Il allait être en retard à son rendez-vous si le taxi ne se dépêchait pas plus. Agacé, Adonis observait sa montre en espérant que cette dernière allait ralentir la cadence. Il tapait du pied contre le plancher usé de la vieille Mercedes, et soupira fortement lorsque le chauffeur s'arrêta pour laisser passer un couple d'adolescents.
« Excusez-moi, mais je suis pressé. Si vous pouviez vous dépêcher ... »
Un simple coup d'œil dans le rétroviseur interne lui fit comprendre qu'il faudrait plus qu'une simple demande polie pour arriver à l'heure. Il montra alors à l'homme barbu un billet froissé, et ce dernier repartit avec un air entendu, passant rapidement de la première à la quatrième vitesse. En dix minutes, Adonis fut sur les lieux de son entretien. Il paya la somme affichée et ajouta cinq dollars au compte avant de filer sans se retourner jusque dans le building où il était attendu.
« J'ai rendez-vous avec monsieur Russell, au nom de Byrd. Adonis Byrd. »
La belle employée lui donna un badge ainsi que quelques instructions pour se rendre au quatrième étage. Il emprunta l'ascenseur des employés, sans étonnement de savoir que le patron des lieux n'utilisait pas le même. Un nouveau comptoir avec une secrétaire lui fit face lorsqu'il sortit de la cage métallique. Adonis lui tendit son badge tout en recoiffant quelques mèches rebelles. Elle scanna la carte de plastique avant de la lui rendre tout en le priant de bien vouloir patienter sur l'un des sièges du hall.
Marcus Russell ne faisait pas les choses à moitié. Canapés en cuir et œuvres d'art de grands maîtres, sa fortune s'affichait jusque dans les moindres détails. Ce n'était guère étonnant, en un sens. Marcus avait tant d'argent qu'il ne savait plus quoi en faire, et même lorsqu'il en donnait à des associations, la même somme était de retour sur ses comptes quelques heures plus tard.
Adonis triturait les petites peaux autour de ses ongles. Il détestait quand tout n'était pas impeccable dans l'image qu'il renvoyait, et s'acharna donc à les enlever. Puis il lissa son costume une fois de plus, et relut le message qu'il avait reçu un peu plus tôt dans la journée.
« Rejoins-moi au bureau. »
Le bel homme n'avait pas ressenti la nécessité de poser la question du pourquoi. C'était leur premier rendez-vous, et Marcus avait si peu de temps à consacrer à sa vie privée qu'il la mélangeait avec le travail. Inscrit sur un site de rencontre très sélect sous une fausse identité et une photo prise dans la pénombre, il ne révélait qui il était que lorsque la première discussion lui paraissait intéressante. Adonis avait donc été convié à le retrouver sur son lieu de travail.
Une porte en verre s'ouvrit face à lui et une jeune femme les bras chargés de dossiers papier en sortit. Marcus apparut dans l'encadrement, ses cheveux bruns parfaitement ordonnés, sa cravate droite et impeccable.
« Monsieur Byrd. »
Il accueillit Adonis avec un sourire éclatant des plus professionnels, lui serra la main comme s'il s'agissait d'un rendez-vous d'affaire, puis ferma la porte dans son dos. Sans gêne aucune, il le reluqua de la tête au pied, adossé contre le mur et les mains dans les poches de son pantalon aux plis coûteux.
« Tu es encore plus beau que sur les photos. Il y a bien longtemps que j'aurais dû venir assister à l'un de tes défilés » entama Marcus tout en s'approchant d'Adonis. « Enfin... avant en tout cas que tu décides de te consacrer à la vie qu'il y a en coulisse et à la création de ta propre marque. »
L'ancien mannequin lâcha sa mèche de cheveux pour regarder d'un peu plus près le costume que la grand patron avait sur lui, et sourit franchement en constatant qu'il s'agissait d'un des derniers modèles qu'il avait mis sur le marché.
« En tant que supérieur des supérieurs tu ne dois pas réellement savoir ce qu'est recevoir des ordres, je me trompe ? »
« Tout dépend du contexte dans lequel je me trouve. »
Adonis se mit à sourire tout aussi franchement, sachant parfaitement retirer l'allusion dont il était question. Après tout, cela avait été l'une de leurs premières discussions. Malgré tout, il continua ce petit jeu sans entrer dans la petite brèche.
« Il était temps pour moi de décider de mon propre chef le poids que je devais faire et les vêtements que j'allais porter lors des défilés. Et qu'on se le dise, le salaire n'est évidemment pas le même. »
« Les avantages de ne plus avoir personne au dessus de soi » ajouta Marcus. « En tout cas, ce nouveau physique te va comme un gant. »
Le brun s'approcha pour le détailler d'avantage, laissant ses mains glisser sur les fines hanches du mannequin, avant de poser deux doigts sur sa mâchoire sèche.
« Puis-je goûter ces lèvres qui me font envie depuis le premier jour ? » susurra t-il.
« Mais il suffit de prendre sans demander » répondit alors le cadet de ce couple sur le même ton.
Marcus scella alors délicatement leur union, sa langue trouvant sa jumelle au bout de plusieurs secondes. Ils s'embrassaient comme la première fois de chacun, et Marcus allongea son amant sur le bureau, en verre lui aussi, prolongeant ce baiser unique.
Voilà des mois qu'il était inscrit sur ce site de rencontre, et Adonis fut pourtant le seul à satisfaire son envie et sa curiosité. Dès les premières lignes de son profil, jusqu'à la galerie photo développée, Marcus fut envouté. Il fallait qu'Adonis lui appartienne, qu'ils ne fassent qu'un, ensemble.
Le patron de la grande entreprise était exigeant sur tous les points de sa vie, mais il le savait, le mannequin serait à la hauteur de son train de vie et absolument, terriblement, divertissant. Marcus mit fin à leur baiser et se redressa entre les jambes de sa conquête.
« C'est la première fois que je rencontre l'un des hommes de ce site. J'en suis pleinement satisfait, tu sais. »
« Il faut que je prétende croire à ce mensonge ? »
« Aucun n'était assez bien pour moi pour que je lui fasse l'honneur de m'approcher autrement que par une discussion d'écran à écran. Et puis, je n'ai jamais révélé ma véritable identité. »
« Il te suffisait de sortir pour trouver chaussure à ton pied. »
« Je veux l'excellence, Adonis. Et tu remplis tous les critères » expliqua t-il d'une voix sensuelle piquée d'une légère touche de professionnalisme, ce qui rendait la situation bien plus excitante.
Marcus l'embrassa à nouveau puis se détacha de lui et observa la grande avenue en contre-bas. Des paparazzis étaient cachés entre les voitures, et le flot continu d'individus l'empêchait de quitter la tour. Il allait devoir y remédier, quitte à se trahir.
« Et si nous allions chez moi ? »
« Maintenant ? Tu m'as demandé de te rejoindre ici spécifiquement car tu n'as pas le temps de t'accorder une véritable pause. »
« J'ai changé d'avis. Il fallait bien que je me rende compte que tu en valais la peine. »
Il replaça correctement les mèches de Adonis, ajusta sa cravate, puis glissa dans la poche de son pantalon deux trousseaux de clés et son téléphone portable.
« Monsieur Byrd m'accompagne aux locaux. Il m'est impossible de donner une tranche horaire du temps dont nous avons besoin pour mettre à jour notre base. Décalez la réunion à la première heure demain matin » prévint-il la secrétaire au comptoir.
Marcus fit appel à l'ascenseur et invita Adonis à le rejoindre. Une fois les portes fermées, il le coinça contre la paroi pour l'embrasser à nouveau, goûter ses lèvres et humer sa terrible odeur de mâle. Ce garçon était tout ce qu'il avait espéré en s'inscrivant sur ce site élitiste.
« Adonis, bon dieu ... »
Ce dernier ne disait rien, profitant des caresses de Marcus avec délectation. Lui aussi avait espéré rencontrer quelqu'un de son niveau, quelqu'un qui formerait des papillons dans son ventre. Il en avait assez de se contenter des mannequins de sa boite, Adonis voulait plus. Les coups d'un soir ne l'amusaient plus, et il avait été clair sur ce point dans son profil. Marcus l'avait été aussi au court de leurs discussions. Tous deux voulaient quelque chose qui demandait un consentement mutuel et un désir réciproque.
Ils quittèrent finalement l'ascenseur puis la haute tour, et le blond longiligne resta interdit en découvrant la grande avenue presque entièrement vide. Son taxi avait peiné à s'arrêter au bon endroit tant les voitures et les passants étaient nombreux. Le ciel était aussi gris que le béton du trottoir sur lequel ils marchaient. Quelques fenêtres étaient éclairées sur les façades des hauts buildings dont la couleur ténébreuse ressemblait fortement à celle de la route. Les lampadaires n'étaient pas allumés, le soleil ayant disparu derrière les nuages le temps qu'Adonis entre et ressorte de la tour.
