Chapitre 3 : Magie

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Je ne sentais plus la main. Quel stupide personnage ! Il rit. Et je trouve ce son insoutenable, insupportable. Je tente de me servir de ma main valide pour abîmer son faciès repoussant et lui porte un coup qu'il pare avec un de ses avant-bras.

-Tu ne lâches pas l'affaire, n'est-ce pas ? me demande-t-il avec un sourire méchant sur le visage.

-On n'a jamais vu Alice abandonner ! Imbécile !

-Et bien, il y a un début à tout ! dit-il en s'adressant aux garçons qui me riaient maintenant au visage.

Il était retourné, ce qui me permis de le frapper dans le dos avec mon pied. Il manqua de tomber, chancelant à cause du coup mais aussi par la surprise d'avoir été déstabilisé.

-Alors "Peter Pan", toujours aussi sûr de toi ? le narguais-je.

-Je vais être clément avec toi, je suis dans un de mes bons jours, tu as de la chance. Tu n'iras pas au cachot pour m'avoir manqué de respect.

-Je n'y serais pas allée, de toute façon.

Il se mit à rire, ainsi que toute l'assemblée autour du feu.

-Quoi ? demandais-je. Il y a un problème ? Pourquoi vous riez ? Personne ne se moque de moi, c'est clair ?

-Tu ne pourras jamais défier Peter Pan, dit un garçon aux cheveux roux.

-Je vais lui montrer, à ce cher Peter Pan de quel bois je me chauffe !

Tout le monde rit à nouveau tandis que je me mis à partir en courant. J'étais encore exténuée par les événements de la journée, ce qui rendait la course difficile surtout lorsque le diable est à vos trousses. Peter Pan apparut devant moi et me sauta dessus, me mettant un couteau sous la gorge. Je tentai de me débattre difficilement.

-Tu bouges encore et je te coupe la tête, c'est clair ? me menaça-t-il.

Je ne réponds pas.

-C'est clair ? hurla-t-il. Moi, et seulement moi, fait la loi ici et c'est pas une pisseuse qui va me dire ce que je dois faire. Retourne au feu de camp.

-Je te demande pardon ? Tu crois que je suis contente d'être ici ? Tu crois que j'ai choisi d'intégrer ton équipe de mioches ? 

-Tu crois que moi, j'ai choisi qu'une insolente comme toi vienne nous troubler ?

Il s'approcha avec des flammes dans ses yeux. Il poursuivit son discours en chuchotant.

-Quand je propose à quelqu'un de me rejoindre il le fait, et c'est comme ça. Si tu veux crever seule dans cette forêt, vas-y.

De ma vie, je n'avais jamais vu une haine, une colère pareille dans des yeux humains. Je tremblais de peur, moi, l'arrogante qui faisait trembler habituellement les autres. Je ne comprenais pas pourquoi Peter Pan voulait absolument que je sois soumise à ses ordres, il n'a pas besoin de moi. Il se leva en me retirant le couteau de sous la gorge. Ma main me faisait toujours autant mal, si bien que je commençais à croire qu'elle était brisée. Je ne pouvais pas me plaindre, le monstre me guettais et je n'ouvris pas la bouche pour me plaindre.

Il commença soudain à rebrousser chemin. Mais arrêta sa course.

-Ta main, demande-t-il sans se retourner, elle te fait encore mal ?

-Oui, je te rappelle que c'est de ta f...

-Donne-moi ta main, me coupa-t-il en se retournant.

-Jamais de la vie !

-Donne-la moi ou je te casse plus que la main.

Je la lui donnai en soupirant. Il la pressa fort, ce qui me fit hurler de douleur et pousser quelques jurons. Il la lâcha et, à ma grande surprise, toute la douleur s'évapora.

-Qu'est-ce que t'as fait ?

-C'est un de mes petits trucs secrets, dit-il en souriant.

-De la magie, hein ?

-Tout à fait. Il n'y a pas ça au Pays des Merveilles ?

-Bien sûr que si mais je maîtrise pas ça. Jefferson, mon ami, s'en sert pour fabriquer des chapeaux splendides mais il ne peut plus m'en confectionner à cause d'Absolem, notre chef, qui lui a retiré son pouvoir. À vrai dire, personne n'adhère à ses principes. 

Il rit mais je ne trouvais pas ça drôle, loin de là. Tous mes amis me manquaient terriblement. Qu'était cette quête dont Absolem avait parlé ? Je n'avais rien à faire ici. Je devrais être autre part, je devrais être avec ceux que j'aime.

-Il a l'air sympathique, ton Absolem.

Je ris de manière ironique et me mis à bailler. J'étais épuisée mais je ne voulais pas dormir. Il fallait que je trouve un moyen de m'échapper de cet endroit. Il continua son chemin et je le suivis, soupirant à chaque fois que je feignais de trébucher par-dessus les branches. Nous arrivâmes au feu de camp qui se trouvait être désert.

-La fête est déjà finie, Peter Pan ? dis-je en me moquant de lui.

Il rit sournoisement.

-Elle ne vient que de commencer, pour toi. Tu n'as rien vu du Pays Imaginaire, pour l'instant.

-Il doit pas être si différent du mien.

-C'est ce que tu vas voir, ma chère. Viens par ici, je vais te montrer ta cabane.

Génial, et moi qui croyait que j'allais séjourner dans un palace digne de son habitante... Je le suivis, tandis qu'il parcourait le camp jusque tout au bout d'un chemin. Il y avait une simple échelle qui menait vers une cabane un peu plus haut dans les arbres.

-Voilà, il y aura tous les vêtements que tu veux dans l'armoire. Il te suffira de penser à quel habit tu veux porter et il sera devant toi. Il y avait ça aussi au pays des Merveilles ? demanda-t-il avec ses sourcils levés et avec un sourire en coin.

-Non. J'ai pas le temps de t'expliquer pourquoi mon pays et mieux que le tien. Je réserve cette discussion à un autre jour. Bonne nuit.

Je montai avec l'échelle sans difficulté et arriva sur une plate-forme en bois sur laquelle reposait la cabane. J'ouvris la porte de la hutte en bois et découvris une chambre simple avec un lit, une armoire, une chaise et une fenêtre. Je me penchais par celle-ci pour voir que la vue était à couper le souffle : j'étais au-dessus de tous les arbres et si je tendais l'oreille je pouvais entendre le va-et-vient des vagues. La canonnée en pleine nuit est un plaisir pour les oreilles : le vent entre les feuilles, les branches et les chants des oiseaux de nuits résonnaient rien que pour moi. Du moins, c'est ce dont j'avais alors l'impression. C'était un apaisement dans cette journée abominable. Il fallait voir le bon côté des choses : c'est beau ici et puis... non, il fallait arrêter de trouver des bons points à cette prison dorée qui paraissait si attirante et belle mais qui était une gigantesque flaque de boue. Elle doit être épongée pour retourner au véritable endroit où je me sentais bien. Et surtout chez moi.

J'entendis soudain un bruit dans mon dos et je me retournai. Un homme était sur une chaise, je ne voyais pas son visage jusqu'à ce qu'il se pencha vers la lumière de la Lune, les doigts croisés.

-Tu m'as manqué, ma jolie.

Jefferson était juste en face de moi, arborant un de ces sourires qui me faisaient tomber.

Alice & PanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant