Alice & Pan

Chapitre 28 : Le Conseil

Blake m'accompagna et montra le chemin jusqu'à une salle verte à travers le grand hall gris qui devait faire pas loin de dix mètres de haut. Les porte étaient ouvertes et elle m'invita à y entrer. Une bonne cinquante de jeunes était déjà assise et me fixait en chuchotant entre eux. Norman était sur une estrade, tout devant. Il demanda le silence avant de m'inviter à le rejoindre. Il commença avec un discours des plus dramatiques

-Si je vous ai réunis aujourd'hui, c'est parce que j'ai l'espoir, enfin, que les choses changent. Fini les morts, les gens dont il ne nous reste que des souvenirs, des sourires. Le sang cessera de couler. Oui, mes amis, aujourd'hui, je suis sûr que nous pourrons vivre libres, débarrassés de ceux qui souhaitent nous exploiter, nous détruire et nous changer en arme sans notre accord, pour intégrer leur armée et leurs rangs. Nous avons avec nous quelqu'un qui fera tout changer. Beaucoup d'entre vous le savent déjà mais nous avons Alice, du Pays des Merveilles de notre côté. Elle a des pouvoirs incroyables qui dépassent toutes nos connaissances.

Toutes les têtes étaient tournées vers moi et me fixaient avec des yeux globuleux. Ces pauvres gens étaient exploités et traqués. Cela me rappela le règne tyrannique d'Absolem dont je possède le cœur. Une seule chose m'échappa de la bouche :

-Je ne suis pas là depuis longtemps mais j'ai constaté l'ampleur de votre situation. J'ai un jour eu un ami qui m'a dit que des mystères et des questions tournaient sans arrêt dans sa tête : Qui nous enchaîne, et surtout, qui détient la clé pour nous libérer ?

Tout le monde me regardait, les yeux grands ouverts et le visage surpris.

-Et bien j'ai la réponse à cette deuxième question, continuai-je, c'est vous. Vous avez les armes. Vous êtes plus forts. Un jour, tout sera fini et je suis certaine que ce jour approche. Je vous aiderai. Je vous aiderai à débarrasser ce monde du chaos qui y règne. 

Ils se regardèrent tous et se mirent à applaudir et à siffler. Norman me souffla à l'oreille :

-Je ne pensais pas que tu parviendrais à dire des choses pareilles, même moi j'en ai la chair de poule.

Je souris timidement avant que je remarque que la foule était en train de crier mon nom en cœur, comme si je les avais déjà sauvés, alors que je n'avais rien fait de spécial à part citer mon vieil ami Félix.

-Vous vous souvenez ? continuais-je. Il y avait pour vous tous un moment dans votre vie où vous vous êtes dit que n'alliez pas survivre, n'est-ce pas ? Et bien, vous avez survécu, et vous pouvez le faire à nouveau. Survivez, encore et encore, jusqu'à ce que vos démons partent, jusqu'à ce que vous soyez enfin libres de tout ça.

Un inconnu se leva et s'adressa à tout le monde :

-Je connais pas cette fille mais il faut que nous l'écoutions, nous gagnerons cette guerre ! Je m'engage, même si cela me coûte ma vie, à me battre encore et encore, jusqu'à obtenir un équilibre !

-Moi aussi, dit Wilson en se levant.

-Et moi donc ! ajouta Blake, la main sur le coeur.

Tout le monde se leva et cria le même message. Un sourire apparût sur mon visage. Norman me sourit et posa une main encourageante sur mon épaule, ce qui me fit rire. Je le pris dans mes bras en riant avant de lui glisser à l'oreille :

-Si je vous aide, je pourrais me débarrasser des ténèbres et retrouver Peter Pan.

Il s'écarta et me regarda avec le regard le plus étonnant que je n'avais jamais vu.

-Attends... t'es en train de me dire que tu... connais Peter Pan ?

Je haussai les épaules. Il rit et mit un terme au brouhaha qui avait envahit la salle verte :

-Mes amis ! Il est temps pour moi de vous laisser vous entretenir avec Alice. Avez-vous des questions ?

Ils levèrent tous leurs mains, petites ou grandes, en un geste collectif ce qui fit halluciner Norman.

-J'imagine que vous avez tous des questions. Je vais faire ça par ordre alphabétique.

Il fouilla dans ses poches pendant plusieurs secondes et en sortit une liste de noms qu'il commença à lire :

-Mia Aposova. 

Une petite fille blonde d'environ onze ans se leva en replaçant délicatement un de ses mèches dorées derrières ses petites oreilles.

-Je me demandais... Est-ce que tes amis c'est vraiment un chapelier et un lapin ?

-Oui, même une souris ! J'ai entendu que ce genre de créatures ne parlent pas, chez vous.

-Merci.

Elle s'assit et Norman passa au nom suivant sur la liste, puis encore au suivant. Les questions futiles se répétaient : "Les roses parlent-elles ?" "Tu manges quoi au ptit déj' ?" "Tu pètes des fleurs ?" (Je vous promets, c'était gênant d'y répondre). La question de Wilson m'interpella plus que les autres :

-Où vont les gens quand ils meurent ? Est-ce que tu sais quelque chose à propos de ça ?

-Je... Un de mes amis est mort. Quand il était mort, je me suis demandée où son âme allait. Je ne sais rien sur ça, désolée.

-C'est moi qui suis désolé. Je ne voulais pas aborder ce point sensible.

Je lui fis un faux sourire et me tourna vers Norman qui continua de citer les noms, en ajoutant une blague nulle quelques fois mais cette question trotta dans ma tête. Où est son âme ? Est-il heureux là où il est ? Ces questions m'effraient.

Norman était arrivé au bout de sa liste et invita tout le monde à sortir. Mon nom pendait à toutes les lèvres. Une larme m'échappa et je me mis à chercher Blake en criant son nom. Un petit garçon haut comme trois pommes m'indiqua qu'elle était à l'endroit où nous avions utilisé nos revolvers auparavant. Je la vis, entraînant à un gamin à tirer.

-Blake !

Elle se tourna et me sourit.

-Je vais te montrer l'endroit où tu vas dormir.

-Max, tu peux aider Rainer à cuisiner pour ce soir ? Deux petites mains en plus lui feront le plus grand bien !

Il acquiesça et partit en courant vers la cuisine. On apprend à des gosses d'à peine plus de dix ans à tuer des gens. 

-Suis-moi !