Texte initialement publié dans le cadre du CC 2017: http://25worter.skyrock.com/3304345950-TEXTE-N-03-le-monstre-a-l-interieur.html
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Schizophrénie : Trouble psychotique chronique sévère.
Manifestation : Perte de contact avec la réalité, altération du processus sensoriel, fonctionnement de la pensée.
Patient : Dossier n°19417.
_______Mr ANDERSON Brice. Sexe : M. Age : 27 ans.
_______Hospitalisation sans consentement.
_______Présente un risque élevé pour lui-même et pour autrui.
_______Comorbidité : Dépendance substantive (Héroïne) – Trouble de l'humeur.Entretien avec le Dr MALAGHAN Louis. Retranscription.
Jeudi 26 février 2015 – 15H04.La pièce est vide à l'exception d'un bureau en bois poli et de deux chaises en plastique. Le patient est amené par deux infirmiers et assis, des entraves au pied et les mains menottées dans le dos. Le Dr MALAGHAN entre ensuite, et les infirmiers sortent.
- Bonjour, Brice.
Le patient ne répond pas, se contente d'observer le médecin d'un œil vide. Ce dernier prend des notes, puis sort du dossier quatre photographies qu'il dispose face au patient.
(Note : Les clichés montrent le corps mutilé et sans vie d'une jeune femme, identifiée comme Clara FINT. Admise au centre pour T.O.C. le 04.12.14 – Voir dossier n°21348)
- Est-ce que tu te rappelles de quelque chose ?
Toujours pas de réponse du patient, qui regarde les clichés avec un net dénuement d'intérêt. Il relève la tête et parle alors.
- Vous croyez que c'est moi qui l'ai tué ?
- Je ne crois rien, Brice. Mais la dernière fois, tu m'as parlé de, hm, - MALAGHAN consulte le dossier – Sergei, et tu m'as dit qu'il te demandait de hm, je cite, « débarrasser le monde de cette catin ».
- Et alors, Sergei n'est pas moi. J'ai un traitement assez lourd pour qu'il ne vienne pas m'importuner, je pense.
- Brice, tu sais bien que la médication ne résous pas tout, sinon tu ne serais pas ici. Tu m'as dit avoir conscience de tout ça.
- Ouais, bah je sais quand même ce que je fais.
Une femme en tenue fédérale toque et entre dans la pièce. Elle se présente comme étant la commissaire DEBUSSY Helen. Quelqu'un apporte une chaise, elle s'y installe et prend la parole. Son ton est froid, et le Dr MALAGHAN lui lance un regard d'avertissement. Il lui demande de s'entretenir en privé avec elle, et disparaissent tous les deux de la salle.
Le patient B. ANDERSON reste seul, observant le plafond, puis ses vêtements. Son regard se reporte finalement sur les photos, il secoue la tête, ferme les yeux. Il semble « lutter intérieurement contre quelque chose », comme le décrira plus tard le Dr MALAGHAN.
DEBUSSY et MALAGHAN reviennent. DEBUSSY prend la parole sur un ton plus chaleureux
- Ok Brice, nous avons des vidéos qui montrent que vous étiez bien avec cette jeune femme, Clara FLINT, le soir où, et bien, où nous avons retrouvé son corps.
Le regard du patient semble moins éteint qu'au début de l'entretien. Il se penche en avant, puis se remet parfaitement droit dans les quelques secondes qui suivent. Mr ANDERSON se montre d'avantage agité.
- Et bien sûr, on n'a trouvé que moi à accuser.
- Les preuves sont là.
Le patient se tourne vers DEBUSSY – c'est elle qui a pris la parole - et la gratifie d'un regard plus que sévère. Il s'agite une fois de plus, serre les dents et baisse la tête. « Il lutte ».
- Quand bien même ce serait moi, ça change quoi ? Elle est morte, elle est morte, hein.
MALAGHAN ne répond rien, guère surpris des propos de son patient. DEBUSSY se redresse de son côté et se tourne vers le médecin.
- Et donc ? Où voulez-vous en venir ?
DEBUSSY se tait pour laisser le patient répondre, mais Mr ANDERSON reste dans un profond mutisme. MALAGHAN sort une nouvelle fois. Il nous apprendra à cet instant que le patient n'a pas reçu l'intégralité son traitement le matin précédent l'entretien, sur ordre du Conseil, afin de laisser apparaître « la voix » qui hante Mr ANDERSON.
(Note : le dossier de Mr ANDERSON, n°19417, indique que Sergei est la voix que le patient entend fréquemment, qu'il soit ou non sous médication. Son trouble est classé 8/10 sur l'échelle, et il est donc compliqué de le contenir totalement.
L'on apprend que Sergei est un personnage inventé de toute pièce, s'apparentant malgré tout à une personnalité dédoublée de Mr ANDERSON. Sergei a sa propre identité : homme blanc de nationalité Russe, la trentaine. Chirurgien plasticien.