« Tu habites où ? »
« Tu vois le building qui dépasse des autres ? Celui qui finit par une pointe ? Je vis dans le penthouse. »
Adonis était impressionné. Il avait des goûts de luxe et de l'argent à dépenser, mais il se contentait d'un loft entre deux étages en plein Manhattan. Il ne s'en plaignait pas, il y était très bien et ses voisins étaient devenus des connaissances, puis des amis. Un penthouse avait été son rêve d'enfant, mais il n'était pas prêt à sacrifier ses voitures de luxe et sa fortune placée pour en acquérir un. Mais si Marcus était réellement l'homme qu'il recherchait avec tant d'ardeur, alors il n'avait plus besoin de se poser la question.
« On s'y rend à pied ? » proposa le patron.
« Avec plaisir. »
Leurs doigts se frôlaient tandis qu'ils marchaient, jouant à un jeu de séduction invisible. L'accès leur était dégagé, et les deux hommes n'étaient pas embêtés par les appareils photos qui se pressaient généralement autour d'eux. Ils arrivèrent au pied de la tour en quelques minutes, le frais de la ville les vivifiant d'avantage encore. Une fois de plus, Marcus coinça Adonis contre la paroi de l'ascenseur, se frottant à lui tout en embrassant la peau de sa mâchoire, puis de son cou, ses doigts s'aventurant sous cette chemise impeccablement repassée.
Le penthouse était magnifique. Somptueux ne convenait même pas à la description. Gigantesque, le blanc était allégé par des touches de couleur sur les meubles ou la décoration, et tout était fait avec goût. Les murs vitrés laissaient une vue imprenable sur New York et sa circulation infinie. Etre ici, c'était comme avoir stoppé le temps, observant ceux dont la vie continuait à défiler en contre-bas.
Adonis aperçut la piscine aux reflets orangers du soleil couchant sur la terrasse, le jeu des lumières qui délimitait l'espace, les canapés et l'immense table basse. Tout était assorti et tout contrastait. C'était un travail de maitre.
« C'est magnifique, Marcus. »
Ce dernier ne disait rien, et le conduisit dans les différentes pièces du gigantesque appartement. Ils s'arrêtèrent finalement dans la chambre, avec son lit rond en plein milieu, et ses tons privés et luxueux. Le noir et le doré se mariaient avec magie, les touches de blanc rendaient l'espace personnel et délicat. On s'y sentait en confiance, et Adonis ne tarda pas à laisser Marcus mener la danse.
Ses vêtements quittèrent rapidement son corps, laissant au grand patron le privilège d'y goûter. Le blond glissait ses doigts sur les draps si doux qui enveloppaient son corps, tandis que Marcus se dévoilait à lui. Sa peau était aussi satinée que les draps, ses poils inexistants. Tout ce que Adonis aimait. Il laissa ses mains parcourir ce corps sculpté et happa les lèvres sucrées qui se présentèrent à lui.
Marcus s'enivrait de plaisir et d'envie mais il avait besoin d'un accord au préalable. D'une chose qui changerait tout.
« Veux-tu devenir mien, Adonis ? Veux-tu partager ma vie ? »
Ils avaient discuté pendant des semaines sans jamais se voir. Ils savaient tout l'un de l'autre, il ne subsistait aucun secret ... enfin presque. Marcus avait besoin d'amour pour l'épauler dans son existence, mais il exigeait la perfection de son partenaire. Il n'avait pas droit à l'erreur et c'est pourquoi il s'était acharné sur toutes les précautions.
« Oui, Marcus. Fais moi tien. »
Adonis ferma les yeux, sentant alors Marcus s'enfoncer en lui sans préparation aucune. Il ne vit pas le changement de couleur de ses pupilles, ni les canines qui s'allongèrent. Il ne remarqua pas les veines noires qui saillaient sur la peau de son amant, et ne se concentra pas sur la morsure dans son cou mais d'avantage sur les va-et-vient puissants dont il était l'objet. Il ne sentit rien, et téta au poignet de Marcus sans s'apercevoir qu'il s'abreuvait de ses veines et de son sang. Il ne fit pas la différente entre les tâches d'or sur les draps de celles produites par le sang de Marcus. Après tout, elles étaient de la même couleur. Ce n'est qu'au réveil qu'il remarquerait la différence. Figé dans le temps et dans une beauté éternelle, maitre de pouvoirs incomparables, et amant absolu de celui qui hantait ses rêves depuis les premiers mots échangés.----
Texte publié dans le cadre du CC : http://25worter.skyrock.com/3304384944-TEXTE-N-01-aeternum.html
VOUS LISEZ
Recueil d'One-Shot
Short StoryRecueil de tous les OS que j'ai pu écrire, pour des concours ou autre.