Chapitre 31 : le Temps

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Les policiers entrèrent et ne firent pas attention à nous.

-C'est bon signe, s'ils ne viennent pas vers nous, me rassura Wilson.

Après avoir pris leur sachet en carton plein de nourriture l'un des policiers en train de rire s'arrêta et posa une main sur le torse de son associé comme pour l'arrêter. Son visage se crispa et il se mit à fouiller dans ses poches et en sortit un de ces boîtiers noirs qui criait des informations. Je n'avais rien compris du charabia qui sortait de l'objet mais les deux policiers se tournèrent vers nous en un bon et coururent dans notre direction.

-Donne-moi la main, Alice ! hurla Wilson.

-Quoi ?

-Vite !

Je fis ce qu'il me dit et il ferma ses yeux. Tout devint silencieux, d'un coup. Le temps sembla s'être figé puisque les policiers étaient coincés dans la position qu'ils adoptaient avant qu'il ne me prenne la main.

-Il faut sortir d'ici ! Ça ne durera pas indéfiniment, alors bouge tes fesses et amène-les en dehors du restaurant !

Je me levai de la chaise et courus en dehors du restaurant et constatai le silence et les voitures qui étaient désormais figées sur place.

-Tu peux arrêter le temps ? C'est dément ! Et c'est carrément cool !

-Au début ça ne l'était pas, raconta-t-il en se frayant un chemin à travers les voitures arrêtées, je le faisais pas quand je le voulais. Et ça me prenait toute mon énergie, ce qui fait que je vomissais toujours après avoir utilisé ce pouvoir. C'est pas très glamour, je sais, mais c'est comme ça. On est tous passé par là. Ce pouvoir est bien utile dans les situations de ce genre mais on ne joue pas avec le temps.

-Pourquoi ça ?

-Le temps est une illusion. Une chose créée par l'humain pour s'imposer des limites, alors qu'on pourrait ne pas en avoir. Tout est basé sur le temps, et l'argent. Sans ces deux choses, imagine dans quel monde idyllique et sans craintes nous serions en train de vivre ?

Je n'avais encore jamais entendu de discours aussi véridique, si bien, que je n'avais pas d'autre réponse qu'un silence peut-être moins insignifiant que des mots.

Nous continuâmes notre chemin et, une fois arrivés de l'autre côté de l'allée de voitures, elles se remirent à fonctionner. Je ne voulais même pas savoir ce qu'il advenait des deux hommes en tenue bleue.

-Ton pouvoir à toi, c'est quoi exactement ?

-Je ne sais pas moi-même. Je peux créer de l'énergie noire et c'est tout ce que je sais.

Je fis une boule de cette énergie dans ma main pour lui montrer ce que je savais faire.

-C'est plus cool que moi, crois-moi.

-Et les évanouissements ? Les douleurs dans la poitrine ?

-Tu apprendras à les faire stopper, comme moi, d'ailleurs.

-Je peux parler à travers les miroirs. Et je ne contrôle en rien ce don. C'est plus frustrant et triste qu'autre chose.

-A qui est-ce que tu as parlé ?

-À Peter Pan.

-Ah oui ? Il existe aussi ? Plus rien ne m'étonne, en fait. 

-Je suis ici pour me débarrasser de ce don et de ces ténèbres pour pouvoir le retrouver.

-Je vois. J'espère que tu le retrouveras.

Nous descendîmes l'escalier de métal sans un mot. Il poussa la porte d'un bruit sourd qui résonna dans tout le bâtiment sombre comme la nuit.

-Bonne nuit, Alice.

Je lui souris et partis vers la chambre que je partageais avec Blake. Je ne voulais toujours pas dormir. Je n'ai plus sommeil, ces derniers temps. Peut-être que je pense trop à ma vie d'avant. Je pris donc la décision d'aller au grand banquet et m'assis sur l'un des bancs. Une voix inconnue atteint mes oreilles :

-Les ténèbres font partie de toi, maintenant. Tes pouvoirs ne te quitteront jamais. Tu ne reverras jamais Peter Pan.

-C'est faux. C'est faux.

Personne n'était là. Une simple voix faisait le tour de moi-même, chuchotant toujours les même recommandations. Tu dois devenir les ténèbres. Tu dois être la plus sombre des nuits. Tu dois tuer ceux qui se mettent sur ton chemin. Tuer te rendra Peter Pan.

-Non !

Je me levai du banc en un sursaut et me regarda dans la vitre qui séparait la cuisine du banquet. Mes yeux avaient tourné au noir. Je les frottai mais leur teinte ne devint pas plus claire.

-Tuer ne me rendra jamais Pan !

-C'est ce que tu crois, ma chère Alice. Tu étais dans les ténèbres, donc tu es devenue les ténèbres.

-Donnez-moi une seule bonne raison de tuer des gens !

-Je te propose de conclure un marché. Tu tues Blake et je te rends Pan.

-Ce marché ne devrait même pas avoir lieu d'être ! Va t'en !

La voix s'en alla, suite à ma demande. Il me fallait dormir, il fallait que je me sauve de tout ça. De toute cette pollution qui m'obsédait à m'en arracher les cheveux.

Je me mis donc en route pour la chambre, faisant toujours et encore le vide dans ma tête, bien que ce ne soit pas une tâche simple.

Sur ce, je m'allongeai dans le lit et fermai les yeux après cette journée beaucoup trop dure que je venais de vivre.

Je ne prêtais pas d'attention au monde qui est en train de s'effondrer. Il s'est déjà effondré beaucoup de fois, pour moi. Et il a recommencé le matin suivant.



Alice & PanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant