Chapitre 12 - Maison

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La progression du véhicule devint plus lente à partir de ce moment. La freeway n'était plus dégagée avec autant d'attention qu'avant. Toutefois, Gus semblait maîtriser de mieux en mieux le blindé qui esquivait à 40 kilomètres par heure les voitures abandonnées.

Quelques zombis barraient aussi le passage, désactivés par leur horloge biologique.

Nous retenions tous notre souffle — si je peux dire dans mon cas — à chaque passage un peu difficile. Mais le blindé ne frotta pas une fois contre les rails de sécurité. Nous pûmes même faire le plein lorsque nous croisâmes un camion-citerne. Ça signifiait que peu de personnes avaient pris le risque de passer par la freeway ou même simplement de s'y aventurer pour prendre le nécessaire dans les véhicules à l'arrêt.

Pour ma part, une question me tournait dans la tête. Pourquoi le Maître avait décidé de placer son nid dans un lieu aussi étrange ? Il semblait que plusieurs véhicules avaient subi les effets des barrages mobiles et avaient rejoint la structure... Il était plausible qu'un certain nombre d'humains aient pu être engloutis dans l'affaire, pour permettre à l'œuf de survivre, mais je ne voyais toujours pas l'intérêt. Le nombre d'ouvriers était largement suffisant pour faire une moisson d'humains, alors pourquoi au milieu de l'autoroute ?

La difficulté de nos mouvements descendit rapidement alors que nous abordions l'entrée dans le quartier résidentiel qui nous donnait accès aux routes de montagnes. C'était une petite cuvette qui donnait sur des routes serpentant sur le flanc des à-pics montagneux. Les rues étaient maintenant désertes et personne ne s'étonna donc de voir passer un transport de troupes bondé, à vive allure.

Gus ralenti nettement lorsque nous abordâmes la montée vers les vicinales. Nous passâmes la pancarte de l'Angeles National Forest, empruntant la CA-2 vers le nord-ouest, après plusieurs kilomètres de montagne, je guidais Gus sur la N-3 en direction de Monte Cristo Campground dans les Hidden Springs. À partir d'ici, en nous dirigeant vers la Pacifico Mountain, à travers de petites routes privées, nous gagnâmes l'observatoire.

L'endroit était improbable. C'était une grande demeure au milieu de la forêt clairsemée. Un bâtiment principal en L, sur trois étages, qui donnait sur un observatoire à la coupole gigantesque, d'un blanc opalescent dans le début d'aurore. Deux maisons mobiles avaient été ajoutées pour parfaire l'endroit. Pas âme qui vive — remarquez qu'elles n'auraient certainement pas été vivantes, vu les circonstances — un territoire désolé, plein de pierres et de poussière. Une température avoisinant les 30 °C — vers huit heures du matin — mais avec un vent agréable.

Je m'approchais de la porte pour sonder l'intérieur du bâtiment. Il avait été fermé pour la saison et devait ouvrir au moment des premiers campeurs, nous allions les devancer de plusieurs années au final.

Je brisais le loquet de la porte grâce à l'un de mes pics d'os. Le bâtiment comportait des dortoirs — deux grandes salles pour vingt personnes chacune pour être exact ­— et, à l'étage, de quoi vivre confortablement : salle de loisir, cuisine, salle d'eau... et un observatoire en parfait état de marche, bien sûr. Deux grands mobiles-homes avaient été adjoint à l'équipement, certainement pour permettre un peu d'intimité aux scientifiques qui passaient une partie de leur été dans les montagnes.

Une fois la visite faite, il sembla que mon petit groupe se détendit un peu. Je fis le nécessaire pour les armes ainsi que le ravitaillement, aidé de Lloyd et de Gus. Russell, Nancy et Olivia s'occupaient d'installer les dortoirs de façon confortable pour les 10 filles et les 9 garçons qui composaient le groupe.

« J ? Tu sembles toujours préoccupé ! M'interpella Térence une fois que nous eûmes pris place dans le bâtiment.

- Je vais aller à l'observatoire et fouiller les bureaux fermés de l'étage. Il nous faut un peu de matériel pour faire le point sur notre aventure. Plusieurs choses me dérangent et il faut que je puisse les analyser avec attention. Il faut aussi que je prenne le temps de dormir. Je vais encore muter avec ce que j'ai mangé aujourd'hui. Ça va être violent si je laisse la vague venir.

- ça ne nous dit pas ce qui te tracasse, ajouta Lloyd qui passait avec un carton de nourriture lyophilisée.

- Nous avons affaire avec une créature qui n'est pas un humain et qui n'est pas non plus dans le bestiaire que nous avons eu le loisir de voir pour l'instant. Cette chose cherche Bella, puisque nous lui avons enlevé et elle est capable d'étendre sa conscience jusqu'à moi, et certainement jusqu'à elle. Je ne peux être sûr que nous sommes protégés, ici. Même si je suppose que notre escapade nous évitera la plupart des problèmes liés aux zombis, je crains que nous devions nous attendre à voir arriver le Maître avec une armée.

- Pourquoi as-tu ramené cette fille avec toi ? dit Grace avec un peu de violence. Elle nous met en danger !

- Je ne suis pas certain que de posséder deux personnes comme moi dans le groupe soit une mise en danger. Le Maître n'est pas du genre à nous laisser partir sans rien dire. Je crains aussi qu'il n'ait fait tout cela de façon préméditée. Ce qui signifie qu'il a suivi notre balade depuis un moment, voire même depuis que votre groupe s'est rencontré. Il avait besoin d'humain pour sa future femme. Mais j'ai fait foirer son plan. C'est l'explication la plus probable.

- Nous étions ses pions ? Tu veux dire qu'il savait pour notre destination ? demanda Térence.

- Ce que j'en suppose, c'est qu'il a fait intervenir ses propres suivants pour débarrasser l'autoroute de ses véhicules encombrants pour nous mener jusqu'au barrage. Il savait parfaitement que nous utilisions un transport de troupes, et que ce modèle possédait des pneus et non des chenilles. C'est la raison des barrages mobiles. Je pense qu'il supposait encore que Brian et Patrick étaient à la tête du groupe et que ce serait facile de les faire tomber dans ce piège.

- Quel en était le but ?

- Je suppose qu'il avait besoin d'hôte humain pour faire évoluer le virus. L'ensemble des ouvriers avaient complètement muté pour devenir des choses différentes, c'était donc des souches spécifiques du virus Z, et elles ont dû être soigneusement sélectionnées pour permettre de rendre les créatures serviles et aptes à s'occuper de l'œuf. Je sais aussi que le virus qui infectait Bella avant que je ne touche l'œuf était extraordinairement plus complexe que ne l'était celui des ouvriers. Qui, lui-même était extraordinairement plus complexe que celui de la source.

- Je ne te suis toujours pas J.

- Le Maître est capable de sélectionner les souches de Z. Il doit avoir une capacité qui lui permet de savoir ce qu'elles vont être capable ou non de faire.

- ça nous met en danger ?

- Pas à court terme, Térence, mais il lui faudra certainement à un moment ou à un autre résoudre le problème de celui qui lui a volé sa dulcinée mais aussi de ce qui l'a rendue, elle, hermétique à son pouvoir de télépathie.

- Qu'est-ce qu'on fait, maintenant ? demanda Lloyd.

- Je crois que recommencer à vivre serait une bonne option, répondis-je, il reste des larmes à verser et des choses à vivre. Certainement plein de rires à avoir et... Il va falloir se demander si, vu ce qui se passe en ce moment, nous ne serions pas avisés de faire en sorte que chacun d'entre vous ne deviennent une créature plus qu'humaine, à mon instar.

- Tu veux nous transformer ? s'étonna Térence.

- Je vais citer mon professeur es-monstruosité : nous savons que la transformation vers Z — peut être inversé, nous ne savons pas encore comment, mais ce dont nous sommes sûrs, c'est que sans cette transformation, la vie des survivants sera bien plus ardue.

- Tu te demandes ce qu'il est judicieux de faire pour notre survie. Résuma Lloyd.

- Je ne ferais rien sans votre aval, mais notre rencontre avec Bella m'a permis de comprendre que je pouvais facilement vous transformer sans pour autant vous blesser. Ce sera douloureux et long, mais ce sera certainement très bénéfique pour notre capacité à passer ce moment difficile.

- Nous avons déjà de quoi vivre, ici. Une rivière de montagne pour l'eau courante et l'électricité. Une maison en bon état. Des provisions pour une année, qui se trouve dans l'immense garde-manger. Débita Russell en sortant de la maison. Nous avons aussi un peu de temps pour y penser, donc. »

Le jour venait de faire s'effacer les ombres de la nuit. La Terre venait de disparaître sous une apocalypse et nous venions de nous sortir du premier de nos mauvais pas.

Malheureusement, pas de tous.

Je suis ZOù les histoires vivent. Découvrez maintenant