Le grincement de la porte ne cessa malheureusement pas mes sanglots. Les pas se précipitèrent jusqu'à moi et deux mains chaudes m'attrapèrent les épaules d'un air rassurant. Sa voix habituellement douce était paniquée :
- Princesse ? Que vous arrive-t-il ?
- Ne sais-tu donc pas ? répondis-je à travers mes pleurs.
- Non, quoi donc ?
- Mes parents ont décidé de me marier à un roi qui m'est inconnu, lui expliquai-je d'une traite.
Je me levai et je m'assis sur mon confortable lit baldaquin, me séchant les yeux du mieux que je le pouvais. Mon valet s'agenouilla devant moi en me demandant :
- Dans combien de temps aura lieu le mariage ?
- Environ dans cinq mois et demis.
- Je vois, princesse. Quand le rencontrerez-vous ?
- Demain, au déjeuner. Par la suite, Mère m'a mandé de nous promener dans les jardins pour faire connaissance.
- Peut-être l'apprécierez-vous ?
- Cela est impossible, Jellal.
- Qu'en savez-vous ?
- Je doute fort pouvoir aimer un roi. Ils sont bien trop égoïstes.
- Vous devriez faire des efforts pour au moins essayer de vous lier avec.
- Cela est inutile, soupirai-je en sentant de nouvelles larmes couler.
Mon valet se releva et il s'assit à mes côtés pour m'entourer de ses bras, comme s'il m'offrait la plus grande des protections. Sa main chaude me massa doucement le dos pendant qu'il tentait de me calmer :
- Cessez de pleurer, princesse. Vous trouverez un arrangement avec vos parents.
- J'en doute...
- Vous savez, une femme doit bien se marier.
- Je ne veux pas que ce soit avec un inconnu.
- Princesse, nous avons tous été des inconnus avant de faire connaissance pour finalement devenir amis.
- Jellal, remets-toi les idées en place : je suis forcée.
Il resta silencieux, étant sans doute à manque d'arguments. Délicatement, il retira l'un de ses deux gants blancs, et de sa main dénuée, il glissa ses doigts sur la peau de mes pommettes. Tandis qu'il séchait mes larmes, il me déclarait :
- Ne pleurez pas, je vous en prie. Je déteste vous voir dans cet état-là.
- Je le comprends, pardonne-moi, mais je ne peux m'en empêcher.
Prenant mon courage, je me tournai un peu plus vers lui et je glissai ma tête sur son épaule baraquée. Je pouvais y ressentir une chaleur masculine et y respirer une odeur que je qualifierais de végétale. Elle était enivrante, douce, impossible de s'en détacher. Je l'enlaçai maladroitement, posant mes mains sur son dos chaud.
- Princesse Erza...
- Qu'y a-t-il ?
- Nous pourrions être vus...
- La porte n'est pas close ?
- Si, à clef.
- Alors il n'y a aucun problème.
Jellal finit par me laisser faire, et il m'enlaça mieux à son tour. Je continuai de lui parler :
- Je ne souhaite pas me donner à un inconnu.
- Vous êtes arrivée à l'âge d'épouser quelqu'un. Vous avez même eu bien de la chance que ce ne soit pas arrivé avant.
- Je l'entends bien, mais je ne pourrai jamais donner de l'amour et m'unir concrètement à lui.
- Peut-être l'aimerez-vous ?
- Impossible.
- Pour quelle raison ?
- Des sentiments ne peuvent naître.
- Je vous le redemande : pour quelle raison ?
- Oublie cela...
Il hocha la tête docilement avant de faire parcourir sa main dans ma chevelure. Il tira l'une de mes mèches écarlates et il m'assura :
- Le roi sera sans doute émerveillé par vos cheveux.
- Le roi n'est pas toi, Jellal.
- Je le sais bien, mais je sais aussi que votre chevelure est exceptionnelle.
Je souris, pommettes colorées. Je remarquai que je ne pleurais plus ; je lui en fis part :
- Je vais beaucoup mieux grâce à toi, merci de tout cœur.
- Je vous en prie, je ne pourrais jamais vous laisser triste, que je sois votre valet ou autre.