Mr ANDERSON semble conscient de la présence de ce personnage, et le décrit comme « démoniaque ». Il serait l'auteur de pensées morbides, poussant le patient, Mr ANDERSON, au suicide, ainsi qu'à des tentatives poussées de destruction d'autrui. Le patient a avoué être « terrifié » par cette voix, qui l'insulte, le rabaisse et le pousse à commettre des « choses » qu'il ne veut pas.
Sergei se manifeste instinctivement face aux peurs de Mr ANDERSON : enfermement (claustrophobie – pousse le patient à la mutilation pour échapper aux entraves et à l'espace restreint) – bruits stridents – pénombre – discussion avec autrui (Mr ANDERSON s'agace qu'on se plaigne, qu'on le menace ou qu'on lui fasse des reproches. Son langage devient alors incohérent, il invente parfois des mots et ses phrases sont dénuées de sens. Les idées délirantes prennent le dessus sur son raisonnement.)
Actes de violence grave avérés : attaque à l'arme blanche (x19 totalisées depuis son internement).
Actes divers : cleptomanie, intimidation, comportement dangereux pour lui-même (automutilation, prise de substances, exposition au vide), pyromanie.
Mr ANDERSON se montre aussi très menaçant envers les patients qui ne se montreraient pas coopératifs face à ses envies diverses (cela passe par du racket de nourriture et d'objets, à des demandes explicites de rapport sexuel).)
- Est-ce que Sergei t'as demandé quelque chose ?
Le Dr MALAGHAN essaie de recentrer la conversation en jouant sur les deux personnalités. Il nous explique que le patient peut se trouver dans divers états : Seul et lucide – En compagnie de Sergei, lucide, pouvant entretenant un dialogue interne et fournir des réponses cohérentes – Sergei prend le dessus et perte de la notion de lucidité.
- Brice ?
Le patient s'agite et convulse. Deux infirmiers entrent et resserrent ses liens, faisant passer les chaines dans les anneaux prévus à cet effet sur la table. Mr ANDERSON est immobilisé et son regard est plus sombre que précédemment. Le Dr MALAGHAN expliquera plus tard que la colère et l'humiliation sont des émotions que le patient ne gère pas, malgré les thérapies et les exercices.
Mr ANDERSON montre différentes émotions faciales successives : peur – résolution – colère – peur. Il tente de se défaire des liens, tirant sur ses poignets, criant parfois. Ses phrases perdent tout sens, et la retranscription n'est pas envisageable. L'on remarque cependant quelques termes russes au milieu d'un charabia incompréhensible.
Le Dr MALAGHAN inscrira à la suite du visionnage de cet entretien que le patient Mr ANDERSON répétait une série de plusieurs mots.
- Elle m'a volé mon livre !
Le patient s'écrit tout en continuant à se débattre. Les infirmiers reviennent pour tenter de le calmer, proposent de retirer les chaines mais le Dr MALAGHAN refuse.
- C'est malheureux mais on n'obtiendra rien sans confrontation avec ses peurs. Il n'apparaitra pas.
Il se passe plusieurs minutes avant que Mr ANDERSON ne retente de se défaire des liens. Tout en tirant sur les liens avec ses poignets, mettant à vif sa peau, il mord sa lèvre inférieure jusqu'au sang.
- Il m'a dit qu'il fallait la punir pour ça ! Il fallait qu'elle paie pour son vol, qu'elle me le rende. Il a dit que je devais la tuer si elle ne voulait pas me le donner. Et je l'ai vu ! Je l'ai vu, elle l'avait mis sous son oreiller.
Le Dr MALAGHAN inscrit les circonstances sous le trait « hallucination visuelle et tactile». Mr ANDERSON se trouvait au moment des faits, en compagnie de la patiente Clara FLINT, dans le couloir menant du réfectoire à la salle de repos n°2B.
- Il m'observait, il m'a dit qu'elle mentait, qu'elle ne me le rendrait jamais. Alors ... Alors il fallait l'obliger à me le rendre.
- Comment tu as fait, Brice ? Qu'est-ce que tu devais faire pour l'obliger à te rendre ton livre ?
Le patient se tait, observe le Dr MALAGHAN, et semble prendre conscience de ce qui l'entoure. Il regarde tour à tour le médecin, DEBUSSY, puis les deux infirmiers encore présents. Mr ANDERSON ne répond pas à la question. Le Dr MALAGHAN inscrit que le patient ne s'en souvient tout simplement pas, la crise se déroulant dans une hallucination. Mr KAULIZ devait revoir la scène de son point de vue lorsqu'il a donné les informations.
A présent calme, le patient est relâché et les infirmiers soignent ses plaies avant de l'emmener dans sa chambre. Ils indiqueront dans le rapport qu'ils l'ont douché puis perfusé.L'entretien reprend le Lundi 02 mars 2015 – 10H29.DEBUSSY et MALAGHAN sont assis aux mêmes places. Le patient Mr ANDERSON est emmené, toujours menotté et les pieds liés par une chaine. Ses sourcils sont froncés, et le droit est barré par deux agrafes.
- Que vous est-il arrivé ?
DEBUSSY prend directement la parole à peine le patient est installé en face d'elle. Mr ANDERSON la regarde sombrement.
- Si on me traitait un peu plus comme un humain, ça irait mieux.
- Brice, tu te souviens de Clara ?
MALAGHAN souhaite en finir au plus vite avec cet interrogatoire. Tous savent que Mr ANDERSON est coupable des fait qu'on lui reproche, mais il faut des aveux à la police pour conclure l'enquête. Dans le cas contraire, l'intervention devant un tribunal sera nécessaire, et personne ne semble avoir envie d'en arriver là.
(Note : DEBUSSY a expliqué que l'enquête pouvait être bouclée avec des aveux. La victime, Clara FLINT, n'avait pas de famille et avait choisie elle-même son internement. Il n'est donc pas nécessaire le recours à un tribunal, le juge pouvant prononcer une sentence directement. DEBUSSY ajoute que, aux vues des antécédents de Mr ANDERSON, rien ne changera pour lui : il sera toujours consigné, sans son consentement, en hôpital psychiatrique, et l'événement sera annoté dans son casier judiciaire.)
Le patient observe le Dr MALAGHAN en feignant l'ennui.
- C'est encore pour me parler d'elle que vous m'avez amené ici ? Qu'est-ce que vous voulez bien que je vous dise ?
- Vous avez expliqué qu'un certain Sergei vous avez poussé à aller à sa rencontre.
Visiblement, Mr ANDERSON n'aime pas quand DEBUSSY prend la parole. Il dira en sortant « elle insinue des choses avec sa voix de sorcière, elle est aussi démoniaque que lui. C'est elle qui veut que je sois coupable, mais je n'ai rien fait. C'est une foutue conspiration ! » Le Dr MALAGHAN nous confiera que l'entretien avec DEBUSSY est un choc émotionnel pour le patient, le conduisant à laisser « la voix » prendre le dessus pour échapper à la réalité, de façon totalement inconsciente.
La situation d'un interrogatoire fait partie de celles qui poussent Mr ANDERSON aux hallucinations et aux terreurs qui permettent l'apparition de « Sergei ». Il semblerait que le patient ait rétrogradé dans ses efforts à la suite de ces deux entretiens, poussant le corps médical à augmenter la médication pour rétablir les balances.
- Que s'est-il passé après lui avoir demandé de vous rendre votre livre ?
MALAGHAN demande à DEBUSSY de s'entretenir avec elle à l'extérieur. La discussion mène sur le silence imposé de DEBUSSY, aux profits des interventions du Dr MALAGHAN.
- Brice, tu m'as dit que Sergei te parlait d'avantage depuis quelques jours. Tu peux m'en dire plus ?
- Il n'arrête pas de répéter que c'est ma faute, que je suis un bon à rien. Il me crie dessus sans arrêt.
Mr ANDERSON change de comportement après avoir hésité à parler. Il semble vouloir se faire plus petit sur sa chaise. « Lutte contre ses pensées ». Il ne tarde pas à utiliser des mots incompréhensibles. Son raisonnement perd son sens. Il s'agite soudain, une lueur sombre dans le regard, pointant DEBUSSY du doigt.
Il nous est impossible de consigner la suite de l'entretien. Le dialogue du patient est décousu, mais l'enregistrement a permis d'en décoder les éléments principaux, que le Dr MALAGHAN, avec accord du Comité et sous la surveillance de DEBUSSY, a rédigé et nous a fait parvenir.
« Je sais qu'il était là, qu'il me regardait. C'est lui qui m'a donné le moyen de récupérer mon livre. Mais il m'a menti, car je n'ai toujours pas mon livre. Il me ment toujours et je ne peux rien faire contre ça. Il est là, vous savez. Il est toujours là, il attend dans le noir et je ne peux rien faire contre. Il m'a emmené jusqu'à la cuisine et m'a forcé à prendre un couteau dans les plateaux sales qui n'avaient pas encore été récupérés. Il m'a dicté ce que je devais lui dire, mais elle mentait, elle aussi ! Clara m'a dit qu'elle ne l'avait pas, elle n'avait pas mon livre. Il m'a chuchoté qu'elle mentait et que je devais la pousser à me dire la vérité. Je l'ai d'abord menacé, car je ne voulais pas lui faire du mal. Mais elle niait tout, alors j'ai dû passer à l'étape supérieure. Mais ça n'a servi à rien, parce que je n'ai toujours pas mon livre, et il est là, se moquant de moi. Il répète que je suis nul, pas même pas capable de récupérer ce qu'on me vole. Il me dit que je devrais me pendre pour ma nullité. »
Sentence rendue : Coupable.
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Recueil d'One-Shot
Short StoryRecueil de tous les OS que j'ai pu écrire, pour des concours ou autre.