Chapitre 18 - Trahison

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Alors que nous regardions les séquences de gènes défilés devant nos yeux sur le moniteur du supercalculateur, nous comprîmes que ce qui se trouvait être le créateur de Bella était aussi un génie. Fou et génial, malheureusement vont trop souvent de paires... Il était en train de déterminer une carte exhaustive à partir de dizaines de mutations de Z, un moyen simple de pouvoir le faire évoluer dans le sens qu'il souhaitait. Nous ne savions pas encore s'il avait le « Pouvoir » de générer un virus suivant son bon vouloir ou si c'était un savant fou qui réalisait l'opération avec des éprouvettes, mais ça n'avait pas réellement d'importance.

« Qu'est-ce qu'on fait ? demanda Bella.

- Tu pourrais insérer des données sans que ça soit traçable ?

- Non, le calcul par bloc va forcément retourner une erreur de somme de contrôle, et la personne qui a programmé cela saura forcement d'où ça vient.

- Si je me souviens bien, la somme de contrôle est une empreinte digitale pour le bloc à calculer, sachant ce qu'on va effectuer sur le bloc, il est possible de vérifier que ce qui a été calculé est correct.

- C'est ça. Valida-t-elle.

- OK, donc, il faut trouver une autre orientation... Un virus ?

- Difficilement réalisable, je ne suis quand même pas une programmeuse de génie et le protocole utilisé renferme forcement des moyens de distinguer un code malveillant. On n'est pas dans une série télé, là. Répondit-elle rapidement.

- Je m'en doutais un peu. Je ne vois donc qu'une seule autre solution : débrancher la prise.

- Ça ne sera pas suffisant, mais ça peut ralentir le processus de calcul.

– Serais-tu capable de savoir combien d'autres ordinateurs effectuent le calcul distribué ?

- ça devrait être possible... »

Elle tapa quelques commandes puis s'arrêta pour réfléchir.

« D'après les réponses, il n'y a que trois autres sites, dont le calculateur principal, qui sont alimentés et qui proposent des résultats.

– Proposent ?

- Oui, les calculs sont effectués au moins trois fois et au plus quatre fois, et c'est un vote qui valide la solution. Comme je te disais, si j'injecte des résultats faussés, nous serons repérés très rapidement puisque le vote ne sera jamais en notre faveur. Il faudrait transmettre ces résultats faussés identiques à deux endroits en même temps au moins pour que ce soit efficace.

– Peux-tu localiser les sites des autres calculateurs ?

- Oui, sans difficulté. Ils sont tous sur L.A. ou dans les environs comme nous. Il semble que la puissance nécessaire au fonctionnement des communications, même fibrées, ne soit pas suffisante pour atteindre les nœuds de Sacramento, Vegas et Phoenix. Le central de San Diego est connecté, mais il semble qu'il n'y ait plus d'activité là-bas.

- Y a-t-il des informations autres que les calculs du génome de Z qui circulent ?

- Non, dit-elle, lugubre.

- Ça ne veut pas dire grand-chose... une majorité des centrales électriques sont maintenant tombées en panne. D'ailleurs, comment se fait-il qu'il y ait encore de l'électricité sur le central de L. A.

- Le Maître utilise des modifiés comme ouvriers. Ils font tourner une centrale thermique à gaz. L'énergie est uniquement dirigée vers le central.

- Tu veux dire que le Maître s'y trouve ?

- Certainement, finit-elle par dire. »

Je me demandais un instant ce qu'il fallait faire. S'il existait encore des humains, alors la génération de Z plus puissante, résistante, agressive, sélective ou contaminante signerait invariablement leurs arrêts de mort. Dans un sens, j'avais atteint le point où ma nouvelle existence ne me posait plus réellement de problème. Le retour en arrière n'était pas très logique à ce point-là de mon évolution. Mais il y avait un calcul simple à faire : je me nourrissais — jusque là — de morts-vivants, créé par Z et maintenu artificiellement en vie par un mécanisme biologique qui ne permettait plus le maintien des fonctions de régénération. Une nécrose s'en suivait invariablement : les zombis pourrissaient. Ça signifiait qu'au final, nous n'aurions plus rien à nous mettre sous la dent dans quelques mois. Si le reste des humains mourait, notre existence à nous serait forcément plus complexe. Il faudrait attaquer d'autres modifiés et combattre ceux — qui comme nous — avaient pour objectif de survivre.

« Nous ne pouvons pas nous permettre qu'il déclenche une version plus mortelle de Z !, dis-je tout haut.

- Je croyais que tu n'avais pas de sentiments ? demanda Bella.

- C'est de la logique : pas de vivant, pas de morts-vivants, pas de nourriture. Ce qui implique une guerre entre notre groupe et les autres modifiés pour la survie, jusqu'à ce que mort s'ensuive ! Je ne souhaite ce destin à personne et je n'ai pas plus envie de le vivre.

- Tu as peur ?

– Non, mais ce n'est pas dans notre intérêt.

- Qu'allons-nous faire ?

– Réunir les survivants et poser la question...

- Tu veux maintenant qu'ils se positionnent sur leurs transformations.

- Ça ne me pose pas de cas de conscience de les forcer, mais c'est un moyen de diviser le groupe. Ce n'est pas mon but. Ils ont autant le droit que nous à la vérité.

- Si terrifiante soit-elle ?

- Ce Nouveau Monde est ainsi, Bella, je n'y peux rien ! »

Sur son conseil, je pris la nuit pour y réfléchir : je risquais de faire éclater le groupe, mais nous devions faire face à une menace si grande que je ne pouvais pas la garder cachée. Je soupçonnais le Maître de connaître notre existence depuis longtemps et il devait y avoir une raison à cela. Il avait placé Bella à cet endroit de l'autoroute pour une bonne raison. Imbriquant les informations les unes dans les autres, il ne pouvait vouloir qu'une seule chose...

J'étais au chevet de Sarah qui revint à elle plus vite que je ne le pensais.

« Tu as raison, Joshua, vas-y... Dans la salle avec les ordinateurs... Tu trouveras les preuves, si tu t'y rends maintenant ! »

Sans hésiter, je sautais de mon siège et couru jusqu'à la salle des serveurs. J'ouvris la porte en grand et y surpris Bella en train de transmettre des données.

« Ton rapport journalier, je suppose ! J'aurais dû me douter plus tôt que l'objectif du Maître n'était pas notre groupe, mais notre destination. »

Elle me regarda avec un regard étrange. Ces mains s'activaient toujours sur le clavier sans qu'elle semblât s'en apercevoir.

Avant de tirer la moindre conclusion, je l'assommais d'un magistral crochet. Elle tomba violemment sur le sol de béton et glissa sur quelques mètres. Pour la première fois de ma vie, je venais de ressentir la trahison. 

Je suis ZOù les histoires vivent. Découvrez maintenant