Je m'écartai doucement pour planter mes yeux chocolat dans ses prunelles émeraude. J'avais toujours été fascinée par ses beaux yeux : un vert profond, mystérieux, cerné d'un fin trait noir où se reflétaient des paillettes dorées. Jellal me déclara, me coupant dans mon observation :
- Vous devez être fatiguée, je vais vous laisser.
- Ne pouvons-nous pas discuter ?
- Je ne puis rester trop longtemps ici ; il faut que je retourne chez moi m'occuper de ma mère.
- Elle ne va toujours pas mieux ?
- Malheureusement non, soupira-t-il en baissant la tête.
- N'existe-il pas de remède ?
- Non plus ; il faut attendre que la grippe passe, mais je la trouve bien faible.
- Fais attention à ne pas retomber malade aussi.
- Ne vous inquiétez pas ma douce princesse, je serai prudent.
Rassurée, je lui déclarai en baissant la couverture :
- J'espère que son état va s'améliorer.
- Je l'espère de tout cœur aussi, me répondit-il en se levant.
Je glissai mes fines et longues jambes sous la couette et je lui souhaitai après avoir revu ses cernes :
- Tâche de mieux dormir cette nuit, ne te fatigue pas trop.
- Ne vous inquiétez pas. Et vous, dormez bien aussi.
Il s'agenouilla doucement devant moi et il me prit la main. Je refermai mes phalanges sur sa peau chaude et légèrement dorée tandis qu'il me murmurait :
- Demain je serai là pour vous accompagner, ne vous inquiétez pas.
Je souris, heureuse de cette idée. Il posa alors ses douces lèvres brûlantes sur le dos de ma main, les pressa pour enfin s'écarter, sans me lâcher. Il me déclara :
- Dormez bien.
- Toi aussi.
Après quelques instants d'une profonde contemplation où je pourrais presque jurer qu'il m'avait lancé des regards affectueux, il se leva, remit son gant et repartit silencieusement après avoir éteint la lumière des bougies.
Je me retournai contre mon oreiller si moelleux, priant pour que sa mère aille mieux. Jellal était tombé malade et j'avais voulu m'occuper de lui, mais Père n'avait pas voulu, craignant que j'ai des maux aussi. De plus, ils avaient cru qu'il y avait quelque chose entre nous, ce qui était malheureusement faux. En tout cas, il s'en était bien sorti mais avait rendu sa mère malade : elle s'était occupée de lui pendant tout le long de sa convalescence.
Demain, j'irai sûrement la voir : elle vivait dans les appartements royaux et était chargée d'entretenir les livres de notre bibliothèque. Pourtant, elle n'était pas noble, simplement petite bourgeoise. Jellal m'avait raconté qu'elle avait rusé pour entrer au palais. Mais je n'avais jamais rien su sur le père ; était-il décédé ? Aucune idée.
Je repensai alors à ma journée de demain : je verrai mon futur mari. Je soupirai tristement, me retenant afin de ne pas pleurer. Jellal avait raison : j'avais de la chance de ne pas m'être mariée avant. Vingt-cinq ans était vieux pour cela. Habituellement, la main d'une dame était donnée à un homme vers les quatorze ans. Jellal, lui, avait vingt-sept ans et il avait déjà été courtisé par plusieurs femmes, mais il avait refusé leurs avances à toutes. Je crois qu'il n'a eu qu'une légère relation de côtoiement, mais qu'il avait finalement laissé tomber en la voyant au bras d'un autre, il y a cinq ans de cela ; je ne le connaissais pas encore vraiment. Je l'avais déjà remarqué de loin ; ses sourires, ses yeux, son visage, ses cheveux bleu et épais toujours impeccablement coiffés, son corps, lui. Cela ne faisait qu'un an qu'il était à mon service, et me voilà éprise de lui depuis maintenant sept mois... Arrivera-t-il quelque chose avec lui avant mon mariage ? Je l'espérais...
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De l'Amour à la Cour [Jerza] | TERMINÉE |
FanfictionUne princesse maladroite et couronnée reine sous peu. Son valet aimable et parfois trop courtois. Leurs sourires qu'ils se renvoient furtivement. Les lèvres de la belle qui cherchent à obtenir leur premier baiser en se scellant à celles du serviteur...