sais pas la boucler et que t'as envie que je te fasse mal. »

Il força le plus jeune à s'allonger sur le lit, et attacha ses poignets ainsi que ses chevilles afin qu'il ne puisse plus bouger de la position dans laquelle il le voulait. A quatre pattes sur le lit, son intimité s'offrant à lui de façon guère intentionnelle. Bill pleurait et Harry leva les yeux au ciel en lui fourrant un bâillon dans la bouche. Sa verge était déjà dressée et puissante, le désir se décuplant alors que ses mains se renfermaient autour du sexe de son protégé.

Harry le touchait malgré ses protestations, et ce n'était pas la première fois. L'androgyne n'avait aucun pouvoir, aucune possibilité de se détacher. Il ne pouvait que subir et attendre qu'on le laisse tranquille. Mais les larmes ne cessaient de couler pour autant.

Oh ça non, il ne bandait pas. Il n'avait pas envie et cela, même avec tout ce que Harry faisait. Ce dernier le masturbait tout en embrassant son cou, humant l'odeur de sa peau et de ses cheveux. Le châtain s'arrêta pour poser l'une de ses mains sur son épaule, l'entre entre ses cuisses. Il écarta ses fesses sans ménagement, n'utilisant pas de lubrifiant pour le pénétrer de ses doigts.

Tout allait si vite. Un, puis deux, puis trois. Lorsqu'il estima que Bill était assez préparé et ouvert pour lui, il s'enfonça dans son intimité chaude et étroite, laissant un cri guttural sortir de sa bouche. Il bougea immédiatement, entama des va-et-vient sans aucune délicatesse. Tout n'était que bestialité. Harry profitait de ce garçon en se moquant ouvertement cette fois-ci de son consentement. Pire, même. Il le pilonna jusqu'à sa délivrance, se retira quelques instants après et partit s'essuyer sans prendre la peine de délivrer le faible androgyne.

« T'es carrément excitant, comme ça. »

Harry se mit à genoux devant lui, tirant sur ses cheveux pour l'obliger à relever la tête. Il détailla son visage un instant, pointant le charme naturel du garçon malgré ses yeux rouges et plein de larmes. Bill se maquillait beaucoup, en général, et il était rare de profiter d'une vue si pure, finalement.

Il scella leurs lèvres malgré les protestations de son cadet et en profita pour le détacher dans le même temps. D'une main, il retenait prisonniers les maigres poignets de Bill, qui se prostra au bord du lit lorsqu'il le lâcha. Harry se mit à rire et ouvrit la petite commode qui constituait l'unique décoration de la chambre. Preuve étant qu'elle n'était pas faite pour donner de l'amour, mais simplement pour soutirer l'élixir de ceux qui n'avaient pas les moyens de payer leurs substances.

Le dealer lui jeta trois seringues sous le nez, ainsi qu'une ceinture, un désinfectant et du coton. Du tiroir suivant, il prit des vêtements et les posa sur le lit.

« Je tiens à ce que les choses soient faites dans les règles. Tu te piques, c'est une chose, mais je ne veux pas de seringues déjà utilisées. Tes veines sont déjà bousillées donc tu piques où tu veux, mais tu utilises ça. »

Bill ne comprenait pas bien pourquoi Harry était si pointilleux sur le sujet et il tarda à répondre, ce qui lui valut de se faire tirer les cheveux, exposer sa gorge et sa faiblesse. Il répondit alors dans un grognement, et attendit que son bourreau soit parti pour filer dans la salle de bain. Il ferma la bouche d'évacuation de la baignoire et laissa couler l'eau.

Il avait mal et se tordit pour marcher et préparer sa marchandise. Il vida la dose des deux autres seringues dans la première, ses yeux le brûlant à force de concentration. Puis il s'allongea dans l'eau chaude, voyant le sang se décoller de sa peau. Harry n'y était pas allé de main morte. Il prit quelques instants pour savourer les bienfaits de son bain, puis observa ses bras à la recherche d'un endroit où piquer. Dans tous las cas, il n'aurait mal qu'un tiers de seconde avant de se sentir partir.

Alors il tendit le bras et enfonça l'aiguille dans sa peau. Il tira la grimace, appuya sur le piston et laissa la drogue se diffuser immédiatement dans son corps. Il enleva la seringue pour la jeter au sol, et posa sa tête contre la paroi, les yeux clos.

C'est ainsi que Harry le retrouva, plusieurs heures après. De l'écume noyait encore sa bouche, et ses yeux étaient clairement vides de toute trace de vie. Pas étonnant, avec la dose qu'il avait pris. Etait-ce totalement conscient de la part de Bill, ou avait-il simplement voulu oublier ce énième viol de la part de cet homme sans moral et sans cœur ? Harry effaça toute trace de ce qui avait pu se passer, et fit venir ses hommes pour nettoyer la scène. Comme si Bill n'était qu'un parfait inconnu.

Il les regarda emporter le corps, puis s'enferma dans son bureau et sortit de l'un des tiroirs fermés à clé un petit carnet empli de noms. Plusieurs étaient barrés, et bientôt, Bill rejoignit cette liste sur laquelle il était noté aux côtés de celui à qui il avait donné son cœur. 

Recueil d'One-ShotOù les histoires vivent. Découvrez maintenant