De Hawaii à Los Angeles [Tome I]

Prologue

Je suis à la fin de mon classeur, encore une fois je retourne au début pour relire chaque feuille, une par une, méticuleusement. Les mots, tous les mots, de ce classeur, je me dois de les connaître, c'est eux qui vont déterminer mon futur. Je me dois de les connaitre par cœur, si je ne veux pas revenir finir ma pauvre vie ici. Cette maison, cette famille, cette île, tout ici, me rappelle de mauvais souvenirs. Vivre ici est de plus en plus dur. Pourtant, tous aimeraient avoir grandi à Hawaii. Moi, je veux fuir le plus vite et le plus loin possible. Mais demain tout change ! A moi, une nouvelle ville, de nouvelles têtes et une nouvelle vie !

***

Je regarde l'heure sur mon téléphone : minuit quinze. Je referme mon classeur de fiches de révisions et part me glisser sous ma couette. De toute façon, je n'enregistre plus rien à cette heure-ci. Avant de sombrer, je règle mon alarme pour neuf heure demain et enfin, je peux partir vers un monde où je suis déjà loin d'ici. 

***  

- Putain ! Dis-je en éteignant mon réveil. 

Est-ce un "putain" de rage de m'être fait couper en plein rêve de ma nouvelle vie, où un "putain" d'excitation d'entamer enfin ma dernière journée ici ? Ce qui est sûr, c'est que mon téléphone affiche neuf heures trois et que je dois me lever. J'enfile mon pantalon de jogging, jeté à la hâte hier soir et sors de ma chambre, donnant directement sur le salon. J'y retrouve ma mère endormie et avachi dans le canapé, encore habillé de la veille. Comme chaque matin, je ramasse la bouteille de bière qu'elle tient encore dans la main et la pose sur la petite table du salon. Puis m'accroupissant à sa hauteur, je pris intérieurement pour que cela ce passe bien ce matin. 

- Maman ... Dis-je doucement pour ne pas la m'être de trop mauvaise humeur. 

Evidemment, c'est bien trop espéré que de ne pas la mettre en rogne. Elle est toujours en rogne. Du moins, depuis que mon père nous a quittées. 

- Hmmm ! Grogna-t-elle. 

Je passais outre, bien trop habituée à son humeur de chien au réveil. 

- Tu devrais aller dans ton lit, tu serais mieux. Continuai-je de ma petite voix. 

Mon calme extérieur ne traduisant aucunement mon état intérieur, j'acceptais sans broncher la claque de ma mère, qui me piqua pendant plusieurs minutes après son passage. 

- Petite conne ! Beugla-t-elle en se levant. Tu n'es qu'une petite salope, va faire le trottoir et fous moi la paix. 

Les insultes continuèrent jusqu'à ce qu'elle ait atteint son lit. Je me relevais encore secoué, mais finalement habitué à cette scène depuis des années. Depuis quatre ans en fait. Depuis qu'un bel après midi ensoleillé de juin, deux officiers de police, dont l'équipier de mon père, sont venus sonner à notre porte, nous annonçant la nouvelle qui changea tout. Ma vie, ma mère, mon quotidien.  A partir de ce jour, la bonne et brillante élèves que j'étais, devient simplement une élève de milieux de classe. La jeune fille discrète, sans problèmes et sans histoires, se mit à sortir en soirée, à boire. La fille d'une mère gentille, pomponné et respectable devint la fille d'une mère alcoolique, brutale et collectionnant les mecs tous plus bizarres les uns que les autres. 

Quand enfin, le calme revint dans la maison, je partis mettre ma mère correctement sous les couvertures de son lit. Heureusement pour moi, l'effet assommant de l'alcool faisant encore effet, elle ne se réveilla pas. Retournant dans le salon, après avoir fermé délicatement la porte de sa chambre, je pue commencer mon petit train-train habituel. Pour une jeune femme de mon âge, en vacances d'été de terminale et habitant à Hawaii, cela se résume souvent à aller à la page, pour moi, c'est ramasser les cadavres de bouteilles descendues la veille par ma mère et son mec d'un soir. Puis faire le ménage, afin d'enlever les taches et l'odeur laissées par l'alcool